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vermeer (johannes) - femme ecrivant une lettre et sa servante

vermeer (johannes) - femme ecrivant une lettre et sa servante
(taille reelle)
Johannes VERMEER - femme écrivant une lettre et sa servante ()
La Femme écrivant une lettre et sa servante (en néerlandais, Schrijvende vrouw met dienstbode) est une peinture de genre du peintre baroque néerlandais Johannes Vermeer, réalisée vers 1670-1671. Il s’agit d’une huile sur toile de 71,1 × 60,5 cm actuellement exposée à la Galerie nationale d'Irlande de Dublin. L'œuvre est signée sur le papier dépassant de la table, sous l'avant-bras droit de la jeune femme écrivant.

D'un format relativement modeste (71,1 × 60,5 cm)1, le tableau représente, dans l'angle d'un intérieur bourgeois néerlandais, une jeune femme écrivant une lettre, assise à une table, pendant que sa servante se tient debout, en retrait2.

La Femme écrivant une lettre et sa servante est le troisième tableau de Vermeer dans lequel la scène et la dynamique ne sont pas concentrées sur une figure féminine unique, mais sur une maîtresse et sa servante.
En l'absence de toute forme de preuve vérifiable, on a parfois proposé de voir dans le modèle pour la femme écrivant la lettre la propre femme de Vermeer, Catharina Bolnes. On a également pu suggérer que la servante était Tanneke Everpoel, au service de la belle-mère du peintre, Maria Thins, et qui aurait également pu servir de modèle à la maîtresse de La Lettre d'amour, et à La Laitière
L’importance donnée à la lettre n’est pas surprenante chez les peintres des Pays-Bas, où l'écriture tenait une place importante dans l'éducation, et où la correspondance était un loisir prisé par les couches les plus hautes de la population, et tendant à se diffuser parmi la classe moyenne. Vecteur privilégié de la relation amoureuse et du jeu de la séduction, la lettre est un motif fréquent de la peinture de genre hollandaise, illustré par des contemporains de Vermeer tels que Gerard Ter Borch, Gabriel Metsu ou Jan Steen, particulièrement dans les années 1650-1660, où il devient l'un des sujets à la mode, notamment en raison de ses potentialités évocatrices, puisqu'il « rend présent ce qui est absent49 ». Il est le plus souvent représenté du point de vue féminin, même si ce choix n'est absolument pas exclusif.

La présence de la servante est, tout d'abord, un marqueur social évident désignant la haute condition de la jeune femme écrivant. Cet écart social est rendu évident par les tenues — par exemple le tablier de la servante, par opposition aux bijoux de la maîtresse —, par la position dans la pièce — la domestique se tenant en retrait, prête à servir —, mais aussi par l'activité d'écriture, à une époque où la majorité du peuple demeurait illettrée.

La servante joue de plus un rôle fonctionnel essentiel dans la scène représentée : placée en attente, elle servira bientôt de messagère pour transmettre la lettre qu'est en train d'écrire sa maîtresse, et visualise sa tâche à venir en regardant par la fenêtre. Elle représente donc, tout comme la lettre, le lien entre sa maîtresse et le destinataire, que l’on peut supposer être un homme. Ceci renvoie à une fonction traditionnelle des servantes, dans la peinture de genre comme la littérature populaire et le théâtre, comme femme de confiance, voire confidente, notamment dans les intrigues amoureuses des maîtres. En ce sens, la servante est certes étrangère au contenu de la lettre, mais demeure l'agent essentiel de mise en contact entre la maîtresse et son amoureux.

Finalement, tout comme le contenu de la lettre qu'écrit la maîtresse, l'intériorité de la servante reste opaque, voire inaccessible au spectateur, et acquiert une autonomie équivalente à celle de sa maîtresse — la seule différence résidant dans la maîtrise ou non de l'écrit, marqueur d'opposition sociale entre les deux femmes57.

Le tableau qui apparaît dans la partie supérieure droite de la toile, et qui est en partie coupé par le cadre, prend comme sujet Moïse sauvé des eaux. Il illustre le passage du Livre de l'Exode de la Bible62 dans lequel la fille de Pharaon recueille Moïse confié au Nil par sa mère. Il s'agit vraisemblablement d'un tableau que possédait Vermeer ou sa famille, même s'il n'a pas encore été formellement identifié63. Certains y voient le Moïse sauvé des eaux de Jacob Van Loo, d'autres celui de Christiaen van Couwenbergh, d'autres encore64 un tableau de jeunesse de Peter Lely65. L'hypothèse selon laquelle le tableau-dans-le-tableau serait une œuvre de Vermeer lui-même, qu'il faudrait par conséquent ajouter à la liste de ses œuvres66, ne repose sur aucun fondement réel, dans la mesure où aucun autre tableau du peintre ne reproduit cette éventuelle pratique de l'autocitation.

