Lucie a 15 ans et une imagination débordante. Elle vit seule avec William, son père, qui lutte contre la sclérose en plaques sous ses airs d'adolescent. Entre l'école, un petit boulot et le poids du quotidien, Lucie se préserve comme elle peut, se réfugiant dans l'écriture d'un roman autobiographique qui navigue entre rêve et réalité. L'annonce de la visite d'une assistante sociale va bouleverser cet équilibre fragile.
TELERAMA
Le portrait, trop déréalisé, d’une ado vivant seule avec son père dans une banlieue aux faux airs d’Amérique.
Filmer une France américaine, importer ici les petites et grandes mythologies du cinéma d’outre-Atlantique, beaucoup de réalisateurs en ont la tentation. Dans Normale, la voix off de l’héroïne (Justine Lacroix), adolescente se racontant, évoque une tradition du film indépendant aux États-Unis. Et quand apparaît le père (Benoît Poelvoorde, métamorphosé) en son modeste pavillon, c’est l’image des white trash, cette classe populaire pauvre, qui est convoquée, vu la dégaine d’ancien biker déglingué du personnage. La suite abonde en signes tout aussi évidents, comme le décor typique du lycée et le spectacle qui s’y prépare. Ou encore les films d’horreur, passion partagée par la fille et le père, et qui infuse leur perception du monde.
Mais cette transfiguration volontariste d’une petite ville française et de sa périphérie a ici l’inconvénient de déréaliser les personnages et l’action. D’autant que l’époque demeure floue également : à la fois aujourd’hui et un peu hier. On reste ainsi dans un entre-deux, entre un univers fantasmé et les éléments concrets de l’histoire, à commencer par la sclérose en plaques du père, dont l’évolution menace cette famille monoparentale et provoque l’intervention les services sociaux. Or là encore, le film oscillera trop entre la tragédie et un humour supposé la désamorcer... Olivier Babinet, le réalisateur, a signé en 2016 un documentaire sensible et inspiré sur des adolescents de banlieue singuliers, Swagger. À nouveau, il excelle à filmer sa jeune actrice et à capter les nuances de son jeu exprimant tour à tour la honte et la force. Dommage que la fiction autour d’elle ne s’impose pas avec la même nécessité.