VANYA 42e rue, Louis Malle 1994, Andre Gregory, Julianne Moore (theatre)@@ ()
New York, sur la 42e rue. Une troupe de comédiens s'est donné rendez-vous devant le New Amsterdam, un gigantesque théâtre désaffecté. Quelques notes de jazz, des retrouvailles : ils viennent y répéter "Oncle Vania", célèbre pièce d'Anton Tchekhov, sous la direction d'André Gregory, grand metteur en scène. On ne s'aperçoit de rien, mais la vie rapidement se mêle au théâtre, dans une oeuvre de maturité sur la création et le temps qui passe.
TELERAMA
Si le théâtre filmé a rarement bonne presse, quelques cinéastes ont su faire mentir les conventions. Ainsi de Louis Malle, qui réalise avec cette adaptation d’Oncle Vania un de ses chefs-d’œuvre. La pièce de Tchekhov est simple : au milieu de la campagne russe, le poison de la vie qu’on n’a pas eue s’est infiltré dans l’esprit d’Ivan, jaloux de son beau-frère autrefois admiré. Plane aussi la tristesse des amours déçues d’Astrov, de Sonia et d’Elena. Quelques derniers pas de danse, avec pour seul remède à la vanité un ballet de petites cruautés orgueilleuses, de regrets et de sanglots.
Quelle plus belle conclusion pour Louis Malle que cette ultime adaptation ? L’écrivain russe et le cinéaste français partageaient la même ironie du désespoir et une défiance certaine envers la bourgeoisie. L’intuition géniale ? Avoir déplacé l’intrigue au cœur de Manhattan dans le vide d’un théâtre abandonné, le New Amsterdam. Avant sa rénovation, c’est un écrin aussi majestueux que vétuste, qui magnifie le faste et la déliquescence de ces notables de province au soir de leur vie. Et puis il y a la troupe, remarquable : Wallace Shawn, bien sûr, mais surtout Brooke Smith et Julianne Moore, bouleversantes en fausses rivales. Il faut dire que Louis Malle vient ici « capter » et magnifier la véritable expérience, un peu folle, du metteur en scène André Gregory (qui joue son propre rôle), la représentation consistant à répéter la pièce encore et encore avec les mêmes comédiens… pendant cinq ans ! Un de ces personnages en marge ou transgressifs qui ont toujours attiré le réalisateur du Feu follet (1963), mort un an après la sortie de Vanya, 42ᵉ Rue.