chedid (andree) - rythmes ()
chedid (andree) - rythmes ()
A force de frayer
Avec toutes nos paroles
A force de voisiner
Avec nos sombres passions
A force de s'effriter
Sur les corps de passage
L'Amour a-t-il perdu
Innocence et plaisir?
A force de renaître
Auréolé de rêve
A force de s'émouvoir
Au passage du désir
A force de s'animer
Aux couleurs de la vie
L'Amour se perpétue
Dans l'être
Et l'infini.
Enclos
Dans le fruit délectable
De nos corps
Dans la pulpe savoureuse
De notre chair
Nous oublions le temps
Son harpon impitoyable
Qui peu à peu nous dégrade
Et nous entraîne
Dans les filets de la mort
Comment se soumettre
Au détissage de nos peaux
Aux flux de nos rides
Aux piