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jeudi 28 novembre 2024 - 20h54rech / rep
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Il n'est rien que l'homme redoute davantage que le contact de l'inconnu.
(de) Nichts fürchet der Mensch mehr als die Berührung durch Unbekanntes.
Incipit du livre.
Masse et puissance (1960), Elias Canetti (trad. Robert Rovini), éd. Gallimard, coll. Tel, 1966, p. 11
Citation choisie citation du jour pour le 22 octobre 2010.

Toutes les distances que les hommes ont créées autour d’eux sont dictées par cette phobie du contact.
Masse et puissance (1960), Elias Canetti (trad. Robert Rovini), éd. Gallimard, coll. Tel, 1998 (ISBN 2-07-070507-2), p. 11

C’est dans la masse seulement que l’homme peut être libéré de cette phobie du contact.
Masse et puissance (1960), Elias Canetti (trad. Robert Rovini), éd. Gallimard, coll. Tel, 1998 (ISBN 2-07-070507-2), p. 12

Plus on lutte « pour sa propre survie », plus il devient évident qu’on lutte contre les autres qui vous gênent de tous les côtés.
Masse et puissance (1960), Elias Canetti (trad. Robert Rovini), éd. Gallimard, coll. Tel, 1998 (ISBN 2-07-070507-2), p. 25

Tous les désirs humains d'immortalité contiennent quelque chose de l'aspiration à survivre. On ne veut pas seulement être toujours là, on veut être là quand d'autres n'y seront plus. Tout le monde veut finir par être le plus ancien, et le savoir, et quand il ne sera plus là, il faut que son nom le fasse savoir.
Masse et puissance (1960), p. 241

« Mauvais livre », dit quelqu’un, ou « mauvais tableau », et il se donne l’apparence d’avoir à dire quelque chose d’objectif. [..] On a constamment l’occasion de prendre des amis, des inconnus et soi-même en flagrant délit de trancher ainsi. Impossible de méconnaître cette joie du jugement négatif.
Masse et puissance (1960), p. 315

L’ordre est plus ancien que le langage, sinon les chiens ne pourraient pas le comprendre.
Masse et puissance (1960), p. 321

Le respect des « grands » de ce monde est très difficile à abolir, et l'homme a un besoin de vénération infini.
Masse et puissance (1960), p. 495

Elias Canetti parle de Masse, comme Michelet du Peuple, Tocqueville de la Démocratie ou Spengler des Cultures.
Et comme ces grands devanciers auxquels, il fait souvent penser, l'auteur s'empare d'une intuition brutale, profonde, et commence par s'abandonner à la révélation d'une évidence - la conjuration panique de tout ce qui, en l'homme, menace de le détruire, et d'abord l'inconnu - pour élaborer progressivement une théorie des rapports qui unissent les phénomènes de masse à toutes les manifestations de la puissance.
Mais quel contemporain des guerres mondiales et des révolutions, des fascismes et du national-socialisme, ne sentira à quel point cette intuition nourrie de forte érudition anthropologique et psychanalytique s'enracine au plus intime, au plus charnel des bouleversements du siècle ? Ces bouleversements, l'auteur les a vécus de plein fouet. Né en 1905 en Bulgarie, de parents juifs espagnols, étudiant à Zurich, Francfort et Vienne, mais réfugié depuis 1938 en Angleterre où il achève son grand ouvrage en 1959, Elias Canetti appartient à cette génération d'intellectuels européens qui ont su déceler, dans le déferlement des masses traversées par une dialectique de l'ordre et du commandement, la permanence d'archaïsmes dont la raison ne suffit pas à rendre compte parce qu'ils ne relèvent d'aucune de nos catégories historiques traditionnelles. Poussée d'irrationnel ? Explosion d'un fond primitif mal avoué ? Résurgence d'un panique collectif jamais analysé ? C'est tout cela à la fois : Masse et puissance - Masse und Macht dans le titre original - est l'œuvre d'une vie.
Non celle d'un universitaire ou d'un savant, mais celle d'un écrivain dont le style, par la force et l'éclat de ses formules, parvient à convaincre le lecteur de la réalité quasi-biologique de sa démonstration.