LA TRAVERSEE DE PARIS, Claude Autant-Lara 1956, Jean Gabin, Bourvil) (thriller)@@@
Alors que le marché noir sévit dans le Paris de l'Occupation, le brave et pas très futé Martin est chargé par l'épicier de coltiner à l'autre bout de la ville un cochon proprement découpé.
TELERAMA
Quand s’unissent le goût pour la provocation et le cynisme d’Aymé et d’Autant-Lara. Comédie très très noire portée par un duo d’acteurs exceptionnels.
«Salauds de pauvres ! » : la réplique d'Aurenche et Bost est restée célèbre. Tout comme la colère homérique de Gabin contre tous les Français médiocres et lâches, profitant de l'Occupation pour s'enrichir : « Admirez le mignon, sa face d'alcoolique, sa viande grise et du mou partout, les bajoues qui croulent de bêtise. Et l'autre rombière, la guenon, l'enflure, la dignité en gélatine, avec ses trois mentons de renfort et ses gros nichons en saindoux qui lui dévalent la brioche »...
Sous la caméra de Claude Autant-Lara, « ce boucher qui s'obstine à faire de la dentelle », disait Truffaut, l'odyssée minable d'un pauvre type et d'un artiste peintre, faisant du marché noir dans le Paris nocturne de 1943, devient un règlement de comptes avec l'ignominie ordinaire, une minifresque sur la barbarie à visage humain. Réalisé durant les Trente Glorieuses, qui voulaient oublier les ombres noires de l'Occupation et qui croyaient, même vaguement, en l'avenir de l'homme, le film choqua. Aujourd'hui, il devrait séduire à 100 %, puisque le cynisme, le doute et la suspicion sont pratiquement devenus des règles de vie. Avec Douce (plus subtil) et Occupe-toi d'Amélie (plus bouffon), La Traversée de Paris reste le chef-d'oeuvre noir d'Autant-Lara : du vitriol pur jus. Après quoi, le cinéaste, toujours poussé par un ardent anarchisme de gauche, sombrera dans un extrémisme détestable. Au point de devenir un de ces médiocres que ses premiers films ridiculisaient si bien.