Le tableau frappe par son incroyable modernité. Incarnation, mort et salut concentrés dans une même mise en scène, dans un raccourci qui nous ébranle. Dans cet univers statique et clairement structuré, où les volumes sont synthétisés, le noir ouvre sur le vide, il donne la dimension cosmique de l'événement. Comme pour nous dire que sans l'incarnation, il n'y a pas de représentation possible du divin mais un abîme. Un trou noir. Un trou tellement vertigineux qu'il faut que l'arbre soit investi par la lettre, qui ouvre à la parole. Elle seule peut apprivoiser le néant. C'est par la parole que l'homme accède à cette forêt hostile.
Au-delà de l'impact violent de cette peinture, qui oppose lumière et ténèbres, fécondité et stérilité, un dialogue s'instaure qui veut bien en explorer son mystérieux message.
La Vierge à l'arbre sec ou Madone à l'arbre sec est un tableau du peintre primitif flamand Petrus Christus. Huile sur panneau de 17,4 cm × 12,4 cm, il est réalisé après 1462. Retrouvé au début du xxe siècle dans une collection belge, il a été attribuée à Petrus Christus par Grete Ring en 1919. Il est actuellement exposé au Musée Thyssen-Bornemisza, à Madrid.
Petrus Christus et son épouse intègrent, en 1462, la Confrérie Notre-Dame de l'Arbre Sec, une société religieuse basée à Bruges, engagée dans la charité et consacrée à l'Immaculée Conception de la Vierge. Selon une légende, la Vierge Marie et l'Enfant Jésus seraient apparus à Philippe le Bon, sur le tronc d'un arbre sec, avant une bataille contre les Français. Il aurait alors prié pour la victoire devant cette apparition qui lui était ainsi accordée. La Fraternité aurait été instituée en remerciement et pour la commémoration de cette victoire.
Sur un fond noir, en pleine lumière, une Vierge à l'Enfant apparaît, sertie de branches qui ont perdu toute sève. Dans son manteau rouge relevé d'une doublure verte, elle resplendit. L'enfant semble se tenir tout seul, en apesanteur dans des bras qui ne le contiennent pas, qui l'effleurent tout juste. Il est déjà séparé, aucun cordon ne le rattache à Marie. La main de la Vierge ne touche pas le pied de l'enfant. Le geste est arrêté comme si Petrus Christus, de façon délibérée, avait voulu en interrompre le rythme.
La Vierge, avec son front altier des Vierges flamandes, son visage juvénile, n'est guère représentée en tant que figure maternelle, ce qui se décide là semble lui échapper. Tout se joue ailleurs.
À la jonction des branches, au creux du tronc, la Vierge est littéralement greffée, verticalement, sur l'arbre mort. L'Enfant Jésus est bien le fruit de l'incise. Son rôle de Rédempteur est indiqué par le globe surmonté de la croix qu'il tient dans la main gauche. L'arbre sec de la chute métamorphosé en couronne d'épines insiste sur la déréliction.
Ce tableau illustre le verset du Prophète Ézéchiel (17.24) :
« Et tous les arbres des champs sauront que moi, l'éternel, j'ai abaissé l'arbre qui s'élevait et élevé l'arbre qui était abaissé, que j'ai desséché l'arbre vert et fait verdir l'arbre sec. Moi, l'éternel, j'ai parlé, et j'agirai. »
Marie rend la vie à l’arbre mort. Les quinze lettres « A » d'or suspendues aux branches sèches symbolisent la première lettre des paroles de l'archange Gabriel : Ave Maria – par qui le salut de l’homme commencera.
Marie porte un manteau rouge sang dont l’éclat est relevé par le vert complémentaire de la doublure et le noir du fond. En représentant Marie comme un bouton de rose dans un arbre mort, ce panneau se réfère aussi à la Confrérie Notre-Dame de l'Arbre Sec. Chaque année au cours d’un banquet, les femmes de la confrérie accueillaient les nouveaux membres en les aspergeant de quelques gouttes d’eau de rose. Le parfum de la rose était un symbole marial.