L ANNEE JULIETTE, Philippe Le Guay 1995, Fabrice Luchini (sentimental)@@ () voir sur GOOGLE MAP
Au retour d'un congrès médical, Camille est attendu à l'aéroport par Clémentine, sa maîtresse. Celle-ci lui a réservé une surprise : elle a quitté son mari pour venir s'installer chez lui. Peu enthousiasmé par cette perspective, Camille cherche un subterfuge pour décourager la jeune femme sans la blesser. S'avisant qu'il a pris à l'aéroport la valise de Juliette Graveur, une flûtiste, il saisit l'occasion et fait croire à Clémentine qu'elle est sa maîtresse.
TELERAMA
Pour échapper à sa maîtresse, Camille s’invente une autre liaison. Esthétique téléfilm dans lequel Luchini rend attachant un personnage qui devrait agacer.
Camille n‘aime pas faire souffrir. D‘ailleurs, il est anesthésiste. Et personne comme lui - ne sait raconter des histoires aux enfants, au moment de les endormir. Le problème, c‘est que Camille raconte aussi des histoires aux adultes ! Quand Clémentine, sa maîtresse, lui annonce qu‘ils vont pouvoir vivre ensemble - elle a enfin parlé à son mari -, Camille se fige… Est-il bien sûr d‘aimer Clémentine à ce point, alors qu‘il est incapable de choisir entre deux couleurs pour les murs de son appartement ? Immature Camille ! Le voilà qui s‘invente une liaison cachée : désormais, il y a une Juliette dans sa vie ! Et cette Juliette fictive devient un bouclier bien pratique, derrière lequel Camille va se cacher, chaque fois qu‘il se trouve dans l‘embarras.
L‘astuce de ce scénario - un peu mince, mais si drôle -, c‘est qu‘en fait Juliette existe. Dans l‘urgence, Camille a donné le nom d’une flûtiste, entendu dans un aéroport. Dès lors, sa vie se complique. À ses amis, il doit faire croire à l‘existence de Juliette. Et lui ne rêve plus que de la rencontrer ! Son appartement se remplit d‘accessoires : robes, rouges à lèvres, parfums… La chimère se fait de plus en plus obsédante.
Philippe Le Guay, en fait, illustre une idée très proustienne : le rêve est plus fort que la réalité. Et l’on n‘est jamais comblé lorsqu‘on caresse trop à l‘avance l‘espoir de vivre un moment de bonheur. Tout cela nous est dit légèrement, au son d‘un concerto de Mozart et sur le ton de la comédie. N’empêche, la gravité rôde. Autour de Camille, tout le monde souffre de mal aimer. Et la scène dans laquelle il tente d’habiller une amie avec l’une des « robes de Juliette », amoureusement choisies dans une boutique, est bien troublante. Pendant un bref moment, Camille devient le cousin lointain de James Stewart, dans Vertigo (Sueurs froides), d’Hitchcock.
Vertige furtif, que Fabrice Luchini traduit à merveille. Œil pétillant, visage angélique, regard têtu, il nous fait accepter dans un sourire la mauvaise foi désarmante de Camille. Pour ses admirateurs : un véritable récital.