Pierre DESPROGES - des femmes qui tombent (roman)Adeline Serpillon appartenait à cette écrasante majorité des mortels qu’on n’assassine pratiquement pas. Elle n’avait pas d’argent, pas d’amour, pas de haine, pas d’attraits. Ses convictions politiques l’amenaient à conspuer doucement les augmentations du prix du gaz, rarement au-delà. Elle était moyenne avec intensité, plus commune qu’une fosse, et d’une banalité de nougat en plein Montélimar. Hormis le chat gris mou qui dormait sur son lit, personne ne se retournait sur elle, et encore moins dessous. Depuis quarante ans, elle rapetissait à petits pas derrière le comptoir de bois ciré de sa mercerie qui sentait le miel et la sciure fraîche, sans qu’on la prît jamais en flagrant délit de bonne ou de mauvaise humeur. Des Femmes qui tombent est le roman de Pierre Desproges. « Le », parce qu’il n’écrivit jamais qu’un unique roman, au fil de sa carrière d’humoriste, amoureux des mots, ciseleur de perles syntaxiques, maniant et cultivant la langue et les belles lettres comme une profession de foi, comme on respire. Paru en 1985, Des Femmes qui tombent concentre la verve et le talent d’un artiste littéraire, alors qu’il faisait son intéressant sur scène entre le théâtre Grévin et le théâtre Fontaine. | Pierre DESPROGES - des femmes qui tombent (roman) (E) Adeline Serpillon appartenait à cette écrasante majorité des mortels qu’on n’assassine pratiquement pas. Elle n’avait pas d’argent, pas d’amour, pas de haine, pas d’attraits. |