Le même tableau apparaît dans une autre œuvre de Vermeer, L'Astronome, daté de 1668, mais selon un cadrage et dans une taille nettement différents, ce qui a pu faire dire que le peintre soumettait le tableau-dans-le-tableau aux nécessités de sa composition. Dans la Femme écrivant une lettre et sa servante, le Moïse sauvé des eaux, de très grand format, est beaucoup plus imposant, et la part occupée par le paysage est plus importante, à gauche, à droite, comme au-dessus du groupe de personnages. La scène est de plus tronquée différemment par le cadre : dans L'Astronome, le tableau est coupé au niveau de la fille de Pharaon agenouillée, ce qui occulte le personnage de Moïse sur ses genoux, alors que dans la Femme écrivant une lettre et sa servante, l'enfant nu est bel et bien représenté, avec deux autres adultes à sa droite.

La « parenté formelle » entre les deux compositions est frappante. Dans les deux tableaux, le personnage principal, l'épistolière d'un côté, la fille de Pharaon de l'autre, est située dans la lumière, au sommet d'un triangle partant de l'angle supérieur gauche des deux toiles, et interrompu par un personnage debout, la servante dans un cas, le personnage se tenant derrière la fille de Pharaon de l'autre.

La « nature morte » à la droite du premier plan, devant la table, a tout d'abord été identifiée de manière parfois contradictoire. Le papier froissé est le plus souvent considéré comme une lettre décachetée, que la jeune femme vient de recevoir, et dont elle vient de détacher en hâte le cachet rouge avant de se mettre à écrire la réponse11,37,14. Le bâton de cire, qui sert à cacheter les lettres, non à les décacheter, paraît dans ces circonstances incongru : il aurait donc pu se trouver sur la table et tomber de celle-ci dans l'agitation de la réception de la lettre11, ce qui indiquerait une perturbation s'opposant au calme apparent et à la concentration de la jeune femme écrivant. Il en résulterait une « note d’urgence, animant cet intérieur feutré, et faisant de cette scène un sublime mystère de petit salon »75. D'autres font de ce papier à terre, non une lettre reçue, mais une première version, ou un brouillon de la lettre que la jeune femme est en train d'écrire, qu'elle aurait froissé et jeté, insatisfaite. Ceci rendrait mieux compte de la présence du pain à cacheter17, mais moins de celle du sceau défait, qui suppose une lettre ouverte11. Après avoir identifié le papier à terre comme un brouillon de lettre raté et froissé28, Albert Blankert propose par la suite d'y voir un mince manuel de rédaction de lettres, comme il pouvait en exister à cette époque. Le fait qu'il soit à terre signifierait que la jeune femme l'a délaissé, voire repoussé, n'ayant pas trouvé de modèle correspondant à son cas précis, ou ayant rejeté ceux-ci pour s'épancher plus sincèrement dans sa missive76. Arthur Wheelock enfin voit dans la lettre à terre moins un signe d'urgence et d'impatience qu'une preuve de la colère de la jeune fille, rappelée à la « foi constante sur le plan divin77 » par la vaste scène religieuse qui occupe le mur du fon de la pièce.

En l'absence de documentation relative au tableau du vivant de Vermeer, ou d'indication portée sur la toile, la datation de l'œuvre n'a pu se faire qu'à partir de critères stylistiques.

Le raffinement du traitement du visage de la maîtresse, la précision linéaire de la composition, ainsi que l'effet général d'abstraction confinant à une géométrisation des formes présentent un degré de perfection qui illustre au plus haut point la manière tardive de Vermeer.

Les effets de stylisation allant vers l'abstraction, notamment des visages et des étoffes, ainsi que le traitement de l'éclairage, « cru et impitoyable », ont fait placer la toile assez tard dans la carrière de Vermeer, à une époque proche de celle de la réalisation de La Joueuse de guitare28,26. Sa datation donne lieu à un relatif consensus : vers 1670 pour le site de la National Gallery of Ireland, vers 1670-1671 pour Walter Liedtke11, 1671 pour Albert Blankert.

Une analyse informatique de la densité des fils des trames des toiles de Vermeer a cependant révélé que le support de la Femme écrivant une lettre et sa servante correspondait à celui de La Femme au luth, les deux toiles ayant par conséquent été vraisemblablement découpées dans le même rouleau. Ceci pose un problème de datation, puisque les critères stylistiques font généralement évaluer l'exécution de La Femme au luth entre 1662 et 1664. Ce problème peut être résolu de deux façon : soit on suppose l'écart chronologique entre les deux toiles plus mince, en relevant la datation de La Femme au luth vers 1665, et en abaissant celle de la Femme écrivant une lettre et sa servante à la fin des années 1660, soit on suppose que Vermeer a utilisé, pour cette seconde toile, un rouleau qu'il tenait en réserve depuis plusieurs années84.

