A l’aurore, réveillée par les premières lueurs matinales filtrantes au travers de la fenêtre de toit, Mathilde s’était levée, enrobée des frissons à la sortie d’un nid douillet. Ses premières pensées étaient allées à Benjamin, ses souvenirs de la veille avaient resurgi en affluence, désordonnés, en un flux incessant presque obsédant.
Après une toilette rapide, elle s’était mise à déambuler en nuisette dans l’appartement. Lorsque Benjamin, passerait le pas de la porte, les bras chargés de viennoiseries encore chaudes, elle l’accueillerait en douce lingerie, ou peut-être ... entièrement nue. Elle s’était mise en quête de quelques dentelles qui n’avaient que trop dormi dans les tiroirs.
Trois légers coups à la porte d’entrée l’avaient arrachée à ses pensées, et dans l’urgence de la situation, elle avait enfilé une nuisette de voile noir, qui dévoilait par transparence sa silhouette féminine.
- Voilà, voilà
Elle avait regardé l’heure, il était à peine huit heures Benjamin était-il donc si empressé pour venir à une heure aussi matinale .Elle avait ajusté ses cheveux en chignon improvisé, corroborer sa féminité d’une touche originale d’essence de parfum, enfilé ses mules de satin et s’était précipitée pour ouvrir la porte...
- Bonjour Mathilde, as-tu bien dormi ? »
Cette douceur dont il venait de l’enrober en quelques mots avait instantanément assagi son fougueux tempérament. Délivrée de sa colère aussi fulgurante que passagère, elle remerciait Benjamin pour les viennoiseries qu'’il avait apportées. Timidement elle s’était rapprochée de Benjamin, attirée par cette tendresse juvénile dont il se plaisait à l’enrober. Il avait posé ici et là, sur sa chevelure parfumée, des baisers, essayant vainement d’assagir le caractère emporté de Mathilde.
- Est-ce vrai ? Que tu aimes faire l’amour après le petit-déjeuner ?
- Benjamin, crois tu vraiment que ce soit le moment ?
Pour preuve, il avait défait son peignoir, déposant avec douceur et convoitise, des baisers sur l’arrondi de ses épaules dénudées. Ses mains de jeune prodige, des mains de musiciens assurément, s’étaient égarées à la recherche de ses courbes, de la plus dévoilée à la plus dérobée. Lorsque le peignoir était tombé, Mathilde, dans le désir, sous le charme des tendres caresses de Ben, prenait conscience de son amour naissant. Elle d’habitude si dirigiste, s’était faite obéissante, sa peau chaude et frissonnante en totale adéquation avec les effleurements de son jeune amant. Il avait rompu le bruissement de leurs échanges épidermiques
- Sais-tu, Mathilde ce que je préfère chez toi, la ligne de tes hanches, cet arrondi particulier qui donne une réplique parfaite au galbe de tes seins, je ne m’en lasse pas,
Ensorcelée par la voix de Benjamin, elle s’était prêtée, complice à ce jeu riche en sensuels émois. Un mélange éclectique de tendresse, de désir, d’amour peut être l’avait emportée doucement, l’éloignant du caractère sexuel d’une étreinte amoureuse ordinaire. Enrobée des douceurs olfactives et tactiles dont le jeune homme l’honorait, elle avait perdu l’essence même de leurs échanges, l’attraction réciproque, bien égoïstement. Avant même, de ressentir entre ses cuisses la chaleur des mains de Benjamin, elle s’était évadée en brefs halètements, solliciteuse inconsciente de plus d’emportement. Ce jeu machiavélique tout en frôlement l’avait accompagnée jusqu’à la jouissance fulgurante, explosive par le seul fait de désirs plus brûlants.
Benjamin avait emporté Mathilde à moitié nue dans ses bras et l’avait déposée amoureusement sur le lit défait.
Avant de se lover contre lui, elle lui avait délicatement défait la chemise, puis la lui avait ôtée en faisant glisser ses mains fiévreuses sous le tissus de coton. Ils s’étaient allongé tous les deux, leurs membres enchevêtrés, leur peau et leurs odeurs mélangées, et Mathilde avec tendresse et sensualité avait laissé longtemps ses doigts parcourir la poitrine de son amant. Elle aimait ces moments de tendresses qui succèdent à l’impétuosité de la jouissance, puissante, démesurée.
- Embrasse moi Benjamin, embrasse moi à m’en couper le souffle, baise ma bouche
Le baiser qu’ils avaient alors échangé dans une complicité chimique et intellectuelle devait à jamais imprimer leur esprit. Leurs deux langues enroulées dans un ballet érotique et humide, avaient allumés dans le reflet de leurs yeux des milliers d’étincelles étoilées qui s’étaient disséminées comme un violent brasier sur leur enveloppe corporelle.
