"ma résolution (de suicide) était bien prise pour le mois de décembre. Alors j'ai voulu, avant de mourir, peindre une grande toile que j'avais en tête et, durant tout le mois, j'ai travaillé jour et nuit dans une fièvre inouïe ..." (lettre de Paul Gauguin à son ami Monfreid)
D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? est une des œuvres les plus connues de Paul Gauguin. Peinte à Tahiti en 1897-1898, elle est conservée au musée des beaux-arts de Boston (Massachusetts, États-Unis).
Gauguin entreprend un premier voyage à Tahiti dès 1891, en quête d'une société fondée sur d'autres valeurs que celles de la société européenne et occidentale. Il s'y installe définitivement en 1895. L'île isolée en plein océan Pacifique est le terrain d'un profond renouvellement de son art où le climat, la végétation, les paysages, le rapport entre l'Homme et la Nature, les mœurs et les mythes païens offrent de nouvelles thématiques à l'artiste. Avec cette œuvre mesurant 1,39 m de hauteur et 3,74 m de longueur, Gauguin synthétise l'essentiel de ses thématiques tahitiennes.
Le tableau se lit de droite à gauche, et se divise en trois groupes principaux de personnes illustrant les questions posées dans le titre. Les trois femmes avec un enfant représentent le début de la vie, le groupe du milieu symbolise l'existence quotidienne des jeunes adultes, et dans le dernier groupe, d'après l'artiste, « une vieille femme approchant la mort apparaît réconciliée et résignée à cette idée » ; à ses pieds, « un étrange oiseau blanc tenant en sa patte un lézard, représente la futilité des mots. » L'idole bleue à l'arrière-plan représente apparemment ce que Gauguin décrivait comme « L'au-delà ».
Gauguin explique dans une lettre à son ami Monfreid les circonstances de l'élaboration du tableau : « Il faut vous dire que ma résolution (de suicide) était bien prise pour le mois de décembre. Alors j'ai voulu, avant de mourir, peindre une grande toile que j'avais en tête et, durant tout le mois, j'ai travaillé jour et nuit dans une fièvre inouïe [...]. L'aspect est terriblement fruste [...]. On dir (« dira » ?) que c'est lâché, pas fini. Il est vrai qu'on ne se juge pas bien soi-même mais cependant je crois que non seulement cette toile dépasse en valeur toutes les précédentes mais encore que je n'en ferais jamais une meilleure ni une semblable. J'y ai mis là, avant de mourir, toute mon énergie, une telle passion douloureuse dans des circonstances terribles et une vision tellement nette, sans correction, que le hâtif disparaît et que la vie surgit [...]. Les deux coins du haut, son jaune de chrome avec l'inscription à gauche et ma signature à droite, telle une fresque abîmée aux coins et appliquée sur un mur or. »