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SUMMER OF SAM, Spike Lee 1999 (thriller crime)@



SUMMER OF SAM, Spike Lee 1999 (thriller crime)@
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SUMMER OF SAM, Spike Lee 1999 (thriller crime)@ ()
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New York, été 1977. Alors que la ville connait une canicule historique, un tueur en série, The Son of Sam, frappe dans le quartier italo-américain de South Bronx. Les rumeurs et soupçons enflent, la presse entretient la paranoïa ambiante : New York suffoque.

TELERAMA
Non sans manichéisme, Spike Lee restitue le rythme fiévreux du New York des années disco.
En 1977, l'été new-yorkais fut marqué par une extraordinaire canicule, une interminable grève des éboueurs, une gigantesque panne d'électricité et par les meurtres successifs d'une poignée de belles jeunes femmes brunes, généralement « cueillies » au calibre 44, à la sortie d'un night-club, par leur assassin. Celui-ci, l'un des premiers serial killers identifié comme tel, se faisait appeler « le fils de Sam », du nom d'un démon vieux de 6 000 ans qui, assurait-il, lui soufflait ses instructions via les aboiements d'un gros labrador noir. Cet été-là, la vogue du disco culminait, indissociable d'une vague d'hédonisme et de liberté sexuelle. Tous ces éléments historiques disparates, savamment mêlés, alimentent Summer of Sam, le premier film de Spike Lee dont la vedette n'est pas tenue par des Noirs.

Le récit éclaté se cantonne à un quartier du Bronx habité par des Italo-Américains. Parmi une dizaine de personnages se détache un jeune couple, marié trop tôt et mal assorti. Dionna (excellente Mira Sorvino, l'héroïne de Maudite Aphrodite), sage et prude fille de restaurateur rital, soupçonne son époux Vinny (le nerveux John Leguizamo, « gueule » montante) de s'ennuyer avec elle. De fait, le garçon la respecte et l'aime mais la trompe tant qu'il peut. Son machisme est complaisamment encouragé par sa bande de copains désoeuvrés, assez primaires et forts en gueule, qui passent leur journée dans la rue ou à la pizzeria du coin.

Tandis que la terreur exercée par « le fils de Sam » augmente au diapason de la température, des idées peu reluisantes commencent à germer dans les esprits échauffés. Un parrain mafieux à la retraite (Ben Gazzara) s'imagine régler lui-même son compte au serial killer. Les compères de Vinny désignent son ami d'enfance, Ritchie (Adrien Brody, une des révélations de La Ligne rouge), comme le criminel recherché, sous prétexte qu'il s'est converti au look punk collier de chien autour du cou, coupe porc-épic, etc. et se livre à des strip-teases dans un club gay pour payer ses instruments de musique... Spike Lee montre ainsi comment un petit groupe soumis à rude épreuve (par la chaleur, la peur, ainsi qu'un sentiment d'échec social) se choisit un bouc émissaire au comportement peu orthodoxe mais pacifique et l'accuse de maux dont il n'est pas coupable.

Depuis Do the right thing et Jungle Fever, on connaît la propension du cinéaste à renvoyer dos à dos tous ses personnages, comme autant de coupables en puissance, quitte à forcer le trait. Summer of Sam ne fait pas exception. La bande qui persécute Ritchie le punk est intégralement composée de caricatures, et la manière dont ces matamores gagnent à leur cause le faible Vinny de plus en plus rongé par ses problèmes conjugaux est parfaitement improbable. Pourtant, ce nouvel opus séduit davantage que les quatre ou cinq derniers films de Spike Lee, qui, de Malcolm X à Get on the bus, ont tous déçu. C'est sans doute qu'ici la dénonciation du machisme, de la bêtise et de l'instinct grégaire importent beaucoup moins que l'air du temps et l'électricité de l'air.

Après Paul Thomas Anderson (Boogie Nights) et bien d'autres, Spike Lee revisite les années disco avec leur inaccessible temple, la boîte new-yorkaise Studio 54 à l'entrée de laquelle Dionna et Vinny se font humilier, et leurs tubes, aujourd'hui devenus des standards. Mais, plutôt que de jouer sur la légende de cette musique et de cette mode, le cinéaste les intègre à sa mosaïque torride, comme des facteurs de frustration ou d'exaspération, au même titre que les forfaits du serial killer ou la panne d'électricité générale. Dans Summer of Sam, la suavité du disco est toujours déphasée, déplacée. En témoigne une scène de ménage entre Vinny et Dionna, au sortir d'une expérience catastrophique dans un club échangiste : sur fond d'une chanson d'Abba, Dancing Queen, la violence verbale des jeunes mariés prend des proportions ahu- rissantes, incidemment comiques. Dans ce type de séquence, trop rare, Spike Lee parvient à faire du disco un équivalent du chœur antique pour sa drôle de tragédie urbaine