- Benjamin, Es-tu prêt à me suivre dans mes luxurieuses voluptés ?
- J’aime ce libertinage sous- jacent dont tu n’oses m’avouer que tu aimes les contours et les déviances, je veux que tu m’emmènes dans ton voyage érotique et peu importe la suite, la tendresse sera toujours présente quoiqu’il advienne. »
- En attendant d’embarquer sur notre réale érotique, donnons-nous le temps Benjamin. »
Ce disant, elle s’était défaite de son jeune amant, se dirigeant à demi dévêtue, vers son violoncelle, peut être en quête de la ressource énergétique que représentait pour elle une œuvre musicale lorsque ses doigts faisaient vibrer les cordes. Cette scène vivante, Benjamin en avait rêvé de nombreuses fois .Combien de songes avaient peuplé ses nuits, combien de violoncellistes juste vêtues de rien avaient empli ses rêves de musicalité érotico- sensorielle. Il s’était plu à la regarder jouer, sa poitrine lourde dérobée derrière l’instrument à corde, sa chevelure, détachée en boucles désordonnées, étalée de part et d’autre de son gracieux port de tête, sa cambrure accentuée par la position idéale d’une violoncelliste. Ce sublime corps à corps avec l’instrument lui renvoyait l’image d’une femme aux accords parfaits, sensible et meurtrie, douce et amère à la fois, avec je ne sais quoi de rebelle à peine dévoilé sous ses faux airs de charmeuse invétérée. Enfermée dans sa bulle musicale, elle n’avait plus prêté attention à Benjamin, qui à la manière d’un félin guettant sa proie, s’était rapproché de Mathilde au point de pouvoir en ressentir sa chaleur l’effleurer. Les senteurs capiteuses de son sexe nu subtilisé par la caisse résonante de l’instrument calé entre ses cuisses lui faisaient défaut.
Il l’avait attrapée et l’avait poussée sur le lit, une bataille d’oreillers s’en était suivi. Mathilde avait ri à gorge déployée et dans sa folie dynamisée par la jeunesse, elle avait songé qu’il y avait bien longtemps qu’elle n’avait pas ri autant.
- J’aime faire l’amour après le petit déjeuner et aussi pendant ...et aussi le soir, mais encore l’après midi...et en pleine nuit ...j’adore en pleine nuit...
-Mademoiselle Mathilde n’existe pas, elle est juste un rôle de composition ...Mademoiselle Mathilde a disparu en l’espace d’une nuit, le rideau est tombé, fin du premier acte.
Il avait glissé ses mains sous la jupe courte, avait planté ses ongles dans ses fesses nues, vérifiant en même temps si les dessous de dentelles n’avaient pas fait une apparition depuis leur séparation plus tôt dans la journée.
- Te savoir nue sous ta jupe, me rends dingue.
L’érotisme planait autour d’eux comme des effluves magiques. Tout jeune qu’il était, Benjamin n’en était pas moins licencieux dans sa sensuelle complicité avec Mathilde.
- Taxi ! avait-elle hélé. Place des Vosges s’il vous plait Monsieur. »
Ils s’étaient engouffrés dans le véhicule serrés comme deux amants heureux de se retrouver. Le regard pour le moins circonspect du chauffeur avait soudain rappelé à Mathilde la grande différence d’âge existant entre son jeune amant et elle, et l’inconvenance de la situation au regard du commun des mortels. Mais loin de la désarçonner cette position équivoque avait exacerbé ses émois du moment, à savoir une délicieuse envie de pousser plus la provocation. Benjamin peu ou pas conscient de la conjoncture érotique de l’instant, s’était laissé saisir sa main par l’audacieuse violoniste. Elle l’avait guidé, jusque sur ses cuisses largement dévoilées au regard du chauffeur qui pouvait observer la moindre réaction dans le reflet du rétroviseur. Le regard, tout d’abord fuyant et timide, s’était vite avéré scrutateur voire même inquisiteur, lorsque Mathilde, en proie aux mains de plus en plus audacieuses, s’était soudain laissée envahir par une fièvre étrange éclairant son regard d’une brillance aux reflets magiques. A aucun moment celui-ci n’avait rien pu voir de la scène, mais juste la deviner dans les yeux égarés de sa cliente, qui pour ne rien ôter à l’érotisme de la scène, avait cherché son regard avec un aplomb déconcertant. Elle avait gagné ce duel provocateur, il avait fini par se concentrer sur la route et ses éventuelles embuches, mais non sans voir auparavant pousser l’audace de lui jeter un clin d’œil complice qui avait fait sourire Mathilde. Elle avait réajusté sa jupe, serré la main de Benjamin dans la sienne, puis le silence s’était à nouveau installé jusqu’à l’adresse de destination.
- Voilà, nous y sommes. Merci, je vous dois combien.
