5eme SET, Quentin Reynaud 2021, Alex Lutz, Kristin Scott-Thomas, Ana Girardot (sport)@Âgé de presque 38 ans, Thomas est un joueur de tennis qui n'a jamais connu de gloire. Pourtant, il était l'un des plus grands espoirs du tennis lorsqu'il avait 17 ans. À cause d'une défaite en demi-finale, il est traumatisé depuis et reste dans le bas du classement. Aujourd'hui, il se prépare pour ce qui devrait être son ultime tournoi et il refuse d'abdiquer. Soudainement pris d'un désir de sauver son honneur, il se lance dans une lutte improbable dont le résultat demeure incertain. TELERAMA Dans une partie de tennis, le cinquième set est celui de tous les dangers : « remontada » héroïque, écroulement pathétique, blessure… Dans une carrière de tennisman, c’est souvent le début de la fin. À 37 ans, Thomas ne peut se résoudre à raccrocher. Enlisé dans les profondeurs du classement depuis vingt ans, il n’est jamais parvenu à confirmer les espoirs placés en lui, quand il faisait, prodige de 17 ans, la couverture des magazines spécialisés. Plus personne ne croit en ses chances, à part lui-même. Au cinéma, le tennis a déjà servi de toile de fond à des drames intimes ou de métaphore à des duels qui se jouaient hors du terrain. Ex-joueur semi professionnel, Quentin Reynaud s’est inspiré de son expérience pour filmer ce qui ne l’a jamais été : le corps qui lâche, la vie de famille sacrifiée, l’intendance obligée de suivre… Pour faire exister ce sportif qui vacille, il fallait, au contraire, un acteur bien solide. Scruté sous toutes les coutures par une caméra à l’épaule intrusive, Alex Lutz tient littéralement le film à bout de bras. Alors, hormis quelques défauts (dont le personnage de la mère et ex-entraîneuse du héros, jouée par Kristin Scott Thomas), le match tient en haleine et malmène, jusqu’au bout, les muscles des joueurs et les nerfs des spectateurs. Âgé de presque 38 ans, Thomas est un joueur de tennis qui n'a jamais connu de gloire. Pourtant, il était l'un des plus grands espoirs du tennis lorsqu'il avait ... |
8 RUE DE L HUMANITE, Dany Boon 2021, Dany Boon, François Damiens (societe sante)Alors que certains ont préféré fuir la capitale, sept familles sont restées confinées dans un immeuble du 11ème, au 8 rue de l'Humanité. Une patronne de bistrot, un scientifique ambitieux qui veut trouver le vaccin, un hypocondriaque en panique, sa femme avocate, un coach sportif qui grossit au fil des semaines, sa fiancée enceinte, un riche self-made-man désespéré et deux enfants de 8 et 10 ans qui, grâce au confinement, vont tomber amoureux. TELERAMA En période de confinement(s), Dany Boon reprenait sans vergogne son éternel personnage d’hypocondriaque. Comme dans une sitcom, tout le monde se déteste ici, mais tout le monde finira par s’apprécier… Yvan Attal en patron de labo qui se fait « des couilles en or » et vire au savant fou : du n’importe-quoi. Liliane Rovère en tenancière de bistrot au chômage technique, grande gueule et gentille avec les enfants : rien à signaler. Et avec François Damiens en gros con parfait (« le seul Belge antipathique »), on reste dans le déjà-vu… À la fois calculateur et fainéant, Dany Boon ne ressort pas grandi de ce film, indigne de la fantaisie dont on le sait capable. Les seuls personnages vraiment drôles de 8, rue de l’Humanité sont un coach sportif et une perdante de The Voice qui vivent le confinement sur Instagram, dans une compétition à la dure pour le plus grand nombre de followers. Tom Leeb et Alison Wheeler arrivent à rendre la caricature savoureuse et tirent le meilleur de chacune de leurs scènes. Ils auraient mérité d’avoir tout le film pour eux. Alors que certains ont préféré fuir la capitale, sept familles sont restées confinées dans un immeuble du 11ème, au 8 rue de l'Humanit&eac ... |
AMANTS, Nicole Garcia 2021, Pierre Niney, Stacy MartinLisa et Simon sont inséparables. Ils sont passionnés l'un par l'autre depuis leur adolescence. Une tragédie survient, provoquée par les activités criminelles de Simon. Il est en danger et s'enfuit. Sans Lisa. Elle attend en vain des nouvelles de lui. Trois ans plus tard, elle est mariée à Léo lorsque leurs chemins se croisent à nouveau sur une île de l'océan Indien. TELERAMA: La direction d’acteurs de Nicole Garcia s’avère une fois encore impeccable. Stacy Martin a tout d’une proie noyée, mélancolique, mais semble aussi détachée, protégée par une carapace. Benoît Magimel impressionne, tout en pesanteur oppressante. Pierre Niney est fiévreux, tragique à souhait. Leur partition cisèle à merveille ce diamant noir. Lisa et Simon sont inséparables. Ils sont passionnés l'un par l'autre depuis leur adolescence. Une tragédie survient, provoquée par les activités ... |
ANNETTE, Leos Carax 2021, Adam Driver, Marion CotillardLos Angeles, de nos jours. Henry est un humoriste avec un fort sens de l'humour qui tombe amoureux d'Ann, une chanteuse d'opéra de renommée mondiale. Sous les feux des projecteurs, ils forment un couple passionné et glam. TELERAMA Avec un couple iconique formé par Adam Driver et Marion Cotillard, une bande originale qui décoiffe et un scénario signé des Sparks, le film du réalisateur français avait tout pour crever l’écran. Nous nous aimons tellement… Ça défie toute logique. C’est incompréhensible. » Ces mots sont chantés par Ann (Marion Cotillard), soprano de renommée internationale, et Henry (Adam Driver), star du stand-up. Tous deux flânent dans un paysage doux de Californie, puis filent dans la nuit, enlacés sur une moto. La vitesse, la beauté de ces amoureux, le lyrisme échevelé de Sparks : difficile de ne pas décoller. Mais la noirceur s’immisce dans le couple, qui a pourtant tout pour être heureux : la gloire, l’argent, une merveille d’ermitage lové dans la verdure ; puis un bébé, étrange à nos yeux mais pas aux leurs, qu’ils prénomment Annette. Entamé par trois coups de théâtre et les musiciens qui commencent à jouer en studio puis en sortent, embarquant avec eux leur musique et les acteurs dans une ronde magistrale, le film est un hymne à toutes les formes de show, du music-hall de Broadway jusqu’aux traques médiatiques avec paparazzi. Le tour de force de Carax est de créer un univers de conte nourri de mythes antiques comme d’actualité contemporaine (du mouvement #MeToo au méga-concert pop). Carax fait d’Annette le jouet d’une hantise, offrant à travers elle une vision assez terrible de l’enfance, déifiée et instrumentalisée, en proie aux pulsions morbides et au narcissisme blessé des parents. Annette est bien seule dans ce monde où l’amour et la haine semblent inséparables. Où le théâtre est sans limite. Le réalisateur de Holy Motors porte ici les sentiments des personnages à leur paroxysme, dans une sorte de palimpseste magique, où se chevauchent des réminiscences de cinéma (muet, expressionniste, lynchien), de peinture, de mélodies d’autrefois. On ressort de ce maelström à la fois en état d’apesanteur et groggy. Los Angeles, de nos jours. Henry est un humoriste avec un fort sens de l'humour qui tombe amoureux d'Ann, une chanteuse d'opéra de renommée mondiale. Sous les feux de ... |
BOITE NOIRE, Yann Goslan 2021, Pierre Niney, Andre Dussolier (policier)@@Technicien au BEA, autorité responsable des enquêtes de sécurité dans l'aviation civile, Mathieu Vasseur est propulsé enquêteur en chef sur une catastrophe aérienne sans précédent. Erreur de pilotage, défaillance technique ou acte terroriste : l'analyse minutieuse des boîtes noires va pousser Mathieu à mener en secret sa propre investigation. Il ignore encore jusqu'où va le mener sa quête de vérité. TELERAMA: S’appuyant sur un scénario documenté et élaboré, Yann Gozlan déroule une intrigue toujours haletante. La force de son film, qui réveille le souvenir des thrillers d’investigation d’Alan J. Pakula, tient beaucoup à l’identification du spectateur au personnage principal, jusqu’au moment où le doute s’installe. Cet obsessionnel, qui s’avère fragile, n’est-il pas un peu dingue ? En proie au complotisme, au délire d’interprétation ? La paranoïa est telle qu’elle déborde sur la vie intime. Car l’épouse de Mathieu, femme brillante, et qui semble plus solide que lui, travaille dans le même secteur, mais dans une autre branche, avec un possible conflit d’intérêts. Boîte noire suggère ainsi l’idée inquiétante que l’obtention de la vérité ne se fait pas sans (auto)destruction. Technicien au BEA, autorité responsable des enquêtes de sécurité dans l'aviation civile, Mathieu Vasseur est propulsé enquêteur en chef sur ... |
