Le moindre vent qui d'aventure Fait rider la face de l'eau, Vous oblige à baisser la tête; Cependant que mon front au Caucase pareil, Non content d'arrêter les rayons du soleil, Brave l'effort de la tempête. Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr. Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage Dont je couvre le voisinage, Vous n'auriez pas tant à souffrir; Je vous défendrois de l'orage: Mais vous naissez le plus souvent Sur les humides bords des royaumes du vent. La Nature envers vous me semble bien injuste - Votre compassion, lui répondit l'Arbuste, Part d'un bon naturel; mais quittez ce souci: Les vents me sont moins qu'à vous redoutables; Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici Contre leurs coups épouvantables Résisté sans courber le dos; Mais attendons la fin.» Comme il disoit ces mots, Du bout de l'horizon accourt avec furie Le plus terrible des enfants Que le nord eût portés jusque-là dans ses flancs. L'Arbre tient bon; le Roseau plie. Le vent redouble ses efforts, Et fait si bien qu'il déracine Celui de qui la tête au ciel étoit voisine, Et dont les pieds touchoient à l'empire des morts. Jean de La Fontaine | (E) Le moindre vent qui d'aventure Fait rider la face de l'eau, Vous oblige à baisser la tête; Cependant que mon front au Caucase pareil, Non content d'arrêter les rayons du soleil, Brave l'effort de la te ... |
Victor Hugo (1802-1885) Recueil : Les contemplations "Aux arbres" Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme! Au gré des envieux, la foule loue et blâme ; Vous me connaissez, vous! - vous m'avez vu souvent, Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant. Vous le savez, la pierre où court un scarabée, Une humble goutte d'eau de fleur en fleur tombée, Un nuage, un oiseau, m'occupent tout un jour. La contemplation m'emplit le coeur d'amour. Vous m'avez vu cent fois, dans la vallée obscure, Avec ces mots que dit l'esprit à la nature, Questionner tout bas vos rameaux palpitants, Et du même regard poursuivre en même temps, Pensif, le front baissé, l'oeil dans l'herbe profonde, L'étude d'un atome et l'étude du monde. Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu, Arbres, vous m'avez vu fuir l'homme et chercher Dieu! Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches, Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches, Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux, Vous savez que je suis calme et pur comme vous. Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s'élance, Et je suis plein d'oubli comme vous de silence! La haine sur mon nom répand en vain son fiel ; Toujours, - je vous atteste, ô bois aimés du ciel! - J'ai chassé loin de moi toute pensée amère, Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère! Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours, Je vous aime, et vous, lierre au seuil des autres sourds, Ravins où l'on entend filtrer les sources vives, Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives! Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois, Dans tout ce qui m'entoure et me cache à la fois, Dans votre solitude où je rentre en moi-même, Je sens quelqu'un de grand qui m'écoute et qui m'aime! Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît, Arbres religieux, chênes, mousses, forêt, Forêt! c'est dans votre ombre et dans votre mystère, C'est sous votre branchage auguste et solitaire, Que je veux abriter mon sépulcre ignoré, Et que je veux dormir quand je m'endormirai. | (E) Victor Hugo (1802-1885) Recueil : Les contemplations "Aux arbres" Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme! Au gré des envieux, la foule loue et blâme ; Vous me connaissez, vous ... |
