Mais, à part ça,
Tout va très bien, Madame la Marquise
Tout va très bien, madame la marquise est une chanson de 1935, paroles et musique de Paul Misraki, publiée aux éditions Ray Ventura ; c'est un des grands succès de l'orchestre de Ray Ventura et ses Collégiens avec Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ? et Ça vaut mieux que d'attraper la scarlatine. Tout va très bien Madame la Marquise est devenue une expression proverbiale pour désigner une attitude d'aveuglement face à une situation désespérée.
L'origine (moderne) du refrain est attribuée à Bach et Laverne, auteur d'un sketch portant le même titre.
Sa création résulte, selon Paul Misraki lui-même de l'échec d'une première soirée de tournée de Ray Ventura et ses Collégiens, à Nîmes, dans le sud de la France. L'ambiance était morose, et l'orchestre ne parvenait pas à réchauffer la salle. Les musiciens catastrophés cherchaient tous une idée pour relancer le spectacle. C'est Coco Aslan qui semble avoir suggéré l'idée du « sketch avec la Lady écossaise ». Paul Misraki se mit alors au travail, trouva assez vite le « départ » (les premières notes), puis composa toute la nuit, avec comme compagnon un camembert, qu'il mangea en entier. Au petit matin, le compositeur s'accorda une ultime fantaisie : le « pont » qui commence par « un incident, une bêtise... », en rupture totale avec le rythme et l'ambiance de la chanson jusque-là. Et le soir, ce fut un triomphe.
Chantée à trois voix à l'origine, la chanson raconte une conversation téléphonique entre une vieille aristocrate et son valet James qui lui fait part des catastrophes survenues dans son château pendant son absence de deux semaines (de manière antéchronologique, depuis la mort de sa jument jusqu'au suicide de son mari, chacune de ces catastrophes étant la conséquence directe de la précédente, plus grave encore).
Au même titre que le film de Renoir La Règle du jeu, Tout va très bien madame la marquise est devenu un raccourci historique pour dépeindre l'immédiate avant-guerre (années 1935-1939) en France et peut-être plus particulièrement les accords de Munich (septembre 1938). Dès l'année suivant son enregistrement (22 mai 19355), la formule fait déjà florès auprès des journalistes. L'expression « Tout va très bien monsieur Herriot » est employée au moment des grèves de juin 1936. Ce sera ensuite « Tout va très bien Monsieur Mussolini6. » Et enfin Tout va très bien mon Führer sur les ondes de Radio-Londres 7.
La chanson a été adaptée en russe dès 1935 par Alexandre Bezymenski, et interprétée dans cette langue notamment par Léonid Outiossov, en duo avec sa fille Edith ; en hébreu, par Dan Almagor8 ; en allemand (Heinrich Pfandl, 20109), et en italien 10.
Paul Misraki continuera toute sa vie à avoir du mal à assumer ce fulgurant succès (il avait 28 ans, et la chanson s'est faite en une nuit), plusieurs de ses écrits mentionnant cette chanson comme un « incident », justement.
Allô, allô James !
Quelles nouvelles ?
Absente depuis quinze jours,
Au bout du fil
Je vous appelle ;
Que trouverai-je à mon retour ?
Tout va très bien, Madame la Marquise,
Tout va très bien, tout va très bien.
Pourtant, il faut, il faut que l'on vous dise,
On déplore un tout petit rien :
Un incident, une bêtise,
La mort de votre jument grise,
Mais, à part ça, Madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien.
Allô, allô James !
Quelles nouvelles ?
Ma jument gris' morte aujourd'hui !
Expliquez-moi
Valet fidèle,
Comment cela s'est-il produit ?
Cela n'est rien, Madame la Marquise,
Cela n'est rien, tout va très bien.
Pourtant il faut, il faut que l'on vous dise,
On déplore un tout petit rien :
Elle a péri
Dans l'incendie
Qui détruisit vos écuries.
Mais, à part ça, Madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien.
Allô, allô James !
Quelles nouvelles ?
Mes écuries ont donc brûlé ?
Expliquez-moi
Valet modèle,
Comment cela s'est-il passé ?
Cela n'est rien, Madame la Marquise,
Cela n'est rien, tout va très bien.
Pourtant il faut, il faut que l'on vous dise,
On déplore un tout petit rien :
Si l'écurie brûla, Madame,
C'est qu'le château était en flammes.
Mais, à part ça, Madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien.
Allô, allô James !
Quelles nouvelles ?
Notre château est donc détruit !
Expliquez-moi
Car je chancelle
Comment cela s'est-il produit ?
Eh bien ! Voila, Madame la Marquise,
Apprenant qu'il était ruiné,
A peine fut-il rev'nu de sa surprise
Que M'sieur l'Marquis s'est suicidé,
Et c'est en ramassant la pelle
Qu'il renversa toutes les chandelles,
Mettant le feu à tout l'château
Qui s'consuma de bas en haut ;
Le vent soufflant sur l'incendie,
Le propagea sur l'écurie,
Et c'est ainsi qu'en un moment
On vit périr votre jument !
Mais, à part ça, Madame la Marquise,
Tout va très bien, tout va très bien.
Paroliers : Paul Misraki / Charles Pasquier / Henri Allum