JINPA, un conte tibetain, Pema Tseden 2018 (conte moral)@@
Depuis dix ans, Jinpa, issu de l'ethnie des Kampa et muni d'un couteau traditionnel, veut venger l'assassinat de son père. Il se rend à Sanak pour recouvrer le meurtrier et le tuer. En route, il est pris en stop par un camionneur qui chemine dans le Kekexili, un plateau désertique du Tibet.
TELERAMA
Sur une route du Tibet, un camionneur rencontre un homme mystérieux nommé, comme lui, Jinpa. Un envoûtant voyage entre rêve et réalité, visuellement superbe.
Parmi les rares cinéastes en activité au Tibet, Pema Tseden a déjà signé le très réussi Tharlo, le berger tibétain (2018). Au générique de ce film-ci, c’est le nom de son producteur qu’on remarque : Wong Kar-wai. Dès les premières images, l’esprit du maître hongkongais semble présent. Ses fameuses lunettes fumées rectangulaires, on croit les reconnaître, portées par le héros de Jinpa, un conte tibétain. Ce camionneur très stylé, en cuir noir et pull violet, écoute sur sa radiocassette une version locale de O sole mio, chanson napolitaine devenue tube mondial. Un choix musical qui rappelle les mélanges exotiques de In the Mood for Love (2000). Comme le travail sur la lumière, qui rend les paysages arides du Tibet soudain chatoyants.
Dans cette ambiance sophistiquée et superbe, l’auteur imagine un récit où tout est, pareillement, affaire d’atmosphère. Au volant de son camion, Jinpa tue par mégarde un mouton, puis fait monter à bord un inconnu étrange – il a quitté son village pour aller tuer l’assassin de son père et il s’appelle, lui aussi, Jinpa… Le sang de la bête écrasée sur la route et la soif de vengeance, tout se répond, comme les prénoms, mystérieusement. Dans le ciel, les vautours tournoient au-dessus du monastère où fait halte le premier des deux Jinpa. Avec ce sentiment de menace omniprésente et insituable, le film tient en haleine. Le thème du double est bien le seul élément familier de cet envoûtant voyage au bout du monde, entre la lumière et les ombres, la réalité et le rêve.