BONNE MERE, Hafsia Herzi 2021, Halima Benhamed, Sabrina Benhamed (societe)@@Nora, la cinquantaine, femme de ménage, veille sur sa famille dans une cité des quartiers nord de Marseille. Après une longue période de chômage, un soir de mauvaise inspiration, son fils aîné Ellyes s'est fourvoyé dans le braquage d'une station-service. Incarcéré depuis plusieurs mois, il attend son procès avec un mélange d'espoir et d'inquiétude. Nora fait tout pour lui rendre cette attente la moins insupportable possible. TELERAMA Deux ans après “Tu mérites un amour”, Hafsia Herzi repasse derrière la caméra avec ce film, balisé mais attachant, sur une mère courage marseillaise. Le regard est vif et tendre et le propos, généreux. Ça va », « ça va aller »… Nora, femme de ménage ne ménageant pas sa peine, n’a que ces mots-là à la bouche. Pas le choix : si elle tombe, qui va s’occuper des siens ? Le fils aîné, en prison, attend son procès pour braquage, la grande fille sans emploi a fait un bébé toute seule, sans compter l’ado romantique, encore au lycée… Au hit-parade des mères courageuses, l’héroïne de Bonne Mère – joli titre polysémique pour un film situé à Marseille – peut briguer la première place. C’est à la fois la force et la faiblesse du deuxième long métrage de Hafsia Herzi, deux ans après ses débuts remarqués avec Tu mérites un amour. Sa force, parce qu’elle pose sur Nora un regard d’une tendresse absolue et communicative – la jeune réalisatrice, élevée par une maman solo, mijotait cet hommage depuis longtemps – et trouve le moyen de raconter son quotidien harassant sans le priver de lumière, d’humour, d’étincelles de vie. Et sa faiblesse, parce qu’on a l’impression d’avoir déjà vu, ailleurs, souvent, ce personnage de mater dolorosa sacrificielle, forcément digne et taiseuse. Nora, la cinquantaine, femme de ménage, veille sur sa famille dans une cité des quartiers nord de Marseille. Après une longue période de chômage, ... |
CRUELLA, Craig Gillespie 2021, Emma Stone, Emma ThompsonLondres, années 70. Estella est résolue à se faire un nom dans le milieu de la mode. Elle se lie d'amitié avec deux jeunes vauriens qui apprécient ses compétences d'arnaqueuse et mène avec eux une existence criminelle dans les rues de Londres. Un jour, ses créations se font remarquer par la baronne von Hellman, une grande figure de la mode. Mais leur relation va amener Estella à se laisser envahir par sa part sombre, au point de donner naissance à l'impitoyable Cruella. TELERAMA: Il était une fois Estella, une petite orpheline qui se métamorphose, s’impose et se venge, dans le milieu de la mode londonienne des années 1970… En inventant de toutes pièces une jeunesse à la Cruella des 101 Dalmatiens, le classique animé de 1961, Disney réussit son divertissement en images réelles le plus insolent, pimpant et rythmé depuis la nuit des temps. Avec une direction artistique léchée, pleine d’inventions visuelles, le film ne cesse de faire des clins d’œil malins au Diable s’habille en Prada, tout en s’amusant du mouvement punk-rock anglais. Même la styliste Vivienne Westwood pourrait jalouser certaines créations d’Estella-Cruella, version féminine du Joker de Marvel, incarnée par une Emma Stone convaincante. Face à elle, la grande Emma Thompson inscrit son personnage de snob odieuse aux panthéons des méchantes de cinéma. Du plaisir cousu main. Londres, années 70. Estella est résolue à se faire un nom dans le milieu de la mode. Elle se lie d'amitié avec deux jeunes vauriens qui apprécien ... |
DELICIEUX, Eric Besnard 2021, Gregory Gadebois, Isabelle Carre, Benjamin Laverne, Guillaume De Tonquedec (societe)@@@À l'aube de la Révolution Française, Pierre Manceron, cuisinier audacieux mais orgueilleux, est limogé par son maître le duc de Chamfort. La rencontre d'une femme étonnante, qui souhaite apprendre l'art culinaire à ses côtés, lui redonne confiance en lui et le pousse à s'émanciper de sa condition de domestique pour entreprendre sa propre révolution. Ensemble, ils vont inventer un lieu de plaisir et de partage ouvert à tous : le premier restaurant. Une idée qui leur vaudra clients et des ennemis. TELERAMA: L’idée est forte en goût : broder sur la réalité historique de la création du premier restaurant, lieu de partage démocratique de la gastronomie, à l’aube de la Révolution française. La mise en scène d’Éric Besnard manque de légèreté quand elle lorgne vers Ridicule, de Patrice Leconte, pour croquer l’aristocratie, et le féminisme incarné par Isabelle Carré apparaît comme un ingrédient certes piquant mais un peu trop idéal dans cette peinture d’époque. Pour autant, le menu reste roboratif et plaisant grâce, en grande partie, à Grégory Gadebois, au talent si charnu. À l'aube de la Révolution Française, Pierre Manceron, cuisinier audacieux mais orgueilleux, est limogé par son maître le duc de Chamfort. La renco ... |
DUNE, Denis Villeneuve 2021, Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson (science fiction)@Paul Atreides, un jeune homme brillant et doué au destin plus grand que lui-même, doit se rendre sur la planète la plus dangereuse de l'univers afin d'assurer l'avenir de sa famille et de son peuple. TELERAMA Le cinéaste québécois signe une adaptation personnelle et convaincante du roman-monde de Frank Herbert. Mêlant science-fiction à grand spectacle et conte philosophique. Paul Atreides, un jeune homme brillant et doué au destin plus grand que lui-même, doit se rendre sur la planète la plus dangereuse de l'univers afin d'assurer l ... |
EMILY IN PARIS, Darren Star 2021, Lily Collins, Lucien Laviscount, Ashley Park (serie tv)@Emily Cooper, jeune directrice marketing à Chicago, est engagée dans une célèbre agence de marketing parisienne afin de mettre sa perspective américaine au service de ses futurs clients. TELERAMA Dans “Emily in Paris”, à voir sur Netflix, Darren Star, le créateur de “Sex & the City”, envoie une jeune Américaine (Lily Collins) candide refaire sa vie sentimentale dans la capitale française. Entre serveurs imbuvables, cigarettes à la salle de sport et séducteurs pédants, une série très sucrée et bourrée de stéréotypes… qu’on n’arrive pourtant pas à détester tout à fait. Dans les séries américaines, Paris ressemble souvent à une pub pour parfum avec loupiottes scintillantes et accordéons, marchés animés et cafés vintage en bord de Seine. Les personnages y prennent des lignes de métro imaginaires, passent de Bastille à Concorde au détour d’une rue, se déplaçant élégamment dans une carte postale qui n’a pas grand-chose à voir avec le quotidien de 90 % des habitants de la capitale. Les derniers épisodes de Sex & the City, en 2004, restent un sommet du genre, façon coulisses de fashion week. Son créateur Darren Star, amoureux de Paris, a décidé d’y tourner intégralement Emily in Paris, mise en ligne ce vendredi 2 octobre sur Netflix. L’héroïne, Emily Cooper (Lily Collins), est une jeune Chicagoane envoyée dans la capitale par son employeur, une puissante société de marketing pour l’industrie du luxe, et chargée d’inculquer les « bonnes manières » à sa branche parisienne. Au menu : pains au chocolat, incompréhensions linguistiques, clash culturel et romance. Une grosse meringue artificielle La bande annonce d’Emily in Paris nous préparait au pire. La série serait à n’en pas douter le punching-ball de la critique française, un sommet de hate watching, cette pratique qui consiste à regarder un programme pour le seul plaisir (pervers) d’en dire du mal. Sa première saison ne « déçoit » pas, la caricature grotesque de la capitale est bien au rendez-vous… Et pourtant, on peine à détester cette grosse meringue sérielle, artificielle de bout en bout, sauvée par l’énergie de l’écriture de Darren Star et le charisme de son interprète principale. On ne doute pas un instant de la sincérité du showrunner et de son amour pour Paris, où il réside dans les plus beaux hôtels, ne sortant jamais d’un périmètre allant du Panthéon (où habite Emily) à Opéra. Il s’amuse ici à y parachuter le cliché d’une Américaine – trop enthousiaste, trop souriante, trop entreprenante, trop premier degré... –, qui of course va joyeusement se casser les dents sur une population mondialement réputée pour sa mauvaise humeur. À Paris, tout le monde a une maîtresse Emily in Paris ressemble à un grand Loto des stéréotypes parisiens. Préparez-vous à cocher les cases : absence d’ascenseur, serveur désagréable, merde de chien sur les trottoirs, bidet dans la salle de bain, cigarettes jusqu’à la salle de sport, boulangerie rustique... La série bat des records quand elle s’attaque au mode de vie français vu d’Amérique : arrivée au bureau à 10h30, restaurant tous les soirs (« on travaille pour vivre, pas l’inverse », « sans plaisir, qui sommes-nous ? ») ; tout le monde a une maîtresse et c’est normal, les hommes sont des « séducteurs » pédants, clairement pas à jour sur #MeToo. Il faut un sacré sens du second degré et une bienveillance à toute épreuve envers nos amis d’outre-Atlantique pour garder ses nerfs. L’impressionnante garde-robe d’Emily, qui coûte certainement quelques centaines de milliers de dollars, n’a aucune chance de rentrer dans sa chambre de bonne. Autour d’elle, tout le monde est incroyablement beau, soit très riche, soit intellectuel, soit chef cuisinier, soit artiste. À un tel degré de caricature, on est contraint de lâcher prise... Contre toute attente, on se laisse pourtant convaincre par l’énergie de Lily Collins, rapidement « attachiante », et par l’interprétation globalement correcte d’une distribution essentiellement française, qui joue en « vrai » français et non dans la purée francophone que servent souvent les séries américaines. Côté clash des cultures, Emily in Paris est du niveau d’un débat lancé après quelques coupes de champagne au bar du Crillon. Mais un jeune public hexagonal en quête de sucrerie post-Gossip Girl y trouvera peut-être de quoi occuper un week-end pluvieux. Emily Cooper, jeune directrice marketing à Chicago, est engagée dans une célèbre agence de marketing parisienne afin de mettre sa perspective amé ... |
