Rainer Maria RILKE - les carnets de Malte Laurids Brigge (essai)C'est ridicule. Me voilà dans ma petite chambre, moi âgé de vingt-huit ans, que personne ne connaît. Je suis assis ici et je ne suis rien. Et pourtant ce rien se met à réfléchir ; il réfléchit dans son cinquième étage, par un maussade après-midi parisien, et voici ce qu'il pense : est-il possible, pense-t-il, qu'on n'ait encore rien vu, rien su, rien dit qui soit réel et important ? Est-il possible qu'on ait eu des millénaires pour regarder, pour réfléchir, pour enregistrer et qu'on ait laissé passer ces millénaires comme une récréation dans une école, pendant laquelle on mange sa tartine et une pomme ? Oui, c'est possible. | Rainer Maria RILKE - les carnets de Malte Laurids Brigge (essai) (E) C'est ridicule. Me voilà dans ma petite chambre, moi âgé de vingt-huit ans, que personne ne connaît. Je suis assis ici et je ne suis rien. Et pourtant ce rien se met à réfléchir ; il réf ... |
Rainer Maria RILKE - Lettres à un jeune poete (correspondance)[...] Cherchez en vous-mêmes. Explorez la raison qui vous commande d'écrire; examinez si elle plonge ses racines au plus profond de votre coeur; faites-vous cet aveu : devriez-vous mourir s'il vous était interdit d'écrire. Ceci surtout : demandez-vous à l'heure la plus silencieuse de votre nuit; me faut-il écrire ? Creusez en vous-mêmes à la recherche d'une réponse profonde. Et si celle-ci devait être affirmative, s'il vous était donné d'aller à la rencontre de cette grave question avec un fort et simple "il le faut", alors bâtissez votre vie selon cette nécessité; votre vie, jusqu'en son heure la plus indifférente et la plus infime, doit être le signe et le témoignage de cette impulsion. Puis vous vous approcherez de la nature. Puis vous essayerez, comme un premier homme, de dire ce que vous voyez et vivez, aimez et perdez. N'écrivez pas de poèmes d'amour; évitez d'abord les formes qui sont trop courantes et trop habituelles : ce sont les plus difficiles, car il faut la force de la maturité pour donner, là où de bonnes et parfois brillantes traditions se présentent en foule, ce qui vous est propre. Laissez-donc les motifs communs pour ceux que vous offre votre propre quotidien; décrivez vos tristesses et vos désirs, les pensées fugaces et la foi en quelque beauté. Décrivez tout cela avec une sincérité profonde, paisible et humble, et utilisez, pour vous exprimer, les choses qui vous entourent, les images de vos rêves et les objets de votre souvenir. Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l'accusez pas; accusez-vous vous-même, dites-vous que vous n'êtes pas assez poète pour appeler à vous ses richesses; car pour celui qui crée il n'y a pas de pauvreté, pas de lieu pauvre et indifférent. Et fussiez-vous même dans une prison dont les murs ne laisseraient parvenir à vos sens aucune des rumeurs du monde, n'auriez-vous pas alors toujours votre enfance, cette délicieuse et royale richesse, ce trésor des souvenirs ? Tournez vers elle votre attention. Cherchez à faire resurgir les sensations englouties de ce vaste passé; votre personnalité s'affirmera, votre solitude s'étendra pour devenir une demeure de douce lumière, loin de laquelle passera le bruit des autres. En 1903, un poète de vingt ans, Franz Xaver Kappus, alors étudiant à l'Académie militaire de Wiener-Neustadt, décide d'envoyer à Rainer-Maria Rilke, ses premiers essais poétiques accompagnés d'une lettre dans laquelle il lui avoue douter de sa vocation. Il ne pouvait espérer plus belle écoute et plus juste accueil à ses incertitudes. Pendant 5 ans, de 1903 à 1908 , avec une extrême délicatesse, Rilke répondra régulièrement à ce jeune homme qu'il ne rencontrera jamais Humble et magistral à la fois, Rilke aborde tous les grands sujets de l'existence : l'amour, la mort, Dieu, la solitude . Il dévoile également ses influences : l'écrivain danois Jacobsen, le sculpteur Rodin... Trois ans après la mort du maître, en 1929 , Franz Xaver Kappus édite dix courriers que lui a envoyés l'auteur des Elégies de Duino et les accompagne d'une courte et respectueuse préface. Il décide simplement d'intituler ce recueil : Lettres à un jeune poète. Ce « guide spirituel » connaîtra un succès éditorial mondial qui ne s'est jamais démenti depuis. | Rainer Maria RILKE - Lettres à un jeune poete (correspondance) (E) [...] Cherchez en vous-mêmes. Explorez la raison qui vous commande d'écrire; examinez si elle plonge ses racines au plus profond de votre coeur; faites-vous cet aveu : devriez-vous mourir s'il vous était interdit d'&eacu ... |