Sa chevelure dénouée, Marthe semblait dormir près du feu. Son sommeil simulé lui était prétexte, pour mettre ses bras autour de mon cou, et une fois réveillée, les yeux humides, me dire qu’elle venait d’avoir un rêve triste. Elle ne voulait jamais me le raconter.
Je profitais de son faux sommeil pour respirer ses cheveux, son cou, ses joues brûlantes, et en les effleurant à peine pour qu’elle ne se réveillât point, je me penchais sur elle pour voir son visage entouré de flammes. C’était jouer avec le feu. Un jour que je m’approchais trop sans pourtant que mon visage touchât le sien, je sentis ses lèvres contre les miennes. Elle fermait encore les yeux, mais visiblement comme quelqu’un qui ne dort pas. Je l’embrassai, stupéfait de mon audace, alors qu’en réalité c’était elle qui, lorsque j’approchais de son visage, avait attiré ma tête contre sa bouche. Ses deux mains s’accrochaient à mon cou ; elles ne se seraient pas accrochées plus furieusement dans un naufrage. Et je ne comprenais pas si elle voulait que je la sauve, ou bien que je me noie avec elle.
- Tu es un enfant. Tu ne comprends donc pas que si je te demande de t’en aller, c’est que je t’aime et que j'ai envie de toi.
- Va t’en et ne me crois pas méchante ; bientôt tu m’auras oubliée. Mais je ne veux pas causer le malheur de ta vie. Je suis trop vieille pour toi !
J’aurais voulu pouvoir embrasser ses seins. Je n’osais pas le lui demander, pensant qu’elle saurait les offrir elle-même, comme ses lèvres. Au bout de quelques jours, l’habitude d’avoir ses lèvres étant venue, je n’envisageai pas d’autre délice.
...
Quelques jours plus tard, J’étais dans le lit. Marthe m’y rejoignit. Je lui demandai d’éteindre. Mais la minute où nous nous désenlaçâmes, et ses yeux admirables, valaient bien mon malaise. Le sommeil nous avait surpris dans notre nudité. À mon réveil, la voyant découverte, je craignis qu’elle n’eût froid. Je tâtai son corps. Il était brûlant. La voir dormir me procurait une volupté sans égale. Au bout de dix minutes, cette volupté me parut insupportable. J’embrassai Marthe sur l’épaule. Elle ne s’éveilla pas. Un second baiser, moins chaste, agit avec la violence d’un réveille-matin. Elle sursauta, et, se frottant les yeux, me couvrit de baisers,