Le CARAVAGE - Amor Vincit Omnia (l'amour triomphe de tout) (1603)
Le tableau représente Cupidon (équivalent dans la mythologie romaine de l'Éros grec), allégorie de l'Amour, sous les traits d'un garçon brun, nu, portant de larges et sombres ailes d'aigle. Il est juché en équilibre sur ce qui semble être une table recouverte d'un drap, une jambe avancée vers le spectateur et l'autre repliée vers l'arrière; son bras gauche est lui aussi caché vers l'arrière. La pose n'est pas sans rappeler Le génie de la Victoire (1532-1534), sculpture de Michel-Ange pour le tombeau de Jules II.
Dans la main droite il porte des flèches, attributs classiques de Cupidon. Autour de lui et sur le sol ont été placés des emblèmes des passions humaines : un violon et un luth, une armure, un sceptre et une couronne, une équerre et un compas, une plume et une partition de musique, des feuilles, un globe astral… La musique, la guerre, le pouvoir, le savoir sont donc aux pieds de l'Amour.
Le tableau illustre ainsi un des poèmes des Bucoliques de Virgile (églogue X, Gallus, v. 69): « Omnia vincit amor et nos cedamus amori », l'Amour vainc tout et nous aussi, cédons à l'amour.
La partition de musique montre la lettre V, probablement en référence au commanditaire Vincenzo Giustiniani. Il a été suggéré que la couronne soit en référence aux ambitions de Giustiniani concernant l'île de Chios sur laquelle sa famille génoise régnait (avant domination turque); ainsi, tous les objets le concerneraient, les instruments pour son amour de la musique et des arts, l'armure pour ses futures conquêtes...
Cette représentation de Cupidon étonne par son caractère réaliste. Techniquement tout d'abord, Caravage utilise la technique du clair-obscur de façon poussée. Le fond est quasiment noir et la seule lumière vient de la carnation claire du personnage et du tissu blanc sur lequel il est assis. La palette ne reprend que des tons bruns et blancs. Le réalisme est d'autant plus marquant que le personnage est quasiment de taille réelle (la toile mesure 1,56 m de hauteur sur 1,16 m de largeur).
Alors que les représentations habituelles, de l'époque jusqu'à nos jours, représentent Cupidon sous les traits d'un jeune garçon angélique et idéalisé parfois asexué, il prend ici les traits d'un garçon au regard plus aguicheur que charmeur, pas réellement beau, aux allures d'un enfant des rues. L'allégorie est ici mêlée au réel, à tel point que l'on peut se demander s'il s'agit réellement d'une représentation de Cupidon ou du garçon déguisé en Cupidon.
De nombreux critiques ont mis en avant l'érotisme de cette peinture ou la relation et attirance pédéraste supposée de Caravage envers ce modèle. En effet, la position de Cupidon et son regard peuvent revêtir un caractère sexuel ambigu pour le spectateur. On remarquera les flèches empoignées par la main droite, ainsi que l'aile gauche, pointer toutes deux vers les organes génitaux de l'ange; allégorie peut-être de l'invitation à la passion charnelle. Toutefois, il semble que l'allusion soit récente et que les contemporains du tableau, Giustiniani au premier chef, n'y aient rien trouvé de choquant. Celui-ci placera l'œuvre en bonne place dans sa collection. D'autre part, l'approche à la nudité des enfants et à la sexualité n'avaient rien de commun au xviie siècle avec celles que nous pouvons avoir de nos jours5.
Concernant la relation entre Caravage et son modèle, Richard Symonds, un visiteur anglais à Rome en 1649/51 décrit le personnage comme étant un servant de Caravage6. Selon l'historien Giani Pappi, ce garçon, qui apparaît dans plusieurs peintures du Caravage, ne serait autre que Cecco Boneri dit Cecco del Caravaggio, lui-même peintre apparaissant plus tard.
Amor Vincit Omnia (l'amour triomphe de tout) généralement traduit par L'Amour victorieux est une œuvre peinte vers 1601-16021 par l'artiste italien Le Caravage, et exposée à la Gemäldegalerie de Berlin.
Caravage peint cette œuvre entre 1601 et 1603 sur commande de Vincenzo Giustiniani, aristocrate et riche banquier de Rome. À partir de cette époque, le peintre concentre son travail sur des œuvres religieuses commandées par le clergé, et c'est donc ici l'une de ses dernières œuvres pour un commanditaire privé