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LEILA ET SES FRERES, Saeed Roustayi 2022 @@@

Leila passe sa vie à prendre soin de ses parents et de ses quatre frères. Dans un pays sous le coup de sanctions économiques internationales, sa famille est criblée de dettes. Alors que tous essayent désespérément de joindre les deux bouts, Leila découvre que son père cache son héritage. Il veut se servir de l'argent pour devenir le nouveau patriarche du clan, plus haut grade dans la tradition perse.

TELERAMA
En Iran, les mésaventures d’une famille de Pieds nickelés qui magouille pour sa survie. Une tragi-comédie virtuose… ou d’une lourdeur complaisante ?

Pour
S’il dialogue avec Parasite, la Palme d’or 2019, ce n’est pas seulement parce que Leïla et ses frères dépeint lui aussi, et brillamment, une famille de chômeurs contraints de magouiller pour échapper à la misère et à la promiscuité. En effet, son auteur, Saeed Roustaee, utilise également l’un des motifs du film sud-coréen : les W.C. Chez Bong Joon-ho, ils étaient curieusement surélevés, trône absurde sur lequel les personnages parvenaient, moyennant contorsions, à capter le WiFi. Le jeune prodige du cinéma iranien y trouve, pour sa part, une manière d’ascenseur social : en poussant ses frangins à racheter les toilettes d’un centre commercial afin d’en faire une boutique, Leïla espère bien remédier, enfin, à la merditude des choses.

À peine plus d’un an après la sortie française de son deuxième long métrage La Loi de Téhéran, époustouflant polar sur le business de la drogue et son impitoyable répression au pays des mollahs, Saeed Roustaee frappe fort avec cette saga familiale qui tient à la fois de la comédie italienne et de l’hommage assumé au Parrain de Coppola. Découvert en compétition à Cannes, où il a dû, contre toute attente, se contenter du prix Fipresci décerné par la critique internationale, Leïla et ses frères présente surtout des points communs avec Life and a Day, premier film de l’auteur, un drame social encore inédit chez nous et qui pourrait sortir prochainement : mise en scène de l’exiguïté domestique, profusion étourdissante des dialogues, violence iconoclaste des échanges. « Pourquoi vous ne crevez pas, tous les deux ? » hurle ainsi la dévouée Leïla (remarquable et émouvante Taraneh Alidoosti) à ses parents avant de gifler son père.

Harpagon sans fortune, le vieil Ismaël (Saeed Poursamimi) tyrannise sa progéniture, adulte mais précaire, composée de quatre fils, soit huit bras cassés, et d’une fille restée célibataire par sa faute. Le monstrueux papa entend dépenser les économies d’une vie, quarante pièces d’or, dans un cadeau de mariage censé bluffer des cousins méprisants. Comment le convaincre d’utiliser sa cassette à meilleur escient ? En passant par le prisme intime d’une famille qui se tue à survivre, le réalisateur décrit une société écartelée entre des usages hors d’âge et une époque obsédée par l’argent. Au suspense policier de La Loi de Téhéran, il en substitue un autre, pas moins haletant, lié à une inflation hors de contrôle. Ou comment un tweet de Donald Trump peut faire flamber le cours de l’or et réduire des projets en cendres.

Entre l’évacuation d’une usine fermée pour cause de faillite et un mariage luxueux, théâtre de toutes les vanités et d’une terrible humiliation, la virtuosité de Saeed Roustaee dans les scènes d’ampleur continue d’impressionner. Mais le film éblouit plus encore par sa remarquable étude de caractères et sa mécanique de précision : une façon de décortiquer, avec une minutie cruelle, les manigances et les soubresauts de la tribu d’incapables, servie par des acteurs exceptionnels. À mesure qu’ils s’enfoncent dans les sables mouvants de la fatalité, on constate avec quel amour le cinéaste les regarde : comme de grands gosses qui mangent une glace, assis sur des marches, ébahis devant de superbes jeunes femmes descendant d’un 4 × 4 hors de prix. Marie Sauvion

Contre
Le succès international d’Asghar Farhadi (Une séparation, Un héros…) a changé le visage du cinéma iranien. Une nouvelle norme esthétique et narrative s’est imposée aux contemporains et successeurs possibles du réalisateur en vue. L’auscultation d’une société dysfonctionnelle à travers une avalanche de péripéties et de coups de théâtre est ainsi devenue la formule la plus répandue — ce n’était nullement le cas quand le contemplatif Abbas Kiarostami « régnait » sur cette cinématographie.

Dans Leïla et ses frères, on reconnaît sans peine la recette Farhadi, mais en version outrancière. Avec la vanité comme seul trait de caractère du patriarche et l’avidité comme seule motivation de ses grands enfants, le tableau de famille s’enlise dans la complaisance et la caricature — à en croire l’auteur, la pauvreté implique nécessairement, et directement, la malhonnêteté. Les multiples retournements de situation qui jalonnent cette lourde et interminable fable n’en paraissent que plus forcés. Louis Guichard