EN ATTENDANT BOJANGLES, Regis Roinsard 2021, Romain Duris, Virginie Efira (societe)@@Gary voit ses parents, Camille et Georges, danser tout le temps sur leur chanson préférée : "Mr. Bojangles" de la chanteuse américaine Nina Simone. Camille et Georges ont l'habitude de recevoir leurs amis chez eux, entre plaisir et fantaisie. Avec le temps, Georges et son fils voient que la maman va beaucoup trop loin. Elle va les contraindre à tout faire pour éviter l'inéluctable, coûte que coûte. TELERAMA: Camille (Virginie Efira) et Georges (Romain Duris) planent au-dessus des contingences de la vie. La seule qui vaille est celle qu’ils inventent ! Leur rencontre a tout d’un sketch délirant, leur première étreinte est une parade baroque, leur appartement, une scène de théâtre… Même leur progéniture, le petit Gary, semble d’abord une création, un lutin venu jouer son rôle dans ce monde de fantaisie. Le tourbillon est vertigineux, comme le vide qui s’ouvre parfois sous les pas de Camille, funambule en chef rattrapée par la gravité de l’existence… Ils nous touchent en plein cœur, les héros de ce film qui prend la forme d’un étonnant hymne à l’amour. Si excentriques soient-ils, Régis Roinsard sait les rendre proches de nous. Leur envie de célébrer le bonheur fait des étincelles. Leur joie tellement insensée qu’elle en devient folie menaçante donne des frissons. Tout est dans l’intensité, ludique ou dangereuse. Un beau programme que la caméra épouse en faisant battre cette histoire comme une musique, une valse exaltante, ondulante, changeante. Avec des décors rétro et colorés, la comédie à la Philippe de Broca n’est pas loin, et Romain Duris n’a assurément jamais été plus proche du Belmondo de L’Homme de Rio. En une composition plus étourdissante encore, Virginie Efira plonge d’un même élan dans le versant solaire et le versant sombre de son personnage. Peu à peu, ces contrastes scénarisés deviennent si extrêmes que la complicité du réalisateur avec les personnages ne suffit plus : l’épilogue ne convainc qu’à moitié. Mais se trouver démuni face à la fin de toute chose, c’est bien le sujet d’En attendant Bojangles. Gary voit ses parents, Camille et Georges, danser tout le temps sur leur chanson préférée : "Mr. Bojangles" de la chanteuse américaine Nina Si ... |
FRANCE, Bruno Dumont 2021, Lea Seydoux, Benjamin Biolay film complet)Chronique de la vie frénétique d'une jeune journaliste vedette de la télévision, prise entre la célébrité et une spirale d'événements qui entraîneront sa chute. TELERAMA Avec ce portrait au vitriol d’une journaliste star, jouée par Léa Seydoux, Bruno Dumont entend dénoncer le narcissisme et le sensationnalisme contemporains, promus par le monde médiatique et les réseaux sociaux. Un film ne s’intitule pas innocemment France, quand bien même ce mot est le prénom de l’héroïne : notre société s’y annonce d’emblée comme thème principal. Cinéaste reconnu, Bruno Dumont reste pourtant un auteur non réconcilié, non conforme et non correct : comme portrait du pays, le tableau, au style violemment dissonant, est peu flatteur. Nous voilà dans un microcosme, une bulle : la cour d’une star de l’information en continu, alternant reportages chocs, sans aucune déontologie, et débats manichéens en studio. Ce petit monde médiatique hors-sol impose partout sa vision, modelant les représentations, l’imaginaire, et jusqu’à la réalité même. Or le personnage de France ne semble n’avoir été inventé que pour être mis à l’épreuve et découvrir l’envers abyssal de sa propre image. Il y aura d’abord un accident de la circulation, où sa responsabilité sera établie. Puis d’autres drames, à chaque fois décuplés par le chœur des réactions en ligne, avec descente aux enfers et rédemption programmées. Derrière le jeu de massacre : l’inquiétude morale, grande affaire du réalisateur, dont le métier fut d’enseigner la philosophie. Le succès tapageur de la vedette et son arrogance laissent ainsi apercevoir en elle des gouffres de doute, d’insatisfaction et d’angoisse, qui rendent son itinéraire complexe et nous attachent à elle, malgré tout. Dans les rouages d’un système sans âme, Bruno Dumont traque une part irréductible de nos consciences, un espoir infime de ressaisissement qui rappellent le titre d’un de ses premiers films : L’Humanité. Chronique de la vie frénétique d'une jeune journaliste vedette de la télévision, prise entre la célébrité et une spirale d'é ... |
JACKPOT, Emily Atef 2020, Rosalie Thomass, Friedrich MuckeUne femme trouve un sac contenant plus de 600 000 euros dans une voiture. Elle prend l'argent. Il y a quelqu'un à qui l'argent manque. L'homme est dangereux, il ne fait pas de compromis et ne paie pas de commission d'intermédiaire. TELERAMA Employée dans une fourrière automobile, Maren, qui a déjà été condamnée pour plusieurs vols, trouve dans une voiture tout juste saisie un sac contenant plus de 600 000 euros en espèces. Incapable de résister à la tentation, elle s'empare de cet argent tombé du ciel et le rapporte chez elle. Elle voit dans le pactole l'espoir de payer la rééducation de son mari Dennis, cloué dans un fauteuil roulant depuis un accident de travail. Malheureusement pour ce couple soudé, le propriétaire du magot, un truand nommé Henning, est prêt à tout pour le récupérer et offrir enfin à son épouse et à leur petite fille la vie prospère et tranquille dont ils rêvent tous les trois. Un jeu du chat et de la souris s'engage alors entre Maren et lui. Une femme trouve un sac contenant plus de 600 000 euros dans une voiture. Elle prend l'argent. Il y a quelqu'un à qui l'argent manque. L'homme est dangereux, il ne fait pas ... |
JULIE EN 12 CHAPITRES, Joachim Trier 2021, Renate Reinsve, Anders Danielsen LieJulie va bientôt avoir 30 ans et sa vie est un véritable chaos. Elle a gâché son talent et son ami plus âgé Aksel, un dessinateur à succès, veut qu'ils fondent une famille. Un soir, alors que Julie se faufile à une fête, elle fait la connaissance d'Eivind, un homme plus jeune et plus charmant. Elle se sépare d'Aksel et se lance dans une nouvelle relation dans l'espoir d'une nouvelle perspective de vie. Mais elle doit se rendre à l'évidence : certains choix de vie sont déjà derrière elle. TELERAMA Les joies, les lubies et les amours d’une trentenaire aussi solaire que mélancolique. Une comédie romantique et poétique, qui ne manque pas de mordant. Avec la révélation Renate Reinsve, lauréate du prix d’interprétation féminine en 2021 à Cannes. Allant et grâce poétique. Ce sont les qualités premières de cette comédie romantique et littéraire. La Julie du titre est dépeinte à travers douze chapitres, comme dans un roman. Douze moments qui englobent plusieurs années de son existence, autour de la trentaine. Dans le prologue, on apprend que la demoiselle était dans sa jeunesse une étudiante brillante, qui a suivi des études de médecine puis, insatisfaite, a changé de branche, en voulant devenir psychologue. Avant de changer à nouveau pour se lancer dans la photographie. Une pointe d’ironie filtre, laissant deviner une touche-à-tout qui papillonne, ne sachant pas exactement ce qu’elle veut. C’est à la fois vrai et faux. Les facettes de Julie sont multiples. Joachim Trier fait d’elle un portrait psychologique et sentimental subtil, à travers son travail, ses liens de famille et surtout deux histoires d’amour successives. Le film est parfois mordant, proche de la satire sociologique. Mais il s’attache surtout à explorer la vie intérieure de Julie. Un être de contradictions. Qui brave la pression sociale l’astreignant à être mère mais peine à s’accomplir. Qui a du talent dans l’écriture mais renonce à le capitaliser. Un personnage solaire et mélancolique, indissociable de Renate Reinsve, révélation pleine de sensualité, Prix d’interprétation à Cannes, qu’on ne se lasse pas de suivre dans ses déambulations, à travers le temps et la ville aérée d’Oslo. Captivant et fluide, Julie (en 12 chapitres) bascule dans son dernier tiers, offrant soudain une partition plus grave. Joachim Trier se refuse pourtant à toute noirceur, préférant se tourner du côté d’une sagesse qui n’a rien de mièvre. Bien malin qui peut dire à la fin si le trajet de Julie aboutit à une forme de gâchis. Ou à l’épanouissement discret et neuf d’un dandysme au féminin. Julie va bientôt avoir 30 ans et sa vie est un véritable chaos. Elle a gâché son talent et son ami plus âgé Aksel, un dessinateur à su ... |
