Selon les frères Goncourt, le XVIIIe siècle fut le siècle de la séduction et de l'intrigue amoureuse.
Ils firent de Jean Honoré Fragonard (1732-1806) le principal illustrateur, voire le principal agent, de ce postulat. L'inspiration amoureuse parcourt en effet l'œuvre protéiforme, souvent en écho avec les transformations et les préoccupations de son époque. Celle-ci accompagnera les derniers feux de la galanterie pour emprunter ensuite les voies diverses de la polissonnerie et du libertinage ou de l'amour sincère et moralisé.
La question de l'articulation délicate de la sensualité et du sentiment est centrale dans l'espace intellectuel, philosophique et littéraire au milieu du XVIIIe siècle, lorsque les Lumières se passionnent pour le sensualisme venu d'Angleterre.
Cette même question est centrale dans l'œuvre de Fragonard tout au long de sa carrière.
De vos fruits, Jeanne, amande, pèche ou fraise,
On sait la tendre et puissante saveur :
Ils sont de ceux gonflés de ta saveur
Qu'on presse, on croque, on suce, on boit, on baise.
Le jus Tendresse et puis le suc Amour
Tandis que l'âme avec l'âme roucoule,
Des fruits pressés, l'un jaillit, l'autre coule,
Et l'autre et l'un, dans ton soyeux séjour.
Tout est bon, tout se mange
Dans cette Jeanne étrange,
Et d'abord et toujours
La bouche à langue tendre
Où l'âme vient apprendre
Le goût de tes amours.
Paul Valery - in Corona et Coronilla
(poème à Jean Voilier)