Théodore Agrippa d’AUBIGNE (1552-1630)Calviniste intransigeant, il soutint sans relâche le parti protestant, se mettant souvent en froid avec le roi Henri de Navarre, dont il fut l'un des principaux compagnons d'armes. Après la conversion de celui-ci, il rédigea des textes qui avaient pour but d'accuser Henri IV de trahison envers l'Église. Chef de guerre, il s'illustra par ses exploits militaires et son caractère emporté et belliqueux. Ennemi acharné de l'Église romaine, ennemi de la cour de France et souvent indisposé à l'égard des princes, il s'illustra par sa violence, ses excès et ses provocations verbales. Théodore Agrippa d’Aubigné, né le 8 février 1552 au château de Saint-Maury près de Pons, en Saintonge, et mort le 9 mai 1630 à Genève, est un homme de guerre, un écrivain controversiste et poète baroque français. Il est notamment connu pour Les Tragiques, poème héroïque racontant les persécutions subies par les protestants. Calviniste intransigeant, il soutint sans relâche le parti protestant, se mettant souvent en froid avec le roi Henri de Navarre, dont il fut l'un des principaux compagnons d' ... |
Agrippa d'AUBIGNE - Les Tragiques (poesie)Comme un nageur venant du profond de son plonge, Tous sortent de la mort comme l'on sort d'un songe Je cerchois de mes tristes yeux La Verité aux aspres lieux, Quand de cette obscure tasniere Je vis resplendir la clarté Sans qu’il y eust autre lumière : Sa lumière estoit sa beauté. Voici l'un des textes les plus célèbres des Tragiques d'Agrippa d'Aubigné ( 1552-1630) qui nous présente la France déchirée par les guerres de religion comme une mère déchirée par ses jumeaux. Il s'agit d'un très bel exemple d'allégorie et aussi de poésie baroque et "engagée" avant la lettre , puisque le poète défend la cause protestante tout en montrant les misères de la France de l'époque. Je veux peindre la France une mère affligée, Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée. Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts Des tétins nourriciers ; puis, à force de coups D'ongles, de poings, de pieds, il brise le partage Dont la nature donnait à son besson l'usage ; Ce voleur acharné, cet Ésau malheureux ? Fait dégât du doux lait qui doit nourrir les deux, Si que, pour arracher à son frère la vie, Il méprise la sienne et n'en a plus d'envie. Mais son Jacob, pressé d'avoir jeûné meshui, Ayant dompté longtemps en son cœur son ennui, A la fin se défend, et sa juste culère Rend à l'autre un combat dont le champ est la mère. Ni les soupirs ardents, les pitoyables cris, Ni les pleurs réchauffés ne calment leurs esprits ; Mais leur rage les guide et leur poison les trouble, Si bien que leur courroux par leur coups se redouble. Leur conflit se rallume et fait si furieux Que l'un gauche malheur ils se crèvent les yeux. Cette femme éplorée, en sa douleur plus forte, Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte ; Elle voit les mutins, tout déchirés, sanglants, Qui, ainsi que du cuir, des mains se font cherchant. Quand, pressant à son sein d'une amour maternelle Celui qui a le droit et la juste querelle, Elle veut le sauver, l'autre qui n'est pas las Viule, en son poursuivant, l'asile de ses bras. Adonc se perd le lait, le suc de sa poitrine ; Puis, aux derniers abois se sa propre ruine, Elle dit : « Vous avez, félons, ensanglanté Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté ; Or, vivez de venin, sanglante géniture, Je n'ai plus que du sang pour votre nourriture ! » Comme un nageur venant du profond de son plonge, Tous sortent de la mort comme l'on sort d'un songe Je cerchois de mes tristes yeux La Verité aux aspres ... |