L HOMME DE LA CAVE, Philippe Le Guay 2021, Francois Cluzet, Jeremie Renier, Berenice Bejo (thriller psychologique shoah)@Simon et Hélène décident de vendre la cave de leur appartement. Un accord de vente est signé avec un certain M. Fonzic. Comme Simon est du genre à faire confiance, il donne les clés à l’acquéreur avant la rédaction de l’acte notarial. Quand il réalise que non seulement l’homme habite dans la cave, mais que cet ex-professeur d’histoire a été radié de l’Éducation nationale pour propos négationnistes, il est trop tard : la bête immonde s’est installée dans sa vie et n’a pas l’intention d’être délogée… TELERAMA Philippe Le Guay surprend en s’attaquant à un sujet qui résonne tristement avec l’actualité : la falsification de l’Histoire et son corollaire, le complotisme. Les forces sont en place pour un thriller psychologique où l’auteur des Femmes du 6e étage filme parfaitement l’angoisse d’une famille désarmée face à un individu malveillant, habitué à semer un doute nauséabond dans les esprits et à se victimiser. Le réalisateur fait habilement circuler sa mise en scène dans l’immeuble, entre décors, en hauteur, du bonheur rongé par la vermine, et ce sous-sol où une simple chaudière devient un monstre tapi dans l’ombre. Il faut l’avouer : elle s’avère un peu trop insistante, répétitive et lourdement métaphorique… Et François Cluzet lui-même en rajoute dans l’ignominie mielleuse, tête baissée et rage rentrée jusqu’à l’explosion finale — un révisionniste, hélas, n’a pas forcément l’allure d’un taré pitoyable. Simon et Hélène décident de vendre la cave de leur appartement. Un accord de vente est signé avec un certain M. Fonzic. Comme Simon est du genre à ... |
LA LOI DE TEHERAN, Saeed Roustayi 2021En Iran, la sanction pour possession de drogue est la même que l'on ait 30 g ou 50 kg sur soi : la peine de mort. Dans ces conditions, les narcotrafiquants n'ont aucun scrupule à jouer gros et la vente de crack a explosé. Bilan : 6,5 millions de personnes ont plongé. Au terme d'une traque de plusieurs TELERAMA Regorgeant d’idées de mise en scène, ce long métrage singulièrement efficace décrit une réalité insoupçonnée – la drogue fait des ravages en Iran –, entre enquête policière, film-dossier et drame social. Un choc. le cinéma iranien ne nous a pas habitués à ça. Un flic replet, vite à bout de souffle, cavale après un dealer dans un dédale de ruelles, croit le coincer, puis le perd, ignorant que le criminel volatil vient en fait d’être enseveli vivant sur un chantier… Après cette sidérante entrée en matière, Saeed Roustaee, talentueux trentenaire à qui l’on doit Leila et ses frères, réalisé depuis, déroule un polar riche en ruptures de ton. On s’attache d’abord à un policier des stups acharné à démanteler un réseau de trafiquants. Il procède méthodiquement, remontant la chaîne maillon par maillon, du consommateur — images folles d’accros au crack entassés en famille dans des cylindres de béton destinés à la construction — au grossiste. Descentes, arrestations, interrogatoires… un parcours miraculeusement décapé de ses clichés par la découverte d’une réalité insoupçonnée (l’Iran compte 6,5 millions de toxicomanes, selon le carton final), le foisonnement et l’épaisseur des personnages, l’abondance de dialogues. Une mise en scène étourdissante Cette manière d’« Iranian Connection » ne s’arrête pas une fois les bandits derrière les barreaux. On les accompagne dans une cellule surpeuplée, théâtre sordide où le « gros poisson » ferré par le héros accapare le devant de la scène. La Loi de Téhéran plonge alors dans les arcanes d’une justice impitoyable — que l’on détienne 5 grammes ou 500 kilos de drogue, c’est la peine de mort assurée — et le constat d’une misère sociale désespérante. Entre suspense, drame et film-dossier, on retient des scènes bouleversantes, comme lorsqu’un petit garçon tout fier improvise une démonstration de gymnastique au parloir de la prison, en guise d’adieu à son oncle sur le point d’être exécuté. Une œuvre gorgée d’idées de mise en scène et singulièrement efficace. En Iran, la sanction pour possession de drogue est la même que l'on ait 30 g ou 50 kg sur soi : la peine de mort. Dans ces conditions, les narcotrafiquants n'ont aucun scrupu ... |
LA PLACE D UNE AUTRE, Aurélia Georges, 2021, Sabine Azema (guerre)@@@ (film complet)Paris, 1914. Pour échapper à la prostitution, la jeune Nélie Laborde s’engage comme auxiliaire de la Croix-Rouge. Témoin de la mort de Rose, une consœur de son âge attendue à Nancy comme lectrice auprès d’Éléonore de Lengwii, une riche bourgeoise de province, elle usurpe son identité. Devenue Rose, elle prend peu à peu ses marques dans la maisonnée, emplie de gratitude pour la maîtresse des lieux qui s’attache à elle. Mais un soir, la véritable Rose fait irruption et réclame la place qui lui était promise… Paris, 1914. Pour échapper à la prostitution, la jeune Nélie Laborde s’engage comme auxiliaire de la Croix-Rouge. Témoin de la mort de Rose, une c ... |
LES FANTASMES, Stéphane et David Foenkinos 2021, Monica Bellucci, Carole Bouquet, Nicolas Bedos, Karin Viard, Josephine Japy, Denis Podalydes (societe)@@Face à leurs fantasmes, six couples tentent d'explorer les faces cachées de leur vie intime. Six questionnements sur l'accès au plaisir. Du jeu de rôle à l'abstinence, en passant par l'exhibition, ces histoires parallèles abordent le thème du désir des uns et des autres, ainsi que ses manifestations de nos jours. TELERAMA Six couples, six fantasmes sexuels, de l’hypophilie à l’autagonistophilie… Des mots compliqués pour parler de « déviances » plus ou moins étonnantes ou connues, comme être excité quand l’autre pleure ou par le fait d’être regardé (on est loin des films Titane ou Crash…). Les frères Foenkinos (Jalouse) lorgnent du côté de Dino Risi et de ses Monstres, sans jamais atteindre le niveau de tragique et de cruauté du film à sketchs italien. Car ils semblent empêtrés par toutes les stars qu’ils ont convoquées et à qui le scénario n’offre que des situations superficielles. Pourtant, tourné en 2020, entre les deux confinements, Les Fantasmes avait de la matière à creuser (qu’est-ce qu’aimer dans un monde aseptisé ?, comment se désirer et se toucher par temps de pandémie ?…), mais il reste terriblement déconnecté de l’air du temps et pauvrement anecdotique. Finalement, le comble de ce film qui se veut chic, avec sa pléiade de vedettes, et osé avec ses histoires scabreuses, c’est que le sketch le plus réussi met en scène les tout jeunes et pas encore devenus stars William Lebghil et Joséphine Japy qui sont, eux, excités par… l’abstinence ! Il aurait été alors malin de finir sur cet épisode où le plaisir surgit du renoncement (et de la distanciation sociale !), pour donner un sens très actuel et plus profond à l’ensemble. Face à leurs fantasmes, six couples tentent d'explorer les faces cachées de leur vie intime. Six questionnements sur l'accès au plaisir. Du jeu de rôle & ... |
