arpoma  dimanche 01 décembre 2024 - 08h21 menu / actu

liste / rep

atlas / rech
(0 sur 304)   (liste)
◀◀         (0 sur 304)         ►►


























(grand format)   (taille reelle) (loupe: alt+cmd+8)
20040417 DSCN3883 saint-lunaire - coucher de soleil et pin
Je te nomme Soir
ô Soir ambigu,
feuille mobile je te nomme.
Et c’est l’heure des peurs primaires,
surgies des entrailles d’ancêtres.
Arrière inanes faces de ténèbre
à souffle et mufle maléfiques !
Arrière par la palme et l’eau,
par le Diseur-des-choses-très-cachées !
Mais informe la Bête dans la boue féconde
que nourrit tsétsés stégomyas
Crapauds et trigonocéphales,
araignées à poison caïmans à poignards.

Quel choc soudain sans éclat de silex ! Quel choc et pas une étincelle de passion.
Les pieds de l’Homme lourd patinent dans la ruse, où s’enfonce sa force jusques à mi-jambes.
Les feuilles les lient des plantes mauvaises. Plane sa pensée dans la brume.
Silence de combat sans éclats de silex, au rythme du tam-tam tendu de sa poitrine
Au seul rythme du tam-tam que syncope la Grande-Rayée à sénestre.
Sorcier qui dira la victoire !

Des griffes paraphent d’éclairs son dos de nuages houleux
La tornade rase ses reins et couche les graminées de son sexe
Les kaïcédrats sont émus dans leurs racines douloureuses
Mais l’Homme enfonce son épieu de foudre dans les entrailles de lune dorées très tard.
Le front d’or dompte les nuages, où tournoient des aigles glacés,
O pensée qui lui ceint le front ! La tête du serpent est son œil cardinal.

La lutte est longue trop ! dans l’ombre, longue des trois époques, de nuit millésime.
Force de l’Homme lourd les pieds dans le potopoto fécond
Force de l’Homme les roscaux qui embarrassent son effort.
Sa chaleur la chaleur des entrailles primaires, force de l’Homme dans l’ivresse
Le vin chaud du sang de la Bête, et la mousse pétille dans son cœur
Hê ! vive la bière de mil à l’Initié !

Un long cri de comète traverse la nuit, une large clameur rythmée d’une voix juste.
Et l’Homme terrasse la Bête de la glossolalie du chant dansé.
Il la terrasse dans un vaste éclat de rire, dans une danse rutilant dansée
Sous l’arc-en-ciel des sept voyelles. Salut Soleil-levant Lion au-regard-qui-tue
Donc salut Dompteur de la brousse, Toi Mbarodi ! seigneur des forces imbéciles.

Le lac fleurit de nénuphars, aurore du rire divin.

Leopold Sedar Senghor - Ethiopiques