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MON CRIME, François Ozon 2023, Nadia Tereszkiewicz, Isabelle Huppert, Fabrice Luchini, André Dussollier, Daniel Prévost (thriller)@@
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Dans les années 30 à Paris. Madeleine Verdier, jeune et jolie actrice sans le sou et sans talent, est accusée du meurtre d'un célèbre producteur. Après avoir été acquittée, elle commence sa nouvelle vie, faite de gloire et de succès. Jusqu'à ce que la vérité éclate au grand jour.

TELERAMA
Dans le Paris corseté des années 30, deux femmes luttent. Un Ozon enlevé, aux thèmes très actuels.

Depuis Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, son troisième long métrage adapté en 2000 d’une pièce méconnue de Rainer Werner Fassbinder, le théâtre est une source d’inspiration majeure pour François Ozon. Le réalisateur de Potiche adore travailler sur les artifices de la représentation scénique. Mais il aime aussi jouer sur la théâtralité pour, de manière un rien paradoxale, mieux célébrer le cinéma. 8 Femmes (2002) partait d’un vaudeville très misogyne des années 1950 pour mettre en valeur les actrices et retrouver les couleurs flamboyantes, la démesure baroque des mélodrames de Douglas Sirk. Son nouveau film utilise un grand succès du boulevard de l’entre-deux-guerres — et guère plus tendre avec le beau sexe… — pour retrouver avec bonheur l’élégance, le glamour et l’esprit des screwball comedies, ces comédies sophistiquées de l’âge d’or hollywoodien sublimées, entre autres, par Ernst Lubitsch et Howard Hawks, où les personnages s’affrontent à coups de répliques façon rafales de mitraillette… et où les femmes portent volontiers la culotte. Dans Mon crime, deux jeunes Parisiennes sont bien décidées à se faire une place dans la société française corsetée des années 1930. Madeleine, comédienne sans le sou, est accusée du meurtre d’un producteur de cinéma qui a tenté de la violer. Son amie et colocataire, Pauline, avocate sans clients, va prendre en charge sa défense lors d’un procès très médiatisé…

Dans ce film d’époque aux décors et aux costumes aussi rétro que rutilants, Ozon s’amuse à multiplier les clins d’œil aux problématiques d’aujourd’hui. Dénonciation du patriarcat, lutte pour la parité et l’égalité des droits entre les sexes, éloge de la sororité sont au cœur de situations et de dialogues à l’humour vif, piquant… et un brin perfide : le féminisme affiché par Mon crime ne manque pas d’ambiguïté, puisque l’émancipation et la réussite des héroïnes passent forcément par les mensonges et la manipulation.

Pas de quoi, cependant, bouder son plaisir devant ce divertissement de haute volée. Le casting, impressionnant, y est pour beaucoup. Nadia Tereszkiewicz (tout juste sacrée du César du meilleur espoir féminin) et Rebecca Marder, les deux jeunes actrices qui montent, sont parfaitement complémentaires — et irrésistibles. Ozon, en bon admirateur du cinéma français des années 1930, a aussi soigné ses seconds rôles. Fabrice Luchini, plus Louis Jouvet que jamais dans son incarnation d’un juge d’instruction imbu de sa personne, et André Dussollier, dans son registre favori de patriarche bonhomme, sont très drôles. Et Isabelle Huppert propose une performance sidérante — une de plus — en ex-gloire du muet, mi-Sarah Bernhardt mi-Gloria Swanson, qui tente de faire son grand retour sous les feux de la rampe. On appréciera, au passage, l’autodérision de l’actrice… et la perversité de son metteur en scène : confier à une star qui semble rajeunir à l’écran avec les années un personnage de comédienne ringarde qui prétend rivaliser avec des jeunes premières, il fallait oser !
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