LES INTRANQUILLES, Joachim Lafosse 2021, Leïla Bekhti, Damien Bonnard (drame societe)@@@Leïla, mère de famille, se bat au quotidien pour tenter de sauver le couple qu'elle forme avec Damien, un mari bipolaire. Ils s'aiment profondément, mais les effets de la maladie se ressentent durement dans leur quotidien. Il tente de poursuivre sa vie avec elle sachant qu'il ne pourra peut-être jamais lui offrir ce qu'elle désire. TELERAMA Le bonheur d’une famille se délite sous l’effet de la bipolarité du père. Un film intense, inspiré par les souvenirs d’enfance du cinéaste. Que peut l’amour contre plus fort que lui ? C’est, davantage que la maladie mentale en elle-même, la question centrale du long métrage présenté en compétition à Cannes, possiblement le meilleur de Joachim Lafosse à ce jour. Le réalisateur belge s’intéresse depuis ses débuts à l’éclatement de la famille ( Nue propriété en 2006, L’Économie du couple en 2016) mais aussi à la manipulation et à la toxicité ( Élève libre en 2008, À perdre la raison en 2012). Peut-être parce qu’il s’inspire ici de ses souvenirs d’enfance (son père est bipolaire) sans les tenir trop à distance, il signe avec Les Intranquilles un film moins clinique, moins froidement acéré qu’à l’accoutumée. Sa mise en scène, pourtant, reste impitoyable dans l’art de dépeindre le délitement du clan et l’usure des sentiments. Sous des cieux apparemment radieux, les joies les plus simples se colorent ainsi de malaise, de danger, voire de honte pour Amine (formidable Gabriel Merz Chammah, petit-fils d’une certaine Isabelle Huppert). Les hauts et les bas de Damien transforment le quotidien en grand huit infernal et Leïla, en infirmière malgré elle. L’amoureuse sensuelle vire vigie et virago, répétant à son fils « Ne t’inquiète pas, ça va aller » comme un mantra auquel personne ne croit. Quand Damien exulte, elle se rembrunit, et vice versa. Imprévisible, fiévreux ou abattu, Damien Bonnard excelle en homme luttant pour ne pas se dissoudre dans le lithium, et Leïla Bekhti, constamment sur le qui-vive, bouleverse en victime collatérale. Que peut l’amour ? Tout, rien, pas assez. Leïla, mère de famille, se bat au quotidien pour tenter de sauver le couple qu'elle forme avec Damien, un mari bipolaire. Ils s'aiment profondément, mais les eff ... |
LES OLYMPIADES, Jacques Audiard 2021, Lucie Zhang, Makita Samba, Noemie Merlant (societe)@@Paris 13e, quartier des Olympiades. Emilie rencontre Camille, qui est attiré par Nora, qui elle-même croise le chemin de Amber. Trois filles et un garçon. Ils sont amis, parfois amants, souvent les deux. TELERAMA Jacques Audiard signe une comédie voluptueuse doublée d’un conte moral, à l’esprit Nouvelle Vague. Fini la malédiction de la violence. La douceur a pris le relais, et même ses aises, à l’image de cette jeune odalisque nue et détendue, qui chante micro à la main sur son canapé, à côté de son amant. C’est le prologue des Olympiades, comédie voluptueuse doublée d’un conte moral. Soit un sacré virage dans la carrière de l’auteur du Prophète et des Frères Sisters, la collaboration au scénario de Céline Sciamma et Léa Mysius (réalisatrice d’Ava et scénariste de Desplechin) expliquant peut-être cela. Comme l’annonce le titre, le décor est le quartier géométrique des Olympiades, dans le 13e arrondissement de Paris, avec ses tours, autour desquelles la caméra plane. Derrière chaque fenêtre, des personnes vivent, font l’amour, se sentent seules, espèrent. Le film en élit quatre, dont il entrecroise les destins. Ce sont de jeunes adultes. Trois filles et un garçon, cultivés mais pas installés. Qui se cherchent en cherchant l’amour. La première qui émerge est la chanteuse, Émilie (Lucie Zhang). Une jolie Franco-Chinoise vive et sagace, qui a fait Science-Po mais se coltine un boulot pénible de vendeuse dans un centre d’appels. Elle a mis une annonce pour partager son appartement avec une colocataire. Mais c’est un Camille au masculin qui se présente (Makita Samba), prof de lycée. Elle refuse le candidat, se ravise puis passe rapidement au lit avec lui. Libres, décomplexés, Émilie et Camille sont du genre à coucher d’abord et à discuter ensuite. Le sexe, la séduction et le discours amoureux, voilà l’attrait de ce marivaudage, qui propose une forme de sensualité neuve. Un érotisme qui se glisse autant dans les dialogues que dans les scènes d’amour stricto sensu, charnelles mais aussi très pensées, chorégraphiées, différentes… Pour Nora (Noémie Merlant), le désir et le plaisir vont moins de soi. Cette jeune provinciale, un peu naïve et burlesque, qui travaillait dans l’immobilier à Bordeaux, a décidé de reprendre des études, à la fac de Tolbiac. À peine arrivée, elle est victime de cyberharcèlement à la suite d’une méprise. Elle retrouve Amber Sweet, la fille blonde (Jehnny Beth), prostituée à distance sur le Net, avec laquelle on l’a confondue. En ligne, toutes deux entament un dialogue, régulier, sans caractère sexuel, où chacune se livre, raconte ses expériences vécues. Des affinités affleurent. À travers ce quatuor de personnages, Jacques Audiard dessine avec beaucoup d’élégance une carte du tendre, contemporaine et atemporelle. Il y a quelque chose d’aérien et de fluide dans sa manière de passer d’un protagoniste à l’autre, de l’amitié à l’amour, sans se départir d’un ancrage social précis, à savoir le quotidien multiracial du Paris d’aujourd’hui. Le film parle de sentiments mais parvient aussi, sans s’appesantir, à évoquer les galères de travail et de logement, le rôle de l’entourage. Par petites touches, il saisit les liens d’Émilie avec sa mère, sa grand-mère et la communauté chinoise. Idem du côté de Camille, dont la petite sœur arrive à surmonter son problème de bégaiement grâce au stand-up. De l’humour, il y en a. Une tournure d’esprit que les quatre comédiens offrent avec une fraîcheur confondante, faisant rimer légèreté, sex-appeal, intelligence sensible. Il est d’ailleurs troublant qu’à travers eux, via le noir et blanc satiné et les intrigues de cœur, Les Olympiades rappelle l’esprit d’une famille qui semblait éloignée de Jacques Audiard : celle de la Nouvelle Vague. On a cru un instant reconnaître Delphine Seyrig en Noémie Merlant, on a pensé à Rohmer et Truffaut. Le film se termine sur un évanouissement digne de La Femme d’à côté ou de Stendhal. Autant dire que le romantisme n’est pas mort. Paris 13e, quartier des Olympiades. Emilie rencontre Camille, qui est attiré par Nora, qui elle-même croise le chemin de Amber. Trois filles et un garçon. Ils s ... |
MADRES PARALELAS, Pedro Almodóvar 2021, Penelope Cruz, Milena Smit (societe)@@@Deux femmes, Janis et Ana, se rencontrent dans une chambre d'hôpital, sur le point d'accoucher. Elles sont toutes les deux célibataires et sont tombées enceintes par accident. Janis, d'âge mûr, n'a aucun regret et durant les heures qui précèdent l'accouchement, elle est folle de joie. Ana en revanche, est une adolescente effrayée, pleine de remords et traumatisée. Janis essaie de lui remonter le moral alors qu'elles marchent telles des somnambules dans le couloir de l'hôpital. TELERAMA Avec “Madres paralelas”, le roi Pedro joue une nouvelle fois avec nos émotions. La géométrie simple suggérée par le titre cache bien des zigzags autour de ces deux « mères parallèles », l’une quadragénaire, l’autre à peine sortie de l’adolescence. Après leur rencontre dans une maternité de Madrid et leurs accouchements simultanés, elles éprouveront, en effet, toutes sortes de sentiments aigus l’une pour l’autre. Et une tragédie viendra briser, au milieu du film, la symétrie apparente de leurs trajectoires. Depuis longtemps, chez Pedro Almodóvar, la surface est trompeuse. L’image reste séduisante, la lumière, flatteuse, et les décors, accueillants, mais la mélancolie et le chaos couvent. Malgré un travail de photographe pour papier glacé et un magnifique appartement, la vie de Janis (Penélope Cruz) baigne ainsi dans une indéfinissable tristesse, une inquiétude diffuse. La mère célibataire gère son quotidien (femme de ménage, nounou à domicile ) avec froideur. Elle s’est accommodée de la perspective d’élever seule son enfant, puisque le père, amant désiré, n’était pas libre. Et voici qu’elle se met à douter, comme cet homme, revu de loin en loin, que le bébé soit véritablement le sien. La belle Janis sourit peu, comme si la méfiance et l’intranquillité l’avaient submergée. Enterrer les morts et réparer les vivants C’est que l’Espagne dépeinte par le cinéaste n’en finit pas de panser les plaies causées par des décennies de franquisme, jusqu’au milieu des années 70. Pays non réconcilié, puisque l’ancien dictateur a toujours des fans, mais surtout meurtri. L’arrière-plan très présent de Madres paralelas et la hantise de Janis sont la fosse commune où furent jetés certains de ses aïeux par des phalangistes, près de son village. Depuis, une loi d’amnistie invitant les Espagnols à un « pacte de l’oubli » (en 1977) a rendu difficile ou impossible l’ouverture de telles fosses. Janis se bat pour faire déterrer les victimes et les rendre à leurs familles. Un juriste et anthropologue en position de l’aider est ainsi apparu dans sa vie — et devenu le père supposé de son enfant. Le thème de la restitution, Almodóvar le développe aussi au premier plan, et au présent, à travers l’histoire