Il entoura sa belle et lui offrit une étonnante sensation de chaleur. Il passait et repassait sur son corps. L’amoureuse en eut des frissons, et comprit qu’il s’agissait de caresses. Une forme de massage tout d’abord, puis des passages plus sensuels, ne faisant que l’effleurer. Elle reconnaissait bien là toute la dextérité de son homme. Quelques instants plus tard, c’était sous ses vêtements. Au premier contact, ce fut comme si des mains se posaient sur elle, et la jeune fille en poussa un cri. Puis la sensation vira au tiède, et enfin au chaud. Ô seigneur que c’est bon, se dit-elle. Soudain, elle détestait ses vêtements. Voulant retirer son chemisier, elle dut s’y reprendre à plusieurs fois, ses membres étant comme figés, et son corps paralysé. Se faisant violence, elle parvint enfin à coordonner ses mouvements, en profitant pour tout enlever aussi vite qu’elle en était capable. Chemisier déboutonné, puis soutien-gorge, chaussettes, pantalon, culotte. Elle le fit telle une prisonnière se défaisant de ses chaînes, et prit plusieurs minutes à parvenir à ses fins. Lorsque Sandrine fut entièrement nue, ce fut pour elle comme une libération. Se jetant au sol, elle s’allongea sur le dos, écarta les bras et entrouvrit les jambes. La température montait trop pour prendre son temps… par ailleurs, qui sait combien de minutes Amaury pourrait rester. Qui sait si chaque moment qui passait ne serait pas le dernier, et qu’il serait contraint de la quitter définitivement. Son cœur se mit à battre à tout rompe, et elle souffla pour expulser son trop-plein d’émotions. Elle devinait bien entendu le désir de son copain, même si elle ignorait encore si ce serait possible. Ce serait si beau, si inespéré qu’elle n’osait y croire. L’éventualité était tant enivrante qu’effrayante. Cela rendrait leur amour, en un sens, plus fort que la mort elle-même.
La posture que Sandrine avait prise, si simple soit-elle, arrangeait tout : dorénavant, elle n’avait rien d’autre à faire que de laisser cette boule de plaisir l’approcher et faire tout ce qui lui plairait. Qu’elle ne puisse bien maîtriser ses mouvements n’avait plus grande importance : son corps, comme son être, étaient désormais espace d’accueil. L’âme masculine répondit à cette invitation, et s’étendit sur sa conquête de tout son long. De premières vagues de caresses passèrent, des orteils au visage. Mille bras l’exploraient, comme dans ces animations japonaises où des extraterrestres aux multiples tentacules soumettent d’innocentes écolières aux pires outrages. La petite amie aurait eut peine à décrire tout cela. Toute image ne pouvait que s’approcher de ce qui se déroulait, sans pour autant le refléter totalement.
Les caresses furent langoureuses, innombrables, explorant ses hanches, sa nuque, ses jambes, sa poitrine. Le garçon était partout à la fois, elle ne l’entendait pas, ne sentait pas son odeur, mais aurait presque cru pouvoir le toucher ou croiser son regard. Les seuls mouvements dont elle était capable était ceux de se tortiller en tout sens, d’une manière presque involontaire, son excitation ayant besoin d’être extériorisée. Elle comprenait mieux les témoignages des quelques copines ayant vécu des partouzes ou gang-bangs, lui confiant qu’avoir des mains en tout endroit sur le corps procurait des sensations indescriptibles…
Si ce n’est qu’elle-même était en train de vivre quelque chose d’encore mieux, et bien plus fort. Aucune partie de sexe de groupe, pour peu qu’elle en vive un jour, ne lui apporterait autant. Entre elle et lui, le signe du Yin Yang transparaissait. Elle de chair, lui d’âme. Elle d’une maladresse inhabituelle, lui d’une habileté hors-norme. Bien qu’excellent amant, il n’avait jamais été aussi doué de son vivant. En fait, ne plus avoir de corps le rendait plus vivant que jamais. Pas de doute : la mort n’existait pas, on ne faisait que passer d’un état à un autre.
