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1792-12-15 testament de louis 16
Louis XVI
Testament
Texte établi par Pierre Piquet, Louis Eustache Audot, Pierre Piquet, Louis Eustache Audot, 1816 (pp. 23-26).
Au nom de la tres Sainte Trinité du Pere du fils et du St Esprit. Aujourd’hui vingt cinquieme jour de Decembre, mil sept cent quatre vingt douze. Moi Louis XVIe du nom Roy de France, etant depuis plus de quatres mois enfermé avec ma famille dans la Tour du Temple a Paris, par ceux qui etoient mes sujets, et privé de toutte communication quelconque, mesme depuis le onze du courant avec ma famille de plus impliqué dans un Proces, dont il est impossible de prevoir l’issue a cause des passions des hommes, et dont on ne trouve aucun pretexte ni moyen dans aucune Loy existante, n’ayant que Dieu pour temoin de mes pensées et auquel je puisse m’adresser. je declare ici en sa presence mes dernieres volontés et mes sentiments.
Je laisse mon ame a Dieu mon createur, je le prie de la recevoir dans sa misericorde, de ne pas la juger d’apres ses merites, mais par ceux de Notre Seigneur Jesus Christ, qui s’est offert en sacrifice a Dieu son Pere, pour nous autres hommes quelqu’indignes que nous en fussions, et moi le premier.
Je meurs dans l’union de notre sainte Mere l’Eglise Catholique Apostolique et Romaine, qui tient ses pouvoirs par une succession non interrompue de St Pierre auquel J.C. les avoit confiés. je crois fermement et je confesse tout ce qui est contenu dans le Symbole et les commandements de Dieu et de l’Eglise, les Sacrements et les Mysteres tels que l’Eglise Catholique les enseigne et les a toujours enseignés. je n’ai jamais pretendu me rendre juge dans les differentes manieres d’expliquer les dogmes qui dechire l’Eglise de J.C. mais je m’en suis rapporté et rapporterai toujours si Dieu m’accorde vie, aux decisions que les superieurs Ecclesiastiques unis a la Sainte Eglise Catholique, donnent et donneront conformement a la discipline de l’Eglise suivie depuis J.C. je plains de tout mon cœur nos freres qui peuvent estre dans l’erreur, mais je ne pretends pas les juger, et je ne les aime pas moins tous en J.C. suivant ce que la charité Chretienne nous l’enseigne.
Je prie Dieu de me pardonner tous mes pechés. j’ai cherché a les connoitre scrupuleusement a les detester et a m’humilier en sa presence, ne pouvant me servir du Ministere d’un Prestre Catholique. je prie Dieu de recevoir la confession que je lui en ai faitte et surtout le repentir profond que j’ai d’avoir mis mon nom, (quoique cela fut contre ma volonté) a des actes qui peuvent estre contraires a la discipline et a la croyance de l’Eglise Catholique a laqu’elle je suis toujours resté sincerement uni de cœur. je prie Dieu de recevoir la ferme resolution ou je suis s’il m’accorde vie, de me servir aussistost que je le pourrai du Ministere d’un Prestre Catholique, pour m’accuser de tous mes peches, et recevoir le Sacrement de Penitence.
Je prie tous ceux que je pourrois avoir offensés par inadvertence, (car je ne me rappelle pas d’avoir fait sciemment aucune offense a personne) ou ceux a qui j’aurois put avoir donné de mauvais exemples ou des scandales de me pardonner le mal qu’ils croyent que je peux leur avoir fait
Je prie tous ceux qui ont de la Charite d’unir leurs prieres aux miennes, pour obtenir de Dieu le pardon de mes peschés.
Je pardonne de tout mon cœur, a ceux qui se sont fait mes ennemis sans que je leur en aie donne aucun sujet, et je prie Dieu de leur pardonner, de mesme que ceux qui par un faux zele, ou par un zele mal entendu m’ont faits beaucoup de mal.
Je recomande a Dieu, ma femme, mes enfants, ma Sœur, mes Tantes, mes Freres, et tous ceux qui me sont attachés par les Liens du Sang, ou par quelqu’autre maniere que ce puisse estre. je prie Dieu particulierement de jetter des yeux de misericorde, sur ma femme mes enfants et ma Sœur qui souffrent depuis longtemps avec moi, de les soutenir par sa grace s’ils viennent a me perdre, et tant qu’ils resteront dans ce monde perissable.
Je recomande mes enfants a ma femme, je n’ai jamais doutté de sa tendresse maternelle pour eux, je lui recomande surtout d’en faire de bons Chretiens et d’honnestes hommes, de leur faire regarder les grandeurs de ce monde ci (s’ils sont comdamnes a les eprouver) que comme des biens dangereux et perissables, et de tourner leurs regards vers la seule gloire solide et durable de l’Eternité. je prie ma Sœur de vouloir bien continuer sa tendresse a mes enfants, [mots raturés], et de leur tenir lieu de Mere, s’ils avoient le malheur de perdre la leur.
Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu’elle souffre pour moi, et les chagrins que je pourrois lui avoir donnés dans le cours de notre union, comme elle peut estre sure que je ne garde rien contre elle, si elle croioit avoir quelque chose a se reprocher.
Je recomande bien vivement a mes enfants, apres ce qu’ils doivent a Dieu qui doit marcher avant tout, de rester toujours unis entre eux, soumis et obeissants a leur Mere, et reconnoissants de tous les soins et les peines qu’elle se donne pour eux, et en memoire de moi. je les prie de [mot raturé] regarder ma Sœur comme une seconde Mere.
Je recomande a mon fils s’il avoit le malheur de devenir Roy, de songer qu’il se doit tout entier au bonheur de ses Concitoyens, qu’il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommement tout ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j’eprouve. qu’il ne peut faire le bonheur des Peuples qu’en regnant suivant les Loix, mais en mesme temps qu’un Roy ne peut les faire respecter, et faire le bien qui est dans son cœur, qu’autant qu’il a l’autorité necessaire, et qu’autrement etant lié dans ses operations et n’inspirant point de respect, il est plus nuisible qu’utile.
Je recomande a mon fils d’avoir soin de touttes les personnes qui m’etoient attachées, autant que les circonstances ou il se trouvera lui en donneront les facultés, de songer que c’est une dette sacrée qui j’ai contractée envers les enfants ou les parents de ceux qui ont peris pour moi, et ensuitte de ceux qui sont malheureux pour moi je scai qu’il y a plusieurs personnes de celles qui m’etoient attachées qui ne se sont pas conduittes envers moi comme elles le devoient, et qui ont mesme montrés de l’ingratitude, mais je leur pardonne, (souvent dans les moments de troubles et d’effervescence on n’est pas le maitre de soi) et je prie mon fils s’il en trouve l’occasion de ne songer qu’a leur malheur.
Je voudrois pouvoir temoigner ici ma reconnoissance a ceux qui m’ont montrés un veritable attachement et desintéressé. d’un costé si j’etois sensiblement touché de l’ingratitude et de la deloyauté de gens a qui je n’avois jamais temoignés que des bontés, a eux a leurs parents ou amis, de l’autre j’ai eu de la consolation a voir l’attachement et l’interest gratuit que beaucoup de personnes m’ont montrées. je les prie d’en recevoir tous mes remerciments, dans la situation ou sont encore les choses, je craindrois de les compromettre, si je parlois plus explicitement mais je recomande specialement a mon fils de chercher les occasions de pouvoir les reconoitre.
Je croirois calomnier cependant les sentiments de la Nation si je ne recomandois ouvertement a mon fils Mrs de Chamilly et Hue, que leur veritable attachement pour moi, avoit porté a s’enfermer avec moi dans ce triste sejour, et qui ont pensés en estre les malheureuses victimes. je lui recomande aussi Clery des soins duquel j’ai eu tout lieu de me louer depuis qu’il est avec moi comme c’est lui qui est resté avec moi j’usqu’a la fin, je prie Mrs de la Commune de lui remettre mes hardes mes livres, ma montre ma bourse, et les autres petits effets qui ont estés deposés au Conseil de la Commune.
Je pardonne encore tres volontiers a ceux qui me gardoient, les mauvais traitements et les genes dont ils ont cru devoir user envers moi. j’ai trouvé quelques ames sensibles et compatissantes, que celles la jouissent dans leur cœur de la tranquillité que doit leur donner leur façon de penser.
Je prie Mrs de Malesherbes Tronchet et de Seze, de recevoir ici tous mes remerciments et l’expression de ma sensibilité, pour tous les soins et les peines qu’ils se sont donnés pour moi.
Je finis en declarant devant Dieu et pret a paroitre devant lui que je ne me reproche aucun des crimes qui sont avancés contre moi. Fait double a la tour du Temple le 25 Decembre 1792. Louis