Adèle est partie prendre l'air ce matin d'été au bord de l'étang. Ses longs cheveux déployés flottent sur ses épaules. Elle avance doucement son pied, interroge avec timidité la profondeur de l'eau. Le jeune Sargines, s'avance et lui présente sa main et tous deux s'éloignent un peu plus loin. Parvenu dans un endroit assez discret, le fripon prodigue à sa jeune compagne les caresses les plus vives: celle-ci les lui rend avec forte émotion et témoigne du désir d'apprendre. Soutenu par la main secourable, le joli corps d'adèle commence à se balancer plonge, disparaît à ses yeux, et tandis qu'elle le cherche, un baiser, tel qu'elle n'en reçut jamais, l'avertit de l'endroit où il est. Vaincue par l'émotion, elle se tapit derrire un arbre. L'amant, devient plus tendre, plus pressant; il fait parler le désir, la curiosité. Adèle s'abandonne doucement à l'instinct du plaisir. Il hasarde un baiser. Ose de nouvelles témérités, porte une main tremblante sur une jeune gorge de vingt ans. Toucher délicieux! Un marbre brûlant et mobile semble fuir et chercher les doigts qui le pressent. Des lèvres ardentes apportent à leur tour sur ce sein juvenil l'offrande de mille baisers, avec un empressement si tendre, qu'il se colore bientôt d'un rose plus vif.
Emportés par la fougue des désirs, ils se retrouvent tous deux corps à corps, il fond sur elle comme l'épervier sur la faible colombe; et tandis que sa bouche s'abreuve de soupirs enflammés, un doigt, messager de plaisir, chemine jusqu'à cet asile mystérieux où, sur un trône humide et brûlant, siège la volupté du délire.
- Arrêtez, mes yeux se troublent, la voix me manque ... Sargines... je n'en puis plus... ayez pitié de moi ...
Et en prononçant ces mots, elle presse plus fortement son amant contre son sein. Brûlé de tous les feux qu'il allume, dévoré de désirs, le sacrificateur attaque enfin la victime qui tressaille ! L'émotion violente l'agite et de tendres gémissements, étouffés à leur source, décèlent les progrès dont sa jolie main s'assure avec effroi. ses bras s'enlacent avec force autour de son heureux vainqueur, dont les transports violents ouvrent la route du bonheur.
Enfin, le charme est rompu; le dernier cri de l'innocence atteste le premier triomphe de l'amour, et sa flèche victorieuse repose dans son carquois ensanglanté. Mais déjà la plus douce ivresse succède aux angoisses douloureuses; Adèle et Sargines, étroitement enlacés, unis par tous les points de leur corps en transes, semblent désormais animés par une seule âme qu'ils exhalent dans les soupirs, qu'ils se disputent par des baisers; un frisson voluptueux, universel, une fureur aimable les agitent, les transportent; des articulations demi-formées expirent sur leurs lèvres, un voile s'étend sur leurs yeux; ils se plongent et s'abîment dans un océan de délices.
Revenue à elle-même, l'intéressante novice jette avec douleur ses regards autour d'elle; la lumière l'afflige, quelques larmes tombent de ses beaux yeux, et la pudeur qui reprend ses droits s'empresse de jeter un voile sur des objets que l'illusion abandonne. Après avoir pleuré avec sa victime, Sargines s'éloigne à regret, et la pauvre Adèle, plus instruite et moins tranquille, regagne lentement sa retraite, en songeant au moyen de revoir son amant et de tromper sa tante.