d’un échange malencontreux des deux bébés à la maternité. Contre toute attente, le réalisateur issu de la Movida, et chantre, alors, des familles électives, biscornues, fondées sur les seules affinités, signe donc, aujourd’hui, un éloge des liens du sang : tout le film tend à ramener chacun(e), vivant ou mort, auprès de sa famille biologique, d’une manière ou d’une autre. Mais ce mouvement n’a rien d’un repli. Il tient davantage d’un nécessaire travail de mémoire, de connaissance de soi et des autres. Milena Smit, une héritière de la Movida L’articulation, passablement rocambolesque, entre les deux intrigues peut apparaître comme un point faible de Madres paralelas : l’échange de nourrissons évoquerait, en creux, les trafics de bébés organisés avec la complicité de l’État sous Franco. Or ce parallèle-là n’est jamais explicité par les personnages. Si le film n’a pas tout le temps l’éclat magique des deux précédents longs métrages d’Almodóvar (Julieta, Douleur et gloire), il reste un modèle d’intensité. Le destin en marche, le tragique des existences s’y expriment comme chez bien peu de cinéastes aujourd’hui, remarquablement incarnés par Penélope Cruz (prix d’interprétation féminine à la Mostra de Venise) et ses partenaires, moins connus (Milena Smit, la jeune mère, Israel Elejalde, l’anthropologue). Tous s’acheminent vers un tableau final inoubliable, aussi bouleversant que réparateur. Deux femmes, Janis et Ana, se rencontrent dans une chambre d'hôpital, sur le point d'accoucher. Elles sont toutes les deux célibataires et sont tombées enceinte ... |
MOURIR PEUT ATTENDRE, Cary Joji Fukunaga 2021, Daniel Craig, Lea Seydoux (policier)(James Bond)@@James Bond a quitté les services secrets et coule des jours heureux en Jamaïque. Mais sa tranquillité est de courte durée, car son vieil ami Felix Leiter de la CIA débarque pour solliciter son aide : il s'agit de sauver un scientifique qui vient d'être kidnappé. Mais la mission se révèle bien plus dangereuse que prévu et Bond se retrouve aux trousses d'un mystérieux ennemi détenant de redoutables armes technologiques.. James Bond a quitté les services secrets et coule des jours heureux en Jamaïque. Mais sa tranquillité est de courte durée, car son vieil ami Felix Leiter ... |
OUISTREHAM, Emmanuel Carrère 2021, Juliette Binoche, Hélène Lambert (societe)@@@Marianne Winckler, écrivaine reconnue, entreprend un livre sur le travail précaire. Elle s'installe près de Caen et, sans révéler son identité, rejoint une équipe de femmes de ménage. Confrontée à la fragilité économique et à l'invisibilité sociale, elle découvre aussi l'entraide et la solidarité qui unissent ces travailleuses de l'ombre. TELERAMA Vivre la vie d’une femme de ménage, quelques mois, telle fut l’expérience de Florence Aubenas, relatée dans son livre Le Quai de Ouistreham, en 2010. Qu’Emmanuel Carrère signe l’adaptation ajoute une dimension à la fois troublante et évidente. D’une part, il a écrit autrefois le récit d’une longue imposture — L’Adversaire, en 2000, sur l’affaire Jean-Claude Romand. D’autre part, il a réfléchi à la possibilité de se mettre à la place de ceux qui souffrent le plus dans D’autres vies que la mienne (2009). Immense Juliette Binoche Dès que Marianne (la Aubenas de la fiction) se retrouve intégrée à une brigade de nettoyage de ferries trans-Manche, le cinéaste fait entrer en résonance une multitude de détails concrets (du vocabulaire de l’encadrement à la saleté nauséabonde des lieux à nettoyer, en passant par les douleurs physiques causées par le travail) qui disent crûment l’exploitation, l’humiliation, la relégation. Ce monde d’aubes glacées, de trajets épuisants, est d’autant plus vrai que s’y expriment, par ailleurs, une solidarité, une entraide. Les collègues de Marianne finissent par s’attacher à cette femme plus âgée qu’elles, sans liens ni perspectives. La simulatrice, qui ambitionne de rendre visibles les invisibles du ferry, est aussi une traîtresse en puissance : elle trompe la confiance de ses nouvelles amies. Cette contradiction et l’hypothèse d’être démasquée font l’objet d’un suspense au fur et à mesure que Marianne s’identifie à son « personnage » : on devient qui on imite. Au livre d’origine, le film superpose enfin une « couche » supplémentaire de jeu, le travail d’une grande actrice. Dans l’épure totale, entourée de non-professionnels remarquables, Juliette Bionche trouve là l’un de ses rôles les plus marquants. Marianne Winckler, écrivaine reconnue, entreprend un livre sur le travail précaire. Elle s'installe près de Caen et, sans révéler son identit&eac ... |
POURRIS GATES, Nicolas Cuche 2021, Gerard Jugnot, Camille LouParesseux, capricieux, fêtards, les trois enfants de l'homme d'affaires Francis Bartek ne font rien de leur vie, à part dépenser l'argent que leur père a durement gagné. Lassé par leur comportement, celui-ci leur fait croire qu'ils sont totalement ruinés, les forçant ainsi à faire l'impensable: travailler. TELERAMA Une comédie familiale poussive en forme de “leçon de vie”. Hormis l’abattage d’Artus, tout y est péniblement prévisible et formaté pour la télévision. Tout est dans le titre : cette comédie familiale raconte la rééducation de trois trentenaires parasites auxquels leur père, maçon devenu millionnaire à Monaco à la force de sa truelle (rires), fait croire qu’il est ruiné… Une « leçon de vie » à la gloire de l’entrepreneuriat et de la valeur travail… Paresseux, capricieux, fêtards, les trois enfants de l'homme d'affaires Francis Bartek ne font rien de leur vie, à part dépenser l'argent que leur père a ... |
REMINISCENCE, Lisa Joy 2021, Hugh Jackman, Rebecca FergusonDans un Miami en partie submergé par la montée des eaux, un détective « médiumnique » (Hugh Jackman) propose à ses clients de revivre leurs plus chers souvenirs ou de retrouver ceux qu’ils ont perdus… Quand surgit une femme fatale venue des bas-fonds de la ville, et qui prétend vouloir seulement retrouver ses clés, tout bascule. TELERAMA Miami est envahi par les eaux, et les humains sont prêts à payer cher pour revivre ou retrouver leurs souvenirs les plus enfouis... Un film rétro-futuriste à la narration plutôt convenue, mais à l’atmosphère envoûtante. Dans un Miami en partie submergé par la montée des eaux, un détective « médiumnique » (Hugh Jackman) propose à ses clients de revivre ... |
SERRE MOI FORT, Mathieu Amalric 2021, Vicky Krieps, Arieh Worthalter (sentimental)@@Parce qu'il lui est insupportable d'être quittée par ceux qu'elle aime, Clarisse quitte le domicile conjugal, laissant son mari Marc élever seul leurs deux enfants. TELERAMA Par un matin calme, Clarisse (renversante Vicky Krieps) abandonne son monde endormi, le mari, les deux enfants, la maison aux volets bleus. La belle échappée met le cap sur la mer au volant d’une curiosité américaine, une AMC Pacer break de 1979, tandis que le montage révèle en parallèle son désormais hors-champ : la tribu qui s’éveille, se presse autour du petit déjeuner, craint d’arriver en retard à l’école… La vie qui va sans elle. Entre rêve et réalité La mise en scène déchire progressivement un voile de tristesse : Clarisse invente. Son fils qui la réclame, les progrès de la grande au piano, son époux qui fait des crêpes, les scènes du quotidien où ceux qui restent continuent d’exister loin de son regard, puisqu’elle est « partie ». Tout se passe dans sa tête. Et rien, à la surface du film, ne différencie la réalité du rêve. On pense au cinéma d’Alain Resnais, quelque part entre Je t’aime, je t’aime et Smoking/No Smoking, devant cet éclatement devenu familier chez Mathieu Amalric, qui brouillait déjà les temporalités dans La Chambre bleue (2014) et signait, avec Barbara (2017), un envoûtant antibiopic aux miroitements de kaléidoscope. Tiré d’une pièce de Claudine Galea, Serre-moi fort l’emmène cette fois sur les cimes assumées du mélodrame — sortez les mouchoirs ! — et le confirme en guide de haute voltige. Son héroïne au cœur glacé attend le dégel en se fabriquant des souvenirs du futur, spectatrice de projections intérieures peuplées d’absents chéris. Bouleversant. Parce qu'il lui est insupportable d'être quittée par ceux qu'elle aime, Clarisse quitte le domicile conjugal, laissant son mari Marc élever seul leurs deux enfa ... |
