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READY PLAYER ONE, Steven Spielberg 2018, Tye Sheridan, Olivia Cooke, Mark Rylance (science fiction)@@@
En 2045, la planète frôle le chaos et s'effondre, mais les gens trouvent du réconfort dans l'OASIS, un monde virtuel créé par James Halliday. Lorsque Halliday meurt, il promet son immense fortune à la première personne qui découvre un oeuf de Pâques numérique caché dans l'OASIS.

TELERAMA
Il y a deux Steven Spielberg. Le premier est un héritier du classicisme hollywoodien avec sa maîtrise du récit, ses scénarios aux valeurs humanistes, ses mises en scène élégantes et efficaces com­me dans le récent Pentagon Papers, ­vibrant hommage à la liberté de la presse. Le second est l’artisan d’un cinéma pop-corn et high-tech, destiné à séduire les enfants que nous sommes tous restés. Mission accomplie, haut la main, avec l’euphorisant Ready Player One, qui prouve que « papy Spielby », à 71 ans, a encore de sérieuses leçons de créati­vité et de modernité à donner aux jeunes générations.

Bienvenue en 2045, à Columbus, Ohio (Etat natal du réalisateur). Pour ne plus penser à leur vie sinistre, la plupart des hommes et femmes du futur passent le plus clair de leur temps avec un masque de réalité virtuelle sur les yeux, seul moyen de pénétrer dans l’Oasis, un jeu vidéo en ligne très addictif. Son fondateur, l’excentrique James Hal­liday, mort quelques années plus tôt, a décidé de léguer sa fortune au gamer qui découvrira « l’œuf de Pâques » dissimulé au cœur du jeu. Wade, un adolescent idéaliste, part à la chasse au trésor, tout comme les salariés de l’IOI, une multinationale du multimédia qui rêve de prendre le contrôle de l’Oasis et, au-delà, du « vrai » monde…

Le film enchaîne avec fluidité les ­allers-retours entre la réalité, très som­bre, de demain et les univers virtuels, tantôt merveilleux, tantôt apocalyptiques, de l’Oasis. Entre les acteurs et leurs avatars numériques. « Les seules ­limites de l’Oasis sont celles de votre imagination », disait son créateur. Spielberg et ses décorateurs ne s’en sont ­posé aucune pour créer des décors, des courses-poursuites, des combats toujours plus fous, toujours plus spectaculaires. Avec un petit supplément d’âme : l’un des charmes du film est d’allier la science-fiction à l’évocation tous azimuts, et délicieusement nostalgique, de la pop culture.

Des tubes de Van ­Halen (Jump) ou de Tears for Fears aux costumes bizarres des Aventures de Buckaroo Banzaï à travers la 8e dimension en passant par les premiers jeux ­vidéo Atari, Ready Player One est une madeleine de Proust géante – et particulièrement savoureuse – pour qui fut adolescent dans les années 80. La plupart de ses (innombrables) références ne durent que quelques secondes, le temps d’une image ou d’une réplique, mais d’autres constituent de véritables enjeux du scénario. Pour résoudre une des énigmes du jeu, Wade et ses amis doivent ainsi plonger dans l’univers de Shining. Grand moment de vertige ciné­philique, lorsque les décors et les personnages du chef-d’œuvre de Stanley Kubrick sont, à leur tour, transformés en avatars numériques…

Si futuriste soit-il, ce divertissement n’est pas complètement déconnecté du monde d’aujourd’hui. La sinistre compagnie IOI est l’équivalent des Google et Facebook actuels : un fleuron du ­capitalisme ultralibéral qui, derrière la ­façade d’entreprise « cool », rêve d’un monopole absolu, quasi totalitaire, sur son marché. Le blockbuster cache ­aussi une émotion inattendue avec le personnage de Halliday, le créateur de l’Oasis, mi-Steve Jobs (pour ses inventions visionnaires), mi-Willy Wonka (le démiurge excentrique de Charlie et la chocolaterie ). Un ex-ado solitaire, mal dans sa peau, qui trouve refuge dans l’imaginaire des jeux vidéo et des films et devient l’une des personnalités les plus admirées, mais aussi les plus riches de l’industrie du divertissement. On aimerait y voir un autoportrait de Steven Spielberg lui-même. Surtout quand cet éternel enfant, arrivé au soir de sa vie, milite pour un retour au pur plaisir du jeu et du partage…