Elle avait réglé le chauffeur, qui abusivement, avait lancé un « très bonne soirée Madame » et un insignifiant « Monsieur.»
Benjamin et Mathilde avaient fait la suite du parcours à pied, Les effluves du macadam les avaient accompagnés sous les cliquetis des talons aiguilles de Mathilde. Malgré la saison printanière, le tout nouveau couple n’avait croisé que peu de passants, à cette heure où les gens sont plus enclins à rentrer chez eux que de flâner le nez en l’air. Les frissons de Mathilde avaient effleuré Benjamin, qui, conscient de sa frilosité l’avait resserrée dans ses bras. Ce corps à corps plus tactile les avait naturellement conduits à s’embrasser amoureusement. C’est ainsi mélangé, du moins dans leur esprit, qu’ils avaient sonné à la porte cochère.
-Ma chérie comment vas-tu ? »
n’avait pas menti, leur hôte était une très belle femme, des traits fins argumentés d’une bouche pulpeuse aux lèvres presque exagérément ourlées et deux grands yeux noirs en amande. Cependant elle demeurait une belle brune qui avait cru que la blondeur artificielle de sa longue chevelure peaufinerait sa séduction. Aux yeux de Benjamin, l’erreur s’avérait fatale, elle n’était pas du tout à son goût, d’ailleurs il n’avait que peu d’attrait pour les blondes qu’il trouvait insipides face au piquant des brunes ou des rousses. Mais il n’en avait rien laissé paraître.
- Isa je te présente Benjamin, j’ai pensé que tu ne m’en voudrais pas qu’il m’accompagne.
Elle avait tendu une main amicale à Benjamin, mais lui le plus naturellement du monde l’avait embrassée, question de génération sûrement. Dans l’embrasure de la porte était apparue, la silhouette impressionnante d’un homme d’au moins un mètre quatre vingt dix.
- Mais que faites-vous sur le palier, entrez voyons. »
Mathilde avait devancé Benjamin et tout deux étaient entrés dans le vaste hall de l’appartement bourgeois.
- Mathilde, qui est ce charmant jeune homme ?
- Benjamin, mon meilleur élève. »
Benjamin avait momentanément oublié la vexation d’être relégué au simple statut de meilleur élève et avait tendu une main amicale à Jacques.
Benjamin, afin de s’affirmer avait choisi un « A nous », bien plus anodin mais très explicite au regard de Mathilde qui ne l’avait pas quitté des yeux le temps de porter le toast.
- Alors dis- moi Mathilde, toujours seule ?
- Oui, la solitude est la seule compagne qui ne me trahira jamais, je vis dans l’ostracisme sentimental. »
La spontanéité de sa réplique avait coupé court à toute opportunité de divergences d’opinions, sous le regard désabusé de Benjamin, si ce n’était le tombeur italien qui avait saisi cela comme une opportunité.
Isa sentant la gêne s’installer avait mis un terme à l’apéritif en invitant ses convives à prendre place autour de la table dont Mathilde venait de prendre conscience qu’elle était dressée pour six et non cinq personnes.
Isa s’était avéré une hôtesse accueillante, mais pour autant, il avait ressenti une soumission sous-jacente à son mari assortie d’une pointe de jalousie à l’égard de Mathilde. Il avait attribué, par déduction, ce sentiment douloureux à des souvenirs licencieux, compte tenu des regards pour le moins inquisiteur que son mari jetait sans aucune gêne à sa chère Mathilde.
Ces deux là avaient du être amants, à n’en point douter, avait songé Benjamin, et les images d’un passé trouble revenaient, sûrement, en vagues incessantes écorcher l’esprit d’Isa.
Mathilde, quant à elle, toujours gracieuse et souriante, avait rapidement pris conscience de la situation libertine dans laquelle elle s’était faite piégée stupidement. Afin d’étoffer ses suspicions elle avait entamé une conversation.
- Nous n’en savons pas d’avantage sur ton jeune accompagnateur, si ce n’est que c’est ton meilleur élève.Tu sors avec tes élèves à présent, surprenant de ta part, remarque trois ans de silence t’ont peut être changée. Je t’ai connue plus délurée si ce n’était ta tenue, je ne reconnaitrais en rien la Mathilde que j’ai connue.
Afin que de mettre un terme définitif au malaise s’installant insidieusement autour de la table, Isa s’était levé subrepticement.
- Avoue, Mathilde, Benjamin est ton amant, avait murmuré Isa, à peine entrée dans la cuisine. Pourquoi as-tu amené ce garçon si jeune ici ?
- S’il te plait, pas à moi Isa, ce dîner n’a rien d’amical, cela ressemble plutôt à une mise en scène, une situation qui débouchera forcément sur de l’échangisme Je crois que je ne vais pas rester, Benjamin fera ce que bon lui plaira...