THE KING S MAN Premiere mission, Matthew Vaughn 2021, Ralph Fiennes, Gemma Arterton (espionnage)@Lorsque les pires tyrans et génies criminels de l'Histoire se réunissent pour planifier l'élimination de millions d'innocents, un homme se lance dans une course contre la montre pour contrecarrer leurs plans. On découvre les origines de la toute première agence de renseignement indépendante. TELERAMA Pour ce troisième volet de la série Kingsman, le Britannique Matthew Vaughn reconduit la piquante formule mise au point à la fin des années 1990 avec son compatriote Guy Ritchie, quand les deux dépoussiéraient la comédie policière à grand renfort de violence parodique sur les traces de Tarantino. Espionnage et tweed sont toujours au menu de cet opus racontant la genèse de la saga sur fond de Première Guerre mondiale. Ayant échoué à empêcher l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo, un aristocrate (Ralph Fiennes) met sur pied un réseau d’espions dans la boutique d’un tailleur londonien, pour contrecarrer le complot d’un génie du mal. Porté par une distribution aux petits oignons, ce film à grand spectacle passe l’Histoire à la moulinette avec un mauvais goût et une décontraction assez réjouissants. À l’image de ce duel homoérotique étiré jusqu’au malaise qui oppose le héros à Grigori Raspoutine – le toujours parfait Rhys Ifans, qu’on ne s’attendait pas à trouver dans une production Disney. Lorsque les pires tyrans et génies criminels de l'Histoire se réunissent pour planifier l'élimination de millions d'innocents, un homme se lance dans une cours ... |
TITANE, Julia Ducournau 2021, Vincent Lindon, Agathe RousselleUn homme soutenant être un enfant ayant disparu il y a plus de 10 ans auparavant est réuni avec son père, un ancien pompier instable dans la vie. Il est ramené par les inspecteurs de la douane dans un aéroport; or, son arrivée coïncide avec une série de crimes inexpliqués dans la région. TELERAMA Cinq ans après “Grave” Julia Ducournau recréait un univers mutant ultraviolent et glaçant. Sacré meilleur film de la compétition à Cannes en 2021, cette Palme d’or divise la rédaction de Télérama. POUR Alexia (Agathe Rousselle) n’aime pas les humains, les tue mécaniquement telle une Terminator blonde et tatouée, et ne frissonne que contre la carrosserie froide des voitures. Vincent, lui (Vincent Lindon), se consume de chagrin tant cet officier des sapeurs-pompiers a besoin de donner son amour à un prolongement de lui-même. Rencontre entre deux désaxés qui pourrait bien engendrer une nouvelle humanité… En 2016, Julia Ducournau s’imposait, d’emblée, avec Grave, son premier long métrage, où elle malaxait tranquillement les attendus du genre horrifique. Titane, Palme d’or à Cannes en 2021, les réduit en cendres, dépassant toutes les bornes, pour une expérience où les codes et stéréotypes explosent les uns contre les autres. Chaque séquence – plusieurs réclament d’avoir le cœur bien accroché – hurle sa foi dans la puissance de la mise en scène, avec une cinéaste qui ose se poser en nouveau démiurge, capable de faire fusionner des matières contraires, métal, cambouis, flammes et larmes. Avec son « couple » de Titans au genre neuf et non identifié, Julia Ducournau accouche d’un film sur le pouvoir, violemment transformiste, de l’amour. — G. O. CONTRE Avant tout, c’est un problème de véhicule. On ne parle pas de cette voiture hantée, comme la Christine de John Carpenter, lieu d’une torride déviance à l’huile de moteur, comme dans Crash, de David Cronenberg. Non, le vrai « véhicule », c’est Alexia. Machine de guerre inexorable, verrouillée, et surtout blindée de concepts : transhumanisme, transgenre, pulsions de mort… Elle est l’animal et la machine, la tueuse en série, la prédatrice et la proie, la mère et l’enfant… Et en oublie d’être un personnage dans ce récit indigeste, étouffant de virtuosité froide, trop lourd pour ses ambitions. — C. M. Un homme soutenant être un enfant ayant disparu il y a plus de 10 ans auparavant est réuni avec son père, un ancien pompier instable dans la vie. Il est ramen&e ... |
TRE PIANI, Nanni Moretti 2021, Margherita Buy, Riccardo Scamarcio (drame)@@Lucio et Sara, habitent au rez-de-chaussée de l'immeuble. Ils confient souvent leur fille de sept ans, Francesca, à leurs voisins de palier âgés, Giovanna et Renato. Dans l'appartement du dessus, Monica, épouse de Giorgio constamment à l'étranger pour son travail, va devenir mère et lutte contre la solitude. Au dernier étage vivent Dora et Vittorio, tous deux magistrats, et leur fils de vingt ans, Andrea. Ce dernier, qui a renversé une femme, demande l'aide de ses parents. TELERAMA Un accident bouleverse la vie d’un immeuble romain. Avec ce récit en trois époques, Nanni Moretti est plus sombre que jamais, mais toujours émouvant. Même s’il est allé puiser dans la littérature, c’est sans doute à la densité narrative des séries que Nanni Moretti entend se confronter, avec ces intrigues croisées, riches en personnages et en rebondissements. On suit, en trois époques, la vie des habitants d’un bel immeuble de Rome — dans le roman adapté, Trois Étages, de l’Israélien Eshkol Nevo, l’histoire se déroulait à Tel-Aviv. Il y a d’abord le choc et l’effroi d’un accident, une nuit : un adolescent de l’immeuble, ivre au volant, renverse une passante enceinte, défonce un mur de briques de verre du rez-de-chaussée et finit sa course dans un appartement. Les conséquences de ce drame sont multiples : l’affrontement destructeur entre l’adolescent coupable d’homicide involontaire et ses parents, tous deux magistrats ; le soupçon d’agression sexuelle contre une fillette par un voisin de palier retraité à qui elle avait été confiée pendant les événements ; un idylle transgressive entre le père de cette enfant et la petite-fille encore mineure du même retraité… Plus sombre que jamais En dépit de cette profusion inattendue, Tre piani donne souvent l’impression de retrouver un Nanni Moretti familier, celui de La Chambre du fils (2001) plutôt que de Habemus papam (2011). Un Moretti certes plus sombre que jamais, mais émouvant, humaniste, sinon humble. Moins soucieux, cette fois, de briller par des trouvailles de mise en scène que d’accompagner ses personnages éprouvés vers une certaine résilience, ou, du moins, une consolation. Lucio et Sara, habitent au rez-de-chaussée de l'immeuble. Ils confient souvent leur fille de sept ans, Francesca, à leurs voisins de palier âgés, Giovann ... |
TROMPERIE, Arnaud Desplechin 2021, Denis Podalydès, Léa Seydoux (psychologique)@@Londres, 1987. Philip est un écrivain américain célèbre exilé à Londres. Sa maîtresse vient régulièrement le retrouver dans son bureau, qui est le refuge des deux amants. Ils y font l'amour, se disputent, se retrouvent et parlent des heures durant. Des femmes qui jalonnent sa vie, de sexe, d'antisémitisme, de littérature et de fidélité à soi-même. Londres, 1987. Philip est un écrivain américain célèbre exilé à Londres. Sa maîtresse vient régulièrement le retrouver ... |
UN DOUX DESASTRE, Laura Lehmus, 2021, Friederike Kempter, Florian LukasAu retour d'un voyage en Finlande, Frida rencontre Felix au bar de l'aéroport. L'homme noie son chagrin dans le champagne suite à une rupture. Tous deux se plaisent et entament une idylle. Après seulement quelques mois, Frida découvre qu'elle est enceinte, le jour même où Felix s'apprête à la quitter. Face à la gentillesse de ce dernier, qui propose malgré tout de l'aider pendant cette première grossesse s'annonçant compliquée, la future maman s'enferme dans le déni. TELERAMA Frida, 40 ans, tombe enceinte pour la première fois. Elle est heureuse mais aussi méfiante vis-à-vis de son compagnon, qu’elle soupçonne d’adultère. Pour écarter ses inquiétudes, elle décide de l’espionner… Derrière son pitch ambigu, ce film allemand mise d’abord sur une légèreté à rebrousse-poil, qui convoque les comédies romantiques américaines des années 1980, tout en développant une identité proprement excentrique. Mais le mélange se révèle très vite indigeste, plombé par des effets de mise en scène désuets, qui nous offrent une plongée dans la psyché d’une héroïne constamment dans la lune. Il devient dès lors difficile d’adhérer à sa cause, tant ses agissements se révèlent le fruit d’un narcissime qui peine à susciter de la compassion. Un désastre, pour de vrai. Au retour d'un voyage en Finlande, Frida rencontre Felix au bar de l'aéroport. L'homme noie son chagrin dans le champagne suite à une rupture. Tous deux se plaisent e ... |
UN HOMME EN COLERE, Guy Ritchie 2021, Jason Statham, Holt McCallany (thriller)@Alex, un Américain traversant une période difficile, se trouve un travail auprès d'une entreprise londonienne de camions blindés, gagnant la confiance d'une équipe de braquage dont les membres entretiennent une amitié serrée. Or, il s'en cache bien plus derrière l'apparence d'Alex. TELERAMA Un homme au passé opaque se fait embaucher comme convoyeur de fonds. Qui est-il et que veut-il ? Avec ce remake du Convoyeur, de Nicolas Boukhrief, Guy Ritchie assure des scènes d’action spectaculaires, mais oublie le sous-texte social et l’ambiguïté poisseuse de l’original. Ne reste qu’un blockbuster tape-à-l’œil, boursouflé de flash-back, et un Jason Statham moins expressif qu’un bulot. Alex, un Américain traversant une période difficile, se trouve un travail auprès d'une entreprise londonienne de camions blindés, gagnant la confiance d ... |