Charles-Hubert Millevoye (1782-1816) "La chute des feuilles" De la dépouille de nos bois L'automne avait jonché la terre ; Le bocage était sans mystère, Le rossignol était sans voix. Triste, et mourant à son aurore, Un jeune malade, à pas lents, Parcourait une fois encore Le bois cher à ses premiers ans : " Bois que j'aime ! adieu... je succombe. Ton deuil m'avertit de mon sort ; Et dans chaque feuille qui tombe Je vois un présage de mort. Fatal oracle d'Epidaure, Tu m'as dit : " Les feuilles des bois "A tes yeux jauniront encore ; "Mais c'est pour la dernière fois. "L'éternel cyprès se balance ; "Déjà sur ta tête en silence "Il incline ses longs rameaux : "Ta jeunesse sera flétrie "Avant l'herbe de la prairie, "Avant le pampre des coteaux. " Et je meurs ! De leur froide haleine M'ont touché les sombres autans ; Et j'ai vu, comme une ombre vaine, S'évanouir mon beau printemps. Tombe, tombe, feuille éphémère ! Couvre, hélas ! ce triste chemin ; Cache au désespoir de ma mère La place où je serai demain. Mais si mon amante voilée Au détour de la sombre allée Venait pleurer quand le jour fuit, Eveille par un léger bruit Mon ombre un instant consolée. " Il dit, s'éloigne... et, sans retour... La dernière feuille qui tombe A signalé son dernier jour. Sous le chêne on creusa sa tombe... Mais son aimante ne vint pas Visiter la pierre isolée ; Et le pâtre de la vallée Troubla seul du bruit de ses pas Le silence du mausolée. | (E) Charles-Hubert Millevoye (1782-1816) "La chute des feuilles" De la dépouille de nos bois L'automne avait jonché la terre ; Le bocage était sans mystère, Le rossignol étai ... |
Alphonse de Lamartine (1790-1869) Recueil : Harmonies poétiques et religieuses "Le chêne" (suite de Jehova) Voilà ce chêne solitaire Dont le rocher s'est couronné, Parlez à ce tronc séculaire, Demandez comment il est né. Un gland tombe de l'arbre et roule sur la terre, L'aigle à la serre vide, en quittant les vallons, S'en saisit en jouant et l'emporte à son aire Pour aiguiser le bec de ses jeunes aiglons; Bientôt du nid désert qu'emporte, la tempête Il roule confondu dans les débris mouvants, Et sur la roche nue un grain de sable arrête Celui qui doit un jour rompre l'aile des vents; L'été vient, l'Aquilon soulève La poudre des sillons, qui pour lui n'est qu'un jeu, Et sur le germe éteint où couve encor la sève En laisse retomber un peu ! Le printemps de sa tiède ondée L'arrose comme avec la main ; Cette poussière est fécondée Et la vie y circule enfin! La vie ! à ce seul mot tout oeil, toute pensée, S'inclinent confondus et n'osent pénétrer ; Au seuil de l'Infini c'est la borne placée ; Où la sage ignorance et l'audace insensée Se rencontrent pour adorer ! Il vit, ce géant des collines ! Mais avant de paraître au jour, Il se creuse avec ses racines Des fondements comme une tour. Il sait quelle lutte s'apprête, Et qu'il doit contre la tempête Chercher sous la terre un appui; Il sait que l'ouragan sonore L'attend au jour !.., ou, s'il l'ignore, Quelqu'un du moins le sait pour lui ! Ainsi quand le jeune navire Où s'élancent les matelots, Avant d'affronter son empire, Veut s'apprivoiser sur les flots, Laissant filer son vaste câble, Son ancre va chercher le sable Jusqu'au fond des vallons mouvants, Et sur ce fondement mobile Il balance son mât fragile Et dort au vain roulis des vents ! Il vit ! Le colosse superbe Qui couvre un arpent tout entier Dépasse à peine le brin d'herbe Que le moucheron fait plier ! Mais sa feuille boit la rosée, Sa racine fertilisée Grossit comme une eau dans son cours, Et dans son coeur qu'il fortifie Circule un sang ivre de vie Pour qui les siècles sont des jours ! Les sillons où les blés jaunissent Sous les pas changeants des saisons, Se dépouillent et se vêtissent Comme un troupeau de ses toisons ; Le fleuve naît, gronde et s'écoule, La tour monte, vieillit, s'écroule ; L'hiver effeuille le granit, Des générations sans nombre Vivent et meurent sous son ombre, Et lui ? voyez ! il rajeunit ! Son tronc que l'écorce protège, Fortifié par mille noeuds, Pour porter sa feuille ou sa neige S'élargit sur ses pieds noueux ; Ses bras que le temps multiplie, Comme un lutteur qui se replie Pour mieux s'élancer en avant, Jetant leurs coudes en arrière, Se recourbent dans la carrière Pour mieux porter le poids du vent ! Et son vaste et pesant feuillage, Répandant la nuit alentour, S'étend, comme un large nuage, Entre la montagne et le jour ; Comme de nocturnes fantômes, Les vents résonnent dans ses dômes, Les oiseaux y viennent dormir, Et pour saluer la lumière S'élèvent