CLOVERFIELD, Matt Reeves 2008, Michael Stahl-David, Lizzy Caplan (catastrophe)@
New York, 2007. Une quarantaine de jeunes gens organise une fête pour le départ d'un des leurs pour le Japon. Au cours de la soirée, tandis que la fête bat son plein, l'immeuble dans lequel ils se trouvent est fortement ébranlé par une brusque secousse.
TELERAMA
Quand arrivera l'heure de l'Apocalypse, vous le saurez sur YouTube ou Dailymotion, grâce au film de votre voisin... C'est peut-être la seule idée de cette superproduction hollywoodienne (née dans le cerveau des producteurs de Lost), mais elle est on ne peut plus actuelle : raconter la destruction de New York par un monstre géant (mi-diable, mi-Godzilla) en format amateur, via la vidéo subjective d'un New-Yorkais paniqué mais endurant.
Ça commence dans une party de jeunes gens beaux, riches et têtes à claques, et puis, patatras, ça se poursuit en temps réel dans les rues, au milieu des décombres, puis dans le métro où la grosse bébête a dépêché des bébêtes plus petites - mais pas moins méchantes. Les effets spéciaux numériques (belles bestioles, jolies explosions) sont bien là, mais l'image tremble, tressaute (pas facile de cadrer en courant), la psychologie est réduite au minimum - ou à l'invraisemblable : faire marche arrière pour sauver une girlfriend au trente-sixième étage d'un gratte-ciel éventré ; nous, désolé, on n'irait pas.
Le procédé a beau être systématique, il se révèle efficace et riche : il ramasse l'action, facilite la proximité avec les héros anonymes (enfin, surtout une sublime héroïne à la voix lasse, jouée par Lizzy Caplan, un nom et un visage à retenir), débarrasse le script de toute explication. « On ne sait pas ce que c'est, mais c'est en train de gagner », lâche un militaire... Le format choisi donne surtout à l'ensemble un curieux effet de réalité : l'image fantôme du 11 Septembre ne cesse de hanter Cloverfield.
En prime se cache une plus-value romantique : par fragments surgit, sous le film qu'on est en train de voir, le home movie tourné quelques jours plus tôt et que l'enregistrement du cataclysme efface. Il s'agit d'une journée romantique à la fête foraine de Coney Island, un petit bout de bonheur, déjà balayé par l'horreur. Montrer d'un même mouvement l'avant et l'après-catastrophe : effet glaçant garanti. De la vertu du palimpseste (c'est ma voisine de bureau qui me souffle le mot, qu'elle en soit remerciée) en matière de cinéma fantastique.