UNE AFFAIRE DE DETAIL, John Lee Hancock 2021 (thriller)@Une jeune fille chante à tue-tête dans sa voiture. Jusqu’à ce qu’un autre conducteur se rapproche, la double en restant à sa hauteur et lui fasse clairement comprendre qu’il lui veut le plus grand mal. Le shérif adjoint Joe "Deke" Deacon s'associe au sergent Jim Baxter pour rechercher un tueur en série qui terrorise Los Angeles. TELERAMA Montage efficace, belle exploitation du hors-champ pour faire monter l’angoisse et déposséder l’ennemi de tout visage : cette scène d’ouverture est plutôt bien maîtrisée. Même si, quelque part entre Duel et Boulevard de la mort, elle donne une impression de déjà-vu. C’est plutôt bien fichu mais on a déjà vu et revu ce genre de thriller. Denzel Washington joue un vieux flic solitaire hanté par un passé mystérieux, excellent dans son travail malgré des méthodes un peu brutes. Rami Malek est son associé plus jeune, plus fragile, plus colérique, et pas encore hanté par un passé mystérieux… Jared Leto interprète un psychopathe aux longs cheveux gras, très intelligent, à l’humour froid. Au diapason de John Lee Hancock, le réalisateur, ces trois acteurs réputés copient sagement ce que d’autres avaient déjà fait. Une jeune fille chante à tue-tête dans sa voiture. Jusqu’à ce qu’un autre conducteur se rapproche, la double en restant à sa hauteur et lui f ... |
UNE FEMME DANS L OMBRE, Felix Karolus 2021, Senta Berger, Peter Simonischek@@Après une longue et brillante carrière de chef d'orchestre, Walter Kler décide de prendre sa retraite. Une nouvelle agréablement accueillie par son épouse Charlotte, qui peut retourner vivre à Munich et passer davantage de temps avec sa fille Viola. C'est alors que Martin Scherer, un maître-nageur à la retraite, veuf depuis peu, fait irruption de manière inopinée dans la vie de Charlotte. Après une longue et brillante carrière de chef d'orchestre, Walter Kler décide de prendre sa retraite. Une nouvelle agréablement accueillie par son &eac ... |
UNE JEUNE FILLE QUI VA BIEN, Sandrine Kiberlain, 2021, Rebecca Marder, Anthony Bajon (societe)@Irène, une jeune fille juive, vit l'élan de ses dix-neuf ans à Paris pendant l'été 1942. Sa famille la regarde découvrir le monde, ses amitiés, son nouvel amour et sa passion de plus en plus grande pour le théâtre. Irène a pour objectif de devenir actrice et ses journées s'enchaînent l'une après l'autre dans l'insouciance de sa jeunesse. Ses amis et son petit ami la soutiennent totalement dans son projet. TELERAMA À Paris, en 1942, Irène va devenir comédienne... La beauté de la jeunesse et la noirceur d’une époque réunies en un film d’une vérité bouleversante. Sandrine Kiberlain a beaucoup de personnalité. Si elle choisit de raconter sa passion pour le métier de comédienne, c’est en nous transportant dans Paris occupé, en 1942. Irène (Rebecca Marder) est une jeune fille qui va bien : elle étudie au Conservatoire, le théâtre lui donne des ailes, l’amour aussi, ses 19 ans bousculent tout dans l’appartement familial et prennent le pouvoir… Au moment même où l’Allemagne et le gouvernement de Vichy redoublent d’autorité pour imposer de nouvelles mesures contre les Juifs. Comme Irène. Avec un goût très sûr, la cinéaste débutante s’est affranchie des lourdeurs de la reconstitution historique. Comme son héroïne, elle est dans la vivacité, elle fait vibrer le passé qu’elle recrée. C’est l’air du temps qu’elle semble vouloir saisir. Et dans l’air, suggère Sandrine Kiberlain, il y a un miracle : Irène. Elle est la lumière, la joie, le charme, la fantaisie, le jeu, l’envie de rôles, l’ouverture au monde. Elle est tous les possibles. Mais dans l’air de 1942, il y a aussi un crime contre l’humanité. L’ombre noire d’un génocide se rapproche de tous ceux qui portent l’étoile jaune. En orchestrant comme un crescendo la confrontation entre l’élan de la vie et l’arrêt de mort programmé par l’idéologie nazie, le film redonne à cette période une vérité saisissante. Tourné vers la jeunesse d’hier, il la célèbre pour mieux raviver la blessure de son sacrifice, en s’adressant, de façon jamais sentencieuse, à la jeunesse d’aujourd’hui. Car ce portrait inoubliable, entre ombre et lumière, semble porté par la légèreté d’Irène, sa force et son courage d’aller bien. Le titre a la résonance d’un message de résistance éternel. Irène, une jeune fille juive, vit l'élan de ses dix-neuf ans à Paris pendant l'été 1942. Sa famille la regarde découvrir le monde, ses ami ... |
WEST SIDE STORY, Steven Spielberg 2021, Mike Faist, Rachel Zegler, Ansel Elgort, Maddie Ziegler (musical)@@Le coup de foudre frappe le jeune Tony lorsqu'il aperçoit Maria lors d'un bal en 1957 à New York. Leur romance naissante contribue à alimenter la guerre entre les Jets et les Sharks, deux gangs rivaux se disputant le contrôle des rues. TELERAMA L’amour contre la violence et l’intolérance. Le sujet était fait pour Spielberg, et son adaptation de la comédie musicale culte est emballante. Avertissement avant que le spectacle commence : amateurs de modernisation à tous crins, passez votre chemin, il n’y aura pas de rap à la place du mambo dans le quartier de la légendaire tragédie chantée et dansée. Si Steven Spielberg fait le pari fou de réadapter la comédie musicale créée à Broadway en 1957, il s’attaque à ce monument avec du respect pour le passé, et c’est délicatement qu’il actualise l’amour naissant entre Maria et Tony sur fond de rixes entre gangs rivaux new-yorkais, les Jets (descendants d’anciens émigrés européens) et les Sharks (Portoricains fraîchement arrivés). La présence de vrais requins (« sharks ») s’impose dès l’ouverture, avec ses mouvements de caméras vertigineux au milieu des gravats : les promoteurs immobiliers et leur énorme boule de démolition commencent à pulvériser le quartier de Lincoln Square et de San Juan Hill, dans l’Upper West Side, ce territoire pour lequel se battent les deux gangs. Faire couler le sang pour un fief condamné à disparaître : voilà qui rend encore plus absurde et tragique cette romance déjà condamnée par le racisme et la pauvreté. Quand Tony, le jeune Roméo des Jets rejoint Maria, la petite sœur de Bernardo, chef des Sharks, pour lui chanter son amour, leurs visages restent séparés par des grillages. Jusqu’au moindre détail, cette version envoie de tristes présages pour les tourtereaux enfermés contre leur gré dans des identités ennemies… Avec une direction artistique flamboyante, fidèle aux couleurs des années 1950, Spielberg ajoute une noirceur contemporaine et alerte sur l’exclusion et la haine qui rongent toujours l’Amérique. Dans une même volonté de réalisme, il déplace bon nombre de numéros musicaux en extérieur, dans les rues de New York. Ils sont enthousiasmants, ces numéros, comme celui qui confronte Tony et son pote Riff au sujet de la possession d’une arme qui se révélera fatale. Dans le film original, la scène se déroulait dans un parking. Spielberg et son très inspiré chorégraphe, Justin Peck, la réinventent, totalement, sur une jetée, selon une tension digne du Far West. Suivra la séquence folle, du Rumble cette bagarre qu’il débarrasse des rondeurs de la danse pour l’assécher en une chorégraphie sans merci. Quant à America, moment qui se devait d’être euphorisant, il se déploie, en plein jour, au carrefour de plusieurs rues d’où affluent tous les Portoricains. Si tous les interprètes ont l’âge de leurs jeunes personnages, cette merveille d’énergie est menée par la révélation Ariana DeBose. Elle compose une Anita explosive et émouvante qui réussit la prouesse de faire oublier Rita Moreno, créatrice du personnage à l’écran… À laquelle Spielberg et son scénariste ont l’idée, magnifique, de donner un autre rôle : la veuve de l’épicier de quartier, preuve vivante et douce que les mariages mixtes peuvent exister. C’est elle, cheveux neigeux et voix triste, qui chante Somewhere, ode à l’espoir en un monde meilleur, envers et contre tout. Sans doute le moment le plus bouleversant du film, comme une passerelle entre hier et aujourd’hui, et comme une séquence testamentaire de Spielberg l’humaniste enchanteur. Le coup de foudre frappe le jeune Tony lorsqu'il aperçoit Maria lors d'un bal en 1957 à New York. Leur romance naissante contribue à alimenter la guerre entre ... |