L’œuvre du Créateur se devine derrière
L’ineffable splendeur de ses charmes soyeux
Et ma main qui caresse encolure et crinière
À travers ses beautés, frôle la main de Dieu
Superbe et triomphante Elle vint en grand apparat,
Traînant avec des airs d’infante Un flot de velours nacarat
Oh! quelles ravissantes choses, Dans sa divine nudité,
Avec les strophes de ses poses, Chantait cet hymne de beauté!
Comme les flots baisant le sable Sous la lune aux tremblants rayons,
Sa grâce était intarissable En molles ondulations.
Mais bientôt, lasse d’art antique, De Phidias et de Vénus,
Dans une autre stance plastique Elle groupe ses charmes nus.
Sur un tapis de Cachemire, C’est la sultane du sérail,
Riant au miroir qui l’admire Avec un rire de corail;
Théophile Gautier
Ô miroir, vous m'êtes témoin Vous qui redites toute chose
Qu'étant belle je n'ai besoin Que d'un soupçon de poudre rose.
Belle sans fard, dans ce coin d'or, Toutefois niche un peu de rose
Pour la vive métamorphose D'un teint du soir quand il s'endort.
Et la rose de ma joue Parfois puise au poudrier,
Ma plume aussi bien se joue A plonger dans l'encrier.
Pour belle que je me sente, Avec un rien de couleur
Une lèvre incandescente Lestement me fera fleur.
Ce trésor très familier Tient la poudre de framboise
Dont parfois quelque voilier Le visage se pavoise.
Paul Valery
Je veux te raconter, ô molle enchanteresse
Les diverses beautés qui parent ta jeunesse;
Je veux te peindre ta beauté,
Où l'enfance s'allie à la maturité
Sur ton cou large et rond, sur tes épaules grasses,
Ta tête se pavane avec d'étranges grâces;
D'un air placide et triomphant
Tu passes ton chemin, majestueuse enfant.
Ta gorge qui s'avance et qui pousse la moire,
Ta gorge triomphante est une belle armoire
Dont les panneaux bombés et clairs
Comme les boucliers accrochent des éclairs,
Boucliers provoquants, armés de pointes roses !
Armoire à doux secrets, pleine de bonnes choses,
De vins, de parfums, de liqueurs
Qui feraient délirer les cerveaux et les coeurs !
Tes nobles jambes, sous les volants qu'elles chassent,
Tourmentent les désirs obscurs et les agacent,
Comme deux sorcières qui font
Tourner un philtre noir dans un vase profond.
Tes bras, qui se joueraient des précoces hercules,
Sont des boas luisants les solides émules,
Faits pour serrer obstinément,
Comme pour l'imprimer dans ton coeur, ton amant.
Charles Baudelaire
Quand tu vas balayant l'air de ta jupe large,
Tu fais l'effet d'un beau vaisseau qui prend le large,
Chargé de toile, et va roulant
Suivant un rythme doux, et paresseux, et lent.
Sur ton cou large et rond, sur tes épaules grasses,
Ta tête se pavane avec d'étranges grâces;
D'un air placide et triomphant
Tu passes ton chemin, majestueuse enfant.
Il aimait à la voir, avec ses jupes blanches,
Courir tout au travers du feuillage et des branches,
Gauche et pleine de grâce, alors qu’elle cachait
Sa jambe, si la robe aux buissons s’accrochait.
Charles Baudelaire
L'été, brûleur d'écorse, de résines, mêle à l'ambre de femme le parfum des pins noirs.
Hâle de femme et rousseur d'ambre sont de Juillet le flair et la morsure.
Ainsi les dieux, gagnés d'un mal qui n'est point nôtre,
tournent à l'or de laque dans leur gaine de filles.
Et toi, vêtue d'un tel lichen, tu cesses d'être nue :
la hanche parée d'or et les cuisses polies comme cuisses d'hoplite
Loué sois-tu, grand corps voilé de son éclat,
poinçonné comme l'or à fleur de coin des Rois !
Saint John Perse
Caresses butineuses sous la chaleur du soleil tes lèvres s'entrouvrent
grandes et petites pétales roses et fragiles qui s'épanouissent avec délicatesse
comme les ailes légères d'un papillon irisées d'un rouge tendre au creux de sa corolle
reluit la douce cyprine qui perle à fleur de peau ambroisie des amoureux
je butine autour de ta fleur odorante avant d'y poser ma bouche
pour y laper le nectar des dieux qui s'écoule de ta source
je sens ton corps qui se livre il s'offre à moi tout entier
il se confie avec ferveur à ma tendresse à ma passion
tu m'enivres de tes caresses de ton breuvage désaltérant
qui trahit si savoureusement tes plus secrets tes plus fougueux désirs