JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES, Jeanne Herry 2023, Gilles Lelouche, Élodie Bouchez, Adèle Exarchopoulos, Leila Bekhti (societe)@@
Depuis 2014, en France, la Justice Restaurative propose à des personnes victimes et auteurs d'infraction de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles comme Judith, Fanny ou Michel. Nassim, Issa, et Thomas, condamnés pour vols avec violence, Grégoire, Nawelle et Sabine, victimes de homejacking, de braquages et de vol à l'arraché, mais aussi Chloé, victime de viols incestueux, s'engagent tous dans des mesures de Justice Restaurative.
TELERAMA
Des victimes dialoguant avec des criminels... La justice restaurative, explorée dans un film qui a du cœur, comme sa réalisatrice Jeanne Herry.
Une envie de dire ce qu’on a sur le cœur s’épanouit dans ce film bien dans l’air du temps. Il n’y est pas question de #MeToo mais de la justice restaurative. Un dispositif qui permet d’ouvrir un dialogue entre victimes et coupables, par-delà le jugement rendu, la peine prononcée. Cette nouvelle façon d’accompagner des situations terriblement nouées, comme le montrait déjà Les Repentis (2021) dans le contexte du terrorisme basque, est ici abordée à travers une fiction qui a la rigueur d’un documentaire. Interprétée par Adèle Exarchopoulos, une jeune femme violée par son frère pendant son enfance demande de l’aide avant de revoir celui-ci, quand elle apprend qu’il est sorti de prison et s’est réinstallé dans la ville où elle vit. Parallèlement, une rencontre est organisée entre quelques détenus condamnés pour vols avec violence et quelques personnes ayant été visées par d’autres agresseurs, dans le même genre de situations.
Derrière la caméra, Jeanne Herry s’affirme, après Pupille (2018), comme une cinéaste qui a du cœur. Et qui aime les comédiens. Attentionnée, concentrée sur les visages, elle réunit une distribution de premier ordre pour un film dépouillé, à la fois d’une belle qualité de regard et d’écoute. Il faut au spectateur la même attention pour comprendre les rouages de cette justice restaurative dont les principes sont portés par une juriste (Élodie Bouchez) et le responsable d’une association d’aide aux victimes (Denis Podalydès), entourés de volontaires. Entre le trop d’informations « techniques » et le trop peu, l’équilibre n’est pas toujours trouvé. Mais, au-delà du protocole, le film creuse un beau sujet : comment chacun peut retrouver le fil de sa propre histoire. Les victimes ont en elles une page qui n’a pas été tournée parce qu’elle pèse des tonnes. Au fil d’un échange rendu possible, la page s’allège, le récit renaît… Une cure en accéléré, mais aussi en toute délicatesse. Et dont il y a, pour le spectateur, beaucoup à tirer.