comme une poussière, Si sa feuille vient à frémir! La nef, dont le regard implore Sur les mers un phare certain, Le voit, tout noyé dans l'aurore, Pyramider dans le lointain ! Le soir fait pencher sa grande ombre Des flancs de la colline sombre Jusqu'au pied des derniers coteaux. Un seul des cheveux de sa tête Abrite contre la tempête Et le pasteur et les troupeaux ! Et pendant qu'au vent des collines Il berce ses toits habités, Des empires dans ses racines, Sous son écorce des cités ; Là, près des ruches des abeilles, Arachné tisse ses merveilles, Le serpent siffle, et la fourmi Guide à des conquêtes de sables Ses multitudes innombrables Qu'écrase un lézard endormi ! Et ces torrents d'âme et de vie, Et ce mystérieux sommeil, Et cette sève rajeunie Qui remonte avec le soleil ; Cette intelligence divine Qui pressent, calcule, devine Et s'organise pour sa fin, Et cette force qui renferme Dans un gland le germe du germe D'êtres sans nombres et sans fin ! Et ces mondes de créatures Qui, naissant et vivant de lui, Y puisent être et nourritures Dans les siècles comme aujourd'hui; Tout cela n'est qu'un gland fragile Qui tombe sur le roc stérile Du bec de l'aigle ou du vautour ! Ce n'est qu'une aride poussière Que le vent sème en sa carrière Et qu'échauffe un rayon du jour ! Et moi, je dis : Seigneur ! c'est toi seul, c'est ta force, Ta sagesse et ta volonté, Ta vie et ta fécondité, Ta prévoyance et ta bonté ! Le ver trouve ton nom gravé sous son écorce, Et mon oeil dans sa masse et son éternité ! | (E) Alphonse de Lamartine (1790-1869) Recueil : Harmonies poétiques et religieuses "Le chêne" (suite de Jehova) Voilà ce chêne solitaire Dont le rocher s'est couronné, Parlez & ... |
Qui a vu quelquefois un grand chêne asséché, Qui pour son ornement quelque trophée porte, Lever encore au ciel sa vieille tête morte, Dont le pied fermement n'est en terre fiché, Mais qui dessus le champ plus qu'à demi penché Montre ses bras tout nus et sa racine torte, Et sans feuille ombrageux, de son poids se supporte Sur un tronc nouailleux en cent lieux ébranché : Et bien qu'au premier vent il doive sa ruine, Et maint jeune à l'entour ait ferme la racine, Du dévot populaire être seul révéré : Qui ta chêne a pu voir, qu'il imagine encore Comme entre les cités, qui plus florissent ore, Ce vieil honneur poudreux est le plus honoré. Joachim Du Bellay, Antiquités de Rome | (E) Qui a vu quelquefois un grand chêne asséché, Qui pour son ornement quelque trophée porte, Lever encore au ciel sa vieille tête morte, Dont le pied fermement n'est en terre fiché, ... |
Écoute, bûcheron, arrête un peu le bras; Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas; Forêt, haute maison des oiseaux bocagers ! Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière Plus du soleil d'été ne rompra la lumière. Tout deviendra muet, Echo sera sans voix ; Tu deviendras campagne, et, en lieu de tes bois, Dont l'ombrage incertain lentement se remue, Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue ; La matière demeure et la forme se perd. Ronsard, Elégies, XXIV | (E) Écoute, bûcheron, arrête un peu le bras; Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas; Forêt, haute maison des oiseaux bocagers ! Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers Ne ... |
De quoi parlait le vent ? De quoi tremblaient les branches ? Était-ce, en ce doux mois des nids et des pervenches, Parce que les oiseaux couraient dans les glaïeuls, Ou parce qu’elle et moi nous étions là tout seuls ? Victor Hugo | (E) De quoi parlait le vent ? De quoi tremblaient les branches ? Était-ce, en ce doux mois des nids et des pervenches, Parce que les oiseaux couraient dans les glaïeuls, Ou parce qu’elle et moi nous étions l ... |
L’audace des moineaux sous les feuilles obscures, Les papillons, l’abeille en quête, les piqûres, Les soupirs, ressemblaient à de vagues essais, Et j’avais peur, sentant que je m’enhardissais. Victor Hugo | (E) L’audace des moineaux sous les feuilles obscures, Les papillons, l’abeille en quête, les piqûres, Les soupirs, ressemblaient à de vagues essais, Et j’avais peur, sentant que je m’enhard ... |