Propriétaires successifs
D'un boulanger de Delft à la National Gallery of Ireland

Catalogue de la vente Secrétan tenue à Paris le 1er juillet 1889
Cette toile n'a pas été vendue du vivant de Vermeer, et est restée en sa possession11. Après sa mort, sa femme la donne en gage à un boulanger de Delft, Hendrick Van Buyten, pour régler une dette de 617 florins, le 27 janvier 167685. Le tableau ne réapparaît qu'en 1730, au no 92 du catalogue de la vente Josua van Belle, qui se tient à Rotterdam.

On retrouve sa trace en 1734, dans l'inventaire après décès du Delftois Franco van Bleyswyck. Maria Catharina van der Burch en hérite, et il est mentionné dans la collection de son mari Hendrick van Slingelandt en 1752. Une des deux filles du couple, Agatha ou Elisabeth Maria, en hérite à son tour, probablement vers 1761.

Le 6 avril 1881, il est acheté au Viennois Viktor von Miller zu Aichholtz par le marchand d'art Charles Sedelmeyer, qui le revend le 17 avril de la même année à l'industriel et collectionneur d'art français Eugène Secrétan. Il figure au no 140 du catalogue de la vente Secrétan qui se tient à Paris le 1er juillet 1889, où il est adjugé 62 000 francs. Il fait alors partie de la collection Marinoni à Paris, puis se trouve dans la galerie parisienne F. Kleinberger, avant d'être acquis par Sir Alfred Beit, vers 189586. Il est présent dans les collections de ce dernier jusqu'en 1906, puis de celles de ses héritiers successifs, Otto Beit (jusqu'en 1930), et Alfred Beit (jusqu'en 1987), d'abord à Londres, puis, à partir de 1952, à Russborough House, près de Dublin en Irlande86. Il est finalement offert par Alfred Beit à la National Gallery of Ireland en 198686. Sa cote est alors estimée à 20 000 000 ₤87.

Un tableau volé deux fois
Le 27 avril 1974, la toile est volée, avec dix-huit autres œuvres, dont un Goya, un Gainsborough et trois peintures ainsi qu'une esquisse de Rubens, à Russborough House d'Alfred Beit par un groupe armé de l'IRA dirigé par Rose Dugdale88. Les toiles sont alors découpées de leurs cadres à l'aide d'un tournevis par les voleurs89. Pour leur restitution, une rançon est réclamée, ainsi que la libération de quatre indépendantistes emprisonnés en Irlande du Nord. Mais le Vermeer et les autres œuvres sont retrouvés huit jours plus tard, le 5 mai 1974, dans une petite maison de County Cork. Rose Dugdale est à cette occasion arrêtée, et condamnée à neuf ans de prison90,91.

Dans la nuit du 21 mai 1986 l'œuvre est de nouveau volée à Russborough House, avec dix-sept autres, par la bande du cambrioleur dublinois Martin Cahill92. Mais Cahill manque de contacts, mais aussi de connaissances, pour écouler les œuvres par les filières clandestines internationales de recel d'art : selon un reportage de la Raidió Teilifís Éireann, ses goût en matière d'art se cantonnaient aux « joyeuses scènes de cygnes s'ébattant sur une rivière, comme les chromos accrochés dans son salon, mais il croyait que les chefs-d'œuvre volés lui rapporteraient une fortune92. » Le tableau est finalement récupéré — avec trois autres des tableaux initialement volés à Russborough House, dont le Portrait de Doña Antonia Zárate de Goya — lors d'une transaction effectué le 1er septembre 1993 dans les parkings de l'aéroport d'Anvers, qui s'avère être une opération d'infiltration organisée par la police irlandaise93. Comme il avait déjà été légué in absentia à la National Gallery of Ireland par Alfred Beit, il est restitué au musée de Dublin, où il est actuellement exposé9

Femme écrivant une lettre et sa servante
DublinVermeer.jpg
Artiste
Johannes Vermeer (ou Jan Van der Meer)
Date
1670-1671
Type
Huile sur toile
Dimensions (H × L)
71,1 × 60,5 cm
Mouvement
Âge d'or de la peinture néerlandaise
Localisation
Galerie nationale d'Irlande, Dublin (Drapeau de l'Irlande Irlande)
Numéro d’inventaire
NGI.4535
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