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ferrat (jean) - nuit et brouillard (chanson fr) 1963@@

ferrat (jean) - nuit et brouillard (chanson fr) 1963@@
(taille reelle)
Jean FERRAT - Nuit et brouillard ()

Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers,
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés,
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants,
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent.
Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres:
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés.
Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre,
Ils ne devaient jamais plus revoir un été

Nuit et Brouillard est une chanson de Jean Ferrat sortie en décembre 1963 sur l'album du même nom chez Barclay. Jean Ferrat en est l'auteur-compositeur-interprète.
Commémorant les victimes des camps d'extermination nazis de la Seconde Guerre mondiale, Nuit et brouillard évoque également pour Jean Ferrat un drame personnel et douloureux, la disparition de son père, juif émigré de Russie, arrêté puis séquestré au camp de Drancy par les autorités allemandes, avant d'être déporté (le 30 septembre 1942) à Auschwitz1, d'où il n'est pas revenu. Il voulait aussi rendre hommage aux victimes qui ont été déportées.
Le titre fait référence à la directive Nuit et brouillard signée en 1941 par Adolf Hitler, qui ordonne que les personnes représentant une menace pour le Troisième Reich ou la Wehrmacht dans les territoires occupés seront transférées en Allemagne et disparaîtront dans le secret absolu.
L'heure étant à la réconciliation avec l'Allemagne, la chanson fut interdite à la radio et à la télévision où, sous l'influence directe de l'Élysée, elle fut fortement « déconseillée » par Robert Bordaz, directeur de l'ORTF. Elle passa tout de même un dimanche à midi sur la première chaîne, dans l'émission Discorama de Denise Glaser2. Le succès suivit, et Jean Ferrat reçut pour cette chanson le grand prix du disque de l'Académie Charles-Cros en 1963. Ce fut le début du succès pour le chanteur.
En 2005, dans un entretien accordé à la revue Nouvelles d’Arménie Magazine, le rédacteur en chef de la revue L’Arche Meir Weintrater reproche à la chanson de ne citer que brièvement les Juifs comme victime des nazis. Ses accusations ont été reprises par d'autres sites internet. Jean Ferrat répond dans une lettre ouverte à Meir Weintrater où il dit au contraire regretter « de n’avoir pas cité les autres victimes innocentes des nazis, les handicapés, les homosexuels et les Tziganes. ». M. Weintrater affirmait à la fin de l'interview qu'aujourd'hui, « un tel texte serait attaqué pour négationnisme implicite ». Ferrat répond en écrivant : « Je me demande par quelle dérive de la pensée on peut en arriver là, et si vos propos ne relèvent pas simplement de la psychiatrie. ».

Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers,
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés,
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants,
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent.
Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres:
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés.
Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre,
Ils ne devaient jamais plus revoir un été

La fuite monotone et sans hâte du temps,
Survivre encore un jour, une heure, obstinément
Combien de tours de roues, d'arrêts et de départs
Qui n'en finissent pas de distiller l'espoir.
Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel,
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou,
D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel,
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux.

Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage;
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux?
Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âge
Les veines de leurs bras soient devenus si bleues.
Les Allemands guettaient du haut des miradors,
La lune se taisait comme vous vous taisiez,
En regardant au loin, en regardant dehors,
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers.

On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours,
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour,
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire,
Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare.
Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter?
L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été,
Je twisterais les mots s'il fallait les twister,
Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez.

Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers,
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés,
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants,
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent.