UN MONDE, Laura Wandel 2021, Maya Vanderbeque, Günter Duret (societe harcelement scolaire)@@@
Nora entre en primaire lorsqu'elle est confrontée au harcèlement dont son grand frère Abel est victime. Tiraillée entre son père qui l'incite à réagir, son besoin de s'intégrer et son frère qui lui demande de garder le silence, Nora se trouve prise dans un terrible conflit de loyauté. Une plongée immersive, à hauteur d'enfant, dans le monde de l'école.
TELERAMA
Alors qu’elle vient de rentrer à l’école primaire, une fillette découvre que son frère aîné y est victime de harcèlement de la part de ses camarades. Une vision à hauteur d’enfant.
Une petite fille pleure dans les bras de son grand frère. C’est le premier jour d’école primaire et Nora ne veut pas y aller. Devant la grille, Abel, son frère, essaie de la rassurer. « T’inquiète, on se revoit à la récré. » Une fois à l’intérieur de l’école, on n’en sortira plus, sauf au moment de la piscine, où Nora, tremblotante, devra sauter dans le grand bassin. Une épreuve parmi tant d’autres dans ce film d’une sensibilité à l’os. À même de réveiller dans l’esprit de chaque spectateur des souvenirs plus ou moins enfouis de honte et de peur. Peur de l’inconnu, de ne pas réussir, d’être puni.
Peur surtout de ne pas savoir se défendre face à la violence. Un monde est un film d’angoisse, criant de vérité, parce que filmé à hauteur d’enfant. Ce premier long-métrage de la réalisatrice belge Laura Wandel impressionne par sa densité et sa concision. Il repose sur l’immersion totale dans un univers impitoyable dominé par le brouhaha. Une micro-société, un terrain de jeu et d’apprentissage, où Nora trouve peu à peu sa place, se fait des copines. La victime, ce n’est pas elle ici, comme le début le laisse penser, mais Abel. Sa sœur découvre qu’il subit le harcèlement d’une bande de garçons, dans les escaliers, la cour, les toilettes. En voulant s’interposer, elle semble aggraver la situation. Tandis que son frère la presse de garder le silence, leur père sent que quelque chose ne va pas…
“Un monde”, un film choc sur le harcèlement scolaire : “Quand un enfant est violent, c’est qu’il y a une blessure qui n’a pas été reconnue”
Culpabilité, conflit de loyauté, reproduction de la violence : le film est riche de tensions psychologiques. Les adultes s’y démènent comme ils peuvent, mais leur vigilance comporte inévitablement des failles. La réalisatrice n’incrimine ni ne juge personne. Elle montre que l’école, lieu déterminant de l’apprentissage social, peut être le théâtre de rapports de force très cruels entre enfants. Où commencent à s’inscrire en nous des traits de domination ou de soumission, de confiance en soi ou l’inverse, qui conditionnent notre rôle ultérieur dans la société.
Si le jeu, la joie, l’acquisition du savoir sont aussi de la partie, si le film tend vers une forme de salut possible, il reste poignant, nous saisissant plus d’une fois à la gorge, en créant une profonde empathie pour le frère meurtri et sa sœur atteinte par ricochet. Une fratrie incarnée par deux enfants, Maya Vanderbeque et Günter Duret, époustouflants de justesse.