Les gestes se concentrèrent de plus en plus au niveau du bassin, puis de la vulve. Sandrine savait que le surnaturel de la situation rendait inutile qu’elle écarte les cuisses, elle se permit donc le luxe de les frotter l’une contre l’autre pour mieux faire passer son plaisir. L’âme se posa sur son clitoris et devint plus fraîche, comme si c’était tantôt une langue, tantôt un doigt qui pressait ce point qu’elle aimait tant. Sa respiration était sonore, elle commençait à laisser échapper des sortes de plaintes, et se connaissait trop bien pour ignorer qu’elles iraient crescendo. La présence de Vanessa dans l’appartement l’incommodait, sans compter les voisins du dessous, au courant de la triste nouvelle, qui s’imagineraient qu’elle se faisait déjà sauter par un autre à peine quelques heures après le décès de son petit ami. Comment leur expliquer, et qui la croirait ? De toute façon, l’envie était trop forte pour qu’elle puisse se réfréner. Un œil extérieur, s’il y en avait eu un, n’aurait vu dans cette pièce qu’une belle jeune fille nue, seule, ondulant pendant un rêve érotique… ou plutôt pornographique, car les positions prises étaient de plus en plus obscènes. Que ce soit utile ou non, l’amante écartait à présent les cuisses. Non pas qu’il ne saurait la pénétrer autrement, elle avait surtout l’intuition que les sensations seraient encore meilleures ainsi. Toutefois, il n’entra pas en elle immédiatement, comme s’il voulait la faire languir. Comme s’il attendait qu’elle soit presque implorante et suppliante, ce qu’elle était pourtant déjà.
Les ondes changèrent de forme. Elles étaient dorénavant comme un souffle de vent mêlé à de l’électricité statique, qui la rendait toute humide. Son corps entier fut enveloppé dans une sorte de cocon. Enveloppe magnétique qui devint chaude. Plus chaude encore, presqu’incandescente. Comment une telle température pouvait-elle être aussi plaisante ? Rien ne l’ébouillantait, au contraire elle vénérait cette chaleur, pourtant brûlante. Le cocon se défit : Sandrine eut soudainement froid. L’instant d’après, l’énergie se concentrait sur les tétons. L’amoureuse se cambra en gémissant longuement. Ses yeux se rouvrirent, et elle observa, fascinée, ses propres membres. Si l’entité restait invisible, son effet était voyant : les bouts de sein gonflaient, pointaient et s’agitaient tout seuls, inexplicablement. Le bassin bougeait sans même qu’elle ait quelque effort à produire. L’étudiante eut envie de se caresser ailleurs afin de l’accompagner. La présence était si omnisciente et comprenait si bien ses pensées quelle n’en eut nullement besoin. Dès que ce désir lui traversa l’esprit, la présence quitta son corps. Sandrine la perçut au-dessus d’elle. Transportée d’émotion, ses pupilles se dilatèrent en même temps que son intérieur. Quelle âme splendide son amant possédait-il ! Même sans son physique si craquant, il restait emprunt d’une ineffable beauté. L’homme aurait été laid de son vivant qu’elle aurait sans doute finit par l’aimer autant, telle Roxanne lisant dans la noblesse du cœur de Cyrano.
Écartant encore davantage les jambes, elle saisit que l’âme se préparait… et s’apprêtait à plonger en piqué, tel un aigle fondant sur sa proie. À la différence près que la proie en question ne demandait qu’à être dévorée.
Alors que le corps féminin avait été, jusqu’à présent, exploré et découvert par petites touches, la donne fut changée lorsque l’âme redescendit pour la pénétrer. De nouveau, ce fut différent de toutes les fois où ils faisaient l’amour, lorsqu’Amaury prenait tout son temps, se masturbant contre son entrecuisse, frottant son pénis contre le clitoris puis laissant d’abord le gland en surface avant de descendre plus profond. Car la jeune fille fut visitée d’un seul coup d’une bonne quinzaine de centimètres.
Dès lors, la visitée ne sut plus vraiment qui elle était ni ce qu’elle faisait, trop occupée sur les sensations pour s’occuper du reste. Bougeait-elle, émettait-elle des sons, avait-elle les yeux ouverts ou fermés ? Lorsqu’elle y resongea par la suite, elle s’aperçut qu’elle n’en avait aucune idée sur le moment. Un état d’hypnose total, un oubli d’elle-même au profit du plaisir. Ils n’étaient plus qu’un.
Le pénis, ou plutôt cette énergie qu’elle ressentait comme un pénis, revêtait différentes apparences sensorielles. Chaud, lumineux, spongieux, humide. Ne ressortant pas réellement, il se bornait à reculer pour mieux revenir, ne cessant d’honorer son corps tel une déesse. Il descendit plus profond encore. En fait, son ascension semblait sans limites. Cela avait déjà dépassé la longueur et la circonférence que le corps de son conjoint possédait. Et à vrai dire, cela dépassait même les plus gros sexes que Sandrine avait connus de toute son existence. Même le petit copain qu’elle avait eu il y a quelques années, membré d’une vingtaine de centimètres, était petit joueur comparé à ce qu’elle vivait en cet instant. Du reste, alors que les vingt centimètres de cet ex lui avaient souvent fait mal, elle ne percevait présentement aucune souffrance. Uniquement du bien-être…
La pénétration s’allongea encore. En fait, cela atteignait désormais son organisme, encore plus profond que le point le plus profond de son vagin. Ne comprenant bien quel chemin était emprunté en elle, Sandrine sentit bientôt que la force était dans son côlon, puis rejoignait son anus. Une sorte de fluide entre anus et vagin la parcourut ainsi, tandis qu’elle n’en pouvait plus de se tordre et de gémir. Ce n’était plus à proprement parler une pénétration ou des va-et-vient, car cela circulait comme un courant continu : les ondes entraient et sortaient en même temps. Puis, afin qu’il lui fasse vivre la totale, l’âme étendit son exploration vers ses entrailles, pour remonter dans la gorge et sortir par la bouche, qu’elle ouvrit tout grand, à la fois pénétrée par la cavité vaginale, anale et buccale, et ce par un seul et même homme.
L’amante ne parvenait à déterminer si tout cela avait ou non un effet visible sur la matière. Peut-être que les parois de son vagin étaient écartées par cette force magnétique, et que son anus n’était plus un petit point mais un rond de dix centimètres de tour. Qui sait même si sa gorge ne subissait pas un sort similaire. Comment savoir ? Il aurait fallu qu’elle ouvre les yeux, se contorsionne pour s’observer, se regarder dans un miroir. Là était bien le cadet de ses soucis. En fait, ces questionnement physiques lui viendraient bien plus tard. Pour l’heure, tout ce qui lui importait était de sentir, ressentir, vivre, vibrer avec lui.
Puis, les ondes prirent trop d’ampleur pour qu’on puisse les comparer à un sexe d’homme. L’âme étendit son aura dans son ventre, ses jambes, ses épaules. Elle s’étendit jusqu’à habiter la moindre parcelle de son intérieur. Son entrecuisse était humide, et pour une fois ce lubrifiant naturel était inutile au rapport sexuel. Pour tout dire, le couple n’était plus tout à fait dans un rapport sexuel : cela se situait au-delà. Bien entendu, les ressentis de la jeune fille restaient pleinement sexuels, et elle eut d’ailleurs un premier orgasme en très peu de temps. Les fluides cessèrent de circuler afin de le laisser passer. Elle s’agita, secouée de spasmes. L’âme marqua un temps puis reprit de plus belle, la faisant décoller, encore et encore, comme si elle était prête à rejoindre elle aussi le monde de l’invisible, comme s’il allait littéralement la tuer de plaisir. Tout du moins ce monde, elle le touchait du bout des doigts… Si elle avait pu partir avec lui, elle n’aurait pas hésité une seconde.
Sandrine eut un second orgasme, puis un troisième. Jamais elle n’en avait eu autant en un laps de temps si court, et jamais ils n’avaient été si bons. Et pourtant, Amaury avait déjà placé la barre très haut lors de leurs nuits d’amour. Qui plus est, il n’y avait aucune raison biologique pour que cela s’arrête. Pas d’irritation, pas d’éjaculation, pas de sexe usé ayant besoin de se reposer. Il lui semblait que les ondes débordaient de son corps, et emplissaient la pièce. L’âme était à l’intérieur comme à l’extérieur d’elle.
Cependant, les fluides se mirent peu à peu au repos. Sandrine n’était plus dans une extase intense, davantage dans un sentiment de plénitude absolu. Un curieux sentiment l’habitait. Le sentiment de ne plus être elle-même. Le sentiment d’être un corps, une âme, tout en étant une partie d’Amaury. D’être également l’air qu’elle respirait, d’être la pièce, et l’univers entier. Cela ressemblait aux descriptions de certains Chamans qu’elle avait lues dans les livres de Vanessa. Elle y retrouvait cette certitude de faire Un avec la création, de vivre au cœur d’un monde riche et beau, malgré les turpitudes humaines. Oui, la jeune fille était prête pour rester ainsi jusqu’au lendemain. Pourtant, après quelques dernières caresses d’adieu, l’âme se retira tout doucement, quittant chacun de ses membres un à un, et finissant par son sexe. Elle sentit l’esprit s’éloigner, puis disparaître. Il ne fallait pas s’en étonner. L’amante, bien que déçue que cela s’achève sitôt, bien qu’attristée de sentir celui qu’elle aimait la quitter cette fois pour de bon, louait le ciel de lui avoir fait vivre un tel moment.