Intitulé aussi par Courbet Les Cribleuses ou les Enfants des cultivateurs du Doubs, le tableau démontre “l’importante persistance de la culture du blé dans le Doubs du milieu du XIXe siècle ” et la nécessité pour le paysan de mettre à contribution toute sa famille afin d’atteindre “ les limites de l’aisance ”.
A Ornans durant l’hiver 1853-1854, Courbet immortalise une scène de la vie paysanne, dont il a choisi les modèles parmi les membres de sa famille. Au centre, sa sœur Zoé crible le blé au moyen d’un grand van ; assise en retrait, Juliette, seconde sœur du peintre, sépare manuellement les grains de la paille ; à droite enfin, un jeune garçon identifié comme son fils naturel examine le mécanisme du tarare, appareil à cribler par ventilation. A la surface de la toile, un camaïeu d’ocres décline la couleur naturellement chaleureuse du blé qui s’éparpille au sol. Seules la robe de Juliette et la veste du garçonnet, se répondant de part et d’autre de l’axe central de la toile, sont traitées en couleurs froides, tandis que l’intensité chromatique culmine dans le vêtement rouge orangé de Zoé. Point focal de la composition, cette dernière s’impose au spectateur par sa taille presque disproportionnée, mais aussi par l’énergie et la tension qu’elle développe et transmet à l’ensemble de la représentation. A son “ expansivité musculaire ”, trahie par le puissant mouvement d’ellipse qu’elle imprime au tamis, s’ajoute la troublante sensualité de sa position – elle est agenouillée – et de son corps déployé par l’effort physique. Visage caché, presque anonyme, Zoé emplit de sa présence toute la toile, tandis que les deux autres acteurs – Juliette, somnolente sur son ouvrage, et l’enfant, littéralement absorbé dans la contemplation du tarare – apparaissent comme des figurants.
Auteur : Emmanuelle GAILLARD