De l'esprit des lois ou L'Esprit des lois est l'œuvre majeure de Montesquieu. Dans ce traité politique, le philosophe suit une méthode révolutionnaire pour l'époque : il refuse de juger ce qui est par ce qui doit être, et choisit de traiter des faits politiques en dehors du cadre abstrait des théories volontaristes et jusnaturalistes1. Il défend ainsi une théorie originale de la loi : au lieu d'en faire un commandement à suivre2, il en fait un rapport à observer et à ajuster entre des variables. Parmi ces variables, il distingue des causes culturelles (traditions, religion, etc.) et des causes naturelles (climat, géographie, etc.). Il livre à partir de là une étude sociologique des mœurs politiques.
L'Esprit des lois paraît pour la première fois sans nom d'auteur, après vingt ans de travail, à Genève, vers la fin octobre, début novembre 17483. Elle paraît grâce à l'aide de Mme de Tencin, qui achète la plupart des exemplaires pour les donner à ses amis. Elle est également chargée de la publication des Errata de cette première édition très fautive et amputée (500 exemplaires qui devaient être distribués gratuitement avec les volumes non encore vendus), ainsi que de la réédition chez Barrillot et, avec l'aide de de Boze, de celle de l'édition de Paris (1749), chez Huart, revue et corrigée par l'auteur4.
A la parution de l'ouvrage, Montesquieu est l'objet des plus vives critiques de la part de conservateurs5 et d'ecclésiastiques. Des louanges sont émises par les encyclopédistes comme D'Alembert, fils naturel de Mme de Tencin et qui lui écrira un éloge. Certains encyclopédistes lui reprochent toutefois une certaine forme de conservatisme (Montesquieu était favorable à l'aristocratie). On lui reproche aussi son déterminisme dans sa théorie des climats. Montesquieu répondra à toutes ces critiques par Défense de l'esprit des lois, publié en 1750.
Certains lisent dans L'Esprit des lois la promotion d'un système aristocratique très libéral, d'autres une mise en garde envers les monarques et les nobles quant au risque de despotisme (d'un seul ou de tous) s'ils ne se partagent pas le pouvoir. Certains estiment que L'Esprit des lois a inspiré la rédaction de la Constitution française de 1791 (notamment ses pages concernant la séparation des trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire) ainsi que la rédaction de la Constitution des États-Unis d'Amérique (principe des checks and balances). Des commentateurs modernes s'inscrivent en faux contre la réduction de Montesquieu à un théoricien de la séparation des pouvoirs, et même du libéralisme politique.