ADOLESCENCE, Jack Thorne et Stephen Graham 2025, Mark Stanley, Owen Cooper et Stephen Graham (thriller societe)@@
La vie d'une famille bascule lorsque Jamie Miller, 13 ans, est arrêté pour le meurtre d'une camarade de classe : les accusations portées contre leur fils les obligent à affronter le pire cauchemar de tous les parents.
TELERAMA
Tournée en quatre plans-séquences, cette minisérie britannique diffusée sur Netflix nous immerge dans une enquête criminelle visant un garçon de 13 ans. Une œuvre virtuose et cathartique, irriguée de questions contemporaines.
L'aube se lève à peine lorsqu’un commando enfonce la porte des Miller. « Je n’ai rien fait ! Vous vous trompez de maison ! », s’époumone Eddie, le père de famille. Mais ce n’est pas lui que recherchent les policiers. Contre toute attente, leur cible se trouve à l’étage : un jeune garçon ensommeillé dans sa chambre étoilée. Puis tout s’accélère. « Jamie Miller, il est 6h15, on t’arrête pour meurtre ! » Terrifié, l’enfant mouille son pyjama avant d’être transféré au commissariat. Rien ne laisse deviner qu’il a 13 ans et qu’on le soupçonne d’avoir poignardé une collégienne…
Ainsi commence l’éblouissante Adolescence. Créée par le scénariste Jack Thorne (Skins, Pour Marnie) avec l’acteur Stephen Graham (Boardwalk Empire, The Chef), qui incarne aussi corps et âme la figure paternelle brisée, cette minisérie britannique fait l’effet d’un double uppercut : esthétique et philosophique. Virtuoses, les quatre épisodes ont été intégralement tournés en plan-séquence – soit quatre fois une heure sans raccord. Cet exploit technique n’a rien d’artificiel. Le procédé permet au contraire de s’immerger en temps réel dans l’enquête criminelle, et d’ausculter au plus près la question de la construction de l’identité masculine à travers la psyché de Jamie.
Dès le générique, ses traits angéliques nous glacent. On découvre le visage du mal. Comment la frustration sexuelle et les complexes d’un ado, victime de harcèlement au collège et sur les réseaux sociaux, peuvent-ils conduire à l’irréparable ? Et si cela venait du père, ce brave plombier, tout droit sorti d’un film de Mike Leigh, qui passe ses nuits à déboucher des WC pour rembourser les traites de son pavillon terne ? Délaisse-t-il trop ses enfants ? Fait-il preuve de violences à la maison ?
Sans jugement moral
Terriblement contemporaines, toutes ces questions traversent Adolescence. De fait, cette œuvre magistrale ne cesse de transcender le drame social et familial pour sonder les racines du mal. Toujours à distance, sans émettre le moindre jugement moral, le récit adopte tour à tour le point de vue de chaque protagoniste. Suspect, flics, psy et parents…
Le premier volet de la série – le plus clinique de tous – suit pas à pas les coulisses de la garde à vue de Jamie. Un mouvement de caméra continu, hypnotique, se substitue à l’habituel champ-contrechamp fictionnel, pour nous téléporter entre les murs du commissariat. Sous l’influence du cinéma-vérité de Frederick Wiseman (Welfare) dans sa manière frontale de filmer l’interrogatoire, l’épisode se distingue en outre par la fluidité et le réalisme sidérants des dialogues.
Passé un chapitre hors d’haleine dédié à l’investigation criminelle, le troisième – nouveau huis clos particulièrement intense – met en présence l’accusé avec une jeune psychologue clinicienne. Un face-à-face où l’irrationnel et la raison se télescopent à l’infini. Enfin, la caméra s’invite chez les Miller, le temps d’une séance poignante d’introspection collective. Un épilogue cathartique sur la parentalité, illuminé par la performance inoubliable de Stephen Graham.