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NAPOLEON, Ridley Scott 2023, Joaquin Phoenix, Vanessa Kirby (histoire)@@

Les origines de Napoléon et de son ascension aussi impitoyable que rapide, depuis sa promotion à l'époque de la Révolution jusqu'à ses derniers jours, à travers le prisme de sa relation addictive et explosive avec sa femme et unique amour, Joséphine.

TELERAMA
Hormis de spectaculaires batailles, ce biopic lourdingue sur l’empereur au bicorne est une aberration.
Après Moïse et Christophe Colomb, pourquoi pas Napoléon ? Ce n’est pas la modestie qui étouffe Ridley Scott. Toute proportion gardée, on jurerait qu’il s’est un peu reconnu dans la folie des grandeurs de l’Empereur, dans son manque certain d’humour et son art de mettre en scène la guerre. Les batailles, c’est à peu près la seule chose digne d’être sauvée. Celle, victorieuse, d’Austerlitz, avec ses soldats russes encerclés puis piégés au-dessus des étangs gelés. Mais aussi la grande débâcle de Waterloo, révélant des Britanniques parfaitement organisés, grâce à la formation en carrés de leur infanterie. Les amateurs du Prussien Carl von Clausewitz ou des parties de Risk apprécieront.

Un génie de la stratégie militaire et un envahisseur sanguinaire, voilà à quoi s’arrête ce portrait du général au bicorne. C’est insuffisant. Et désinvolte quant à la vérité factuelle – les tirs au canon sur les pyramides d’Égypte font partie des premières inexactitudes relevées par les historiens. Rien sur la politique de Napoléon en France, sa gouvernance, ses tactiques, son despotisme complexe ?

Un portrait qui frise la farce
Le film dure pourtant deux heures et quarante minutes, mais ne fait qu’aligner des dates, en survolant de manière très superficielle ce qu’elles recouvrent, comme dans une bande-annonce. Le siège de Toulon, en 1793 (première victoire décisive), le coup d’État de 1799, le rôle de Premier consul, le sacre d’Empereur… Un seul autre personnage se détache, celui de l’épouse, Joséphine de Beauharnais (Vanessa Kirby), montrée comme une forte tête, capable de lui résister. Mais même cette impératrice, forcée à divorcer, n’existe pas vraiment, sinon comme un fantasme projeté par Napoléon, qui lui écrit des lettres enflammées – et dénuées de la moindre poésie. Ce qu’elle ressent, ce qu’elle pense ne sont jamais fouillés.

On se demande d’ailleurs si la dame l’aime vraiment, ce nabot mal poli. Et comment le pourrait-elle, tant Ridley Scott fait de l’Aigle un laideron, un tyran quasiment autiste et un piètre amant. Le portrait, chargé, frise la farce involontaire. L’utilisation de la langue de Shakespeare dans la bouche du Corse pleurard très attaché à sa maman n’arrange rien. Pas plus que l’interprétation de Joaquin Phoenix – impossible de voir en lui Napoléon, on ne voit que l’acteur (ou le chanteur Serge Lama ?), figé dans son rôle. Bref, si l’on était cocardier, on pourrait soupçonner une opération téléguidée par les services secrets britanniques…