Te souviens-tu des premiers pas de notre amour ?
Il était tout de charme et de vague contour,
Et ses mains s'attardaient à leurs prises premières ;
Nos yeux savaient déjà se prendre leurs lumières :
Les miens plus clairs vivaient dans les tiens plus foncés,
Nos voix disaient bien plus que les mots prononcés,
Ton timbre frais et tendre encore me remue...
Alors tu m'appelais... Tu m'attendais émue
Tandis que je volais, plus jeune qu'à vingt ans.
Ivre de me sentir par toi vainqueur du temps,
Vers ta forme, ô ma Nymphe, en belle robe blanche...
Alors... Tu m'accueillais comme une fleur se penche,
Et moi, sur ton sein tiède et doucement mouvant,
Je respirais en toi mon poème vivant.
Tout nous était joyau, songe, sources, délices,
Ton amour m'entr'ouvrait ses intimes calices
Où je buvais la soif éternelle de toi.
Tu m'étais le trésor d'espérence et de foi
Nous sentions qu'à jamais nous étions l'un à l'autre,
Qu'il n'était de bonheur au monde que le nôtre,
Qu'entre nous rien de vil ne surgirais jamais,
Que rien n'était plus sûr entre nous désormais,
Plus sûr, plus clair, plus vrai, plus nécessaire et juste
Ni plus doux que ce don d'une tendresse auguste
Et d'un secret très pur d'indivisible orgueil.
Tout s'élevait de nous vers un superbe seuil
Si beau, que d'y songer, je pleure, et ma main tremble...
L'acte, alors, de nous prendre et de "jouir ensemble"
N'était point le vain jeu de spasmes attendus,
Mais l'offrande en commun de nos êtres fondus,
Nus, perdus, et trouvant une même agonie,
Au mystère qui veut notre étrange harmonie...
... Te souvient-il des temps bénis de notre amour ?
Il y eut un jour... Et puis il vint un autre jour...
Ô Palpitante, ô tendre,
Souffriras-tu d'entendre
Ce que chante la cendre
De notre premier jour ?