ANNIHILATIIN, Alex Garland, sorti en 2018. Natalie Portman (fantastique)@@
Lena, biologiste et ancienne militaire, participe à une mission destinée à comprendre ce qui est arrivé à son mari dans une zone où un mystérieux et sinistre phénomène se propage le long des côtes américaines. Une fois sur place, les membres de l’expédition découvrent que paysages et créatures ont subi des mutations, et malgré la beauté des lieux, le danger règne et menace leur vie, mais aussi leur intégrité mentale.
TELERAMA
Jugé trop intello par la Paramount, le thriller SF d’Alex Garland sort directement sur Netflix. Mais n’a rien d’une série B.
La présence de Natalie Portman en tête d’affiche d’une science-fiction à gros budget est, en principe, la garantie d’un beau succès au box-office. Annihilation ne sortira pourtant pas au cinéma – hormis dans quelques salles aux Etats-Unis, au Canada et en Chine. Ainsi en a décidé la Paramount qui, après avoir semble-t-il jugé le deuxième film réalisé par le scénariste Alex Garland trop « intello » et « compliqué », a préféré revendre les droits de diffusion à Netflix. Une bonne affaire pour la plateforme de vidéo par abonnement : Annihilation se révèle en effet une bonne surprise. Plus « compliquée », certes, que la grande majorité des blockbusters hollywoodiens, mais aussi beaucoup plus excitante.
Après la chute d’une météorite, des dérèglements écologiques mystérieux (et menaçants) ont été constatés dans des marais en Floride. Des soldats ont été envoyés en mission sur place mais personne n’en est revenu, à l’exception d’un vétéran d’Afghanistan. Problème : Kane (Oscar Isaac) ne se souvient pratiquement de rien et, surtout, est gravement malade. Son épouse, Lena (Natalie Portman, aussi convaincante dans les scènes d’action que dans les moments d’émotion), une biologiste de renom et ancienne militaire elle-même, décide de partir dans la « zone X » avec quatre autres femmes scientifiques, dans l’espoir de trouver un remède.
Pas la peine de nous accuser de « spoiler » le scénario : on sait, dès les premières minutes du récit construit en flash-back, que le voyage va très mal se terminer pour les quatre cinquièmes de l’expédition… Le suspense intéresse moins Alex Garland que les failles intimes de ses héroïnes – ce n’est pas un hasard si l’une des figures clés du récit est une psychologue (jouée de manière anxiogène par Jennifer Jason Leigh). Le combat de ces femmes pour survivre dans un environnement hostile est aussi une lutte contre leurs propres démons dépressifs. Et le fameux phénomène du « shimmer » qui modifie l’ADN de tous les organismes vivants présents dans la « zone X », peut s’interpréter comme une métaphore de la folie (options paranoïa et, surtout, schizophrénie) qui contamine peu à peu les personnages.
La végétation mutante créée par les décorateurs d’Annihilation et, plus particulièrement, les fleurs multicolores qui prolifèrent comme des tumeurs, est l’autre grand atout du film. Mais la faune n’est pas mal non plus : les créatures rencontrées (et, le plus souvent, affrontées) par Lena et ses compagnes empruntent autant aux monstres gore d’Alien ou de The Thing qu’aux chimères merveilleuses de Miyazaki. On songe même à Stalker de Tarkovski devant le décor de la caserne abandonnée, recouverte par les herbes folles. À partir de ces influences hétéroclites, Alex Garland constitue un univers esthétique cohérent, souvent splendide, avec des effets spéciaux étonnants qui poussent les images vers l’abstraction. Des effets de miroirs, de diffraction ou de pixellisation si réussis que l’on regrette de ne pas pouvoir les admirer sur grand écran…