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Une ville, un écrivain!
On ne présente plus ce livre, et pourtant je vais le faire!. La version que je promène depuis bientôt 15 ans, est celle de Presses Pocket, avec une très intéressante préface de Valery Larbaud.
Une ville, Dublin, des personnages et l'oeil de Joyce, puis celui de la censure. Certainement l'oeuvre la plus abordable de Joyce, celle par laquelle il est préférable de commencer "l'exploration" de l'univers Joycien.
Recueil comprenant 15 nouvelles (j'ai recompté!), je parlerai plus précisément de celles qui me plaisent le plus, quoiqu'elles soient toutes de très bon niveau.
Commençons donc par celle par qui le scandale arrive " Une rencontre". Deux enfants font l'école buissonnière et rencontrent un adulte qui leur parle de punitions corporelles. Avec le recul du temps, (100 ans) cette nouvelle paraît bien anodine, car elle était prête à la publication en 1907, mais n'est sortie qu'en 1914.
J'ai beaucoup aimé "On se réunira le 6 octobre", où un groupe d'hommes entre deux bières parle de la venue du roi d'Angleterre, et de prochaines élections. A la fin de l'histoire, un homme récite un poème sur la mort de Parnell survenue le 6 octobre 1891. Joyce admirait particulièrement cet homme victime de magouilles politiques, traîné dans la boue pour une vulgaire affaire d'adultère et mort d'épuisement :
"Il est mort. Notre roi sans couronne est mort
O Erin, lamente-toi avec tristesse et douleur,
Car il gît mort celui que la bande cruelle
Des hypocrites modernes a terrassé".
Finissons sur le chef-oeuvre "Les morts", à mon goût, une des plus belles choses que j'ai lues. Un récit où il ne se passe pas grand chose, un repas , au moment de Noël, plein de nostalgie, où Joyce parle du temps qui passe, inexorablement.
Les mêmes invités depuis des années chez deux soeurs qui vieillissent, un monde qui disparaît petit à petit. Quelques personnages ressortent du lot, Gabriel, un peu le maître de cérémonie, un peu maladroit dans ses relations avec les femmes, préparant son discours annuel. Sa femme Greta, qu'une chanson bouleverse, et qui se souvient avec beaucoup de mélancolie, d'un jeune garçon Michel Furey qui, dit-elle :
"Je crois bien qu'il est mort pour moi".
J'aime bien également le personnage de Miss Ivors, grande et belle jeune femme qui représente l'Irlande renaissante. Elle reproche à Gabriel son attitude, lui reprochant de passer ses vacances en Europe, et non pas dans son propre pays.
A part dans cette dernière nouvelle, il y a peu de personnages marquants, des gens ordinaires, des Dublinois de tous les jours, avec le lot (gros) de défauts, d'hypocrisie et d'intérêts pas toujours avouables. Les hommes sont souvent buveurs et pas toujours intéressants.
La ville de Dublin est omniprésente dans ce livre, et je pense que jamais un auteur et une ville n'ont été en aussi parfaite osmose. Joyce pourtant choisira l'exil.
Autre chose à remarquer : Joyce chantait très bien, il espérait un temps faire carrière, on retrouve ce goût pour la musique dans au moins deux nouvelles "Une mère" et "La mort".
Maintenant que j'ai relu ce livre, je vais pouvoir revoir le film, dans une réalisation de John Huston, avec l'interprétation d'Angelica Houston et du regretté Donald Mac Cann. Film testament de John Huston, autre grand personnage de la diaspora irlandaise qui est enfin disponible en DVD.
Extraits :
- L'école et la maison s'éloignaient, et leur influence sur nous semblait diminuer.
- Une personne ressemblant à un pauvre ecclésiastique ou à un acteur dans la dèche parut sur le seuil.
- Et vous n'avez pas à entretenir la connaissance de votre langue natale, l'irlandais?
- Était-elle sincère? Vivait-elle réellement d'une vie personnelle derrière le zèle de sa propagande?
- The Lass of Anghim, dit M. d'Arcy, mais je m'en souviens mal. Pourquoi? Le connaissez-vous?
The Lass of Anghim, répéta-t-elle, le nom ne me revenait pas.
Éditions : Presses Pockett
Titre original:Dubliners.

source: http://eireann561.canalblog.com/archives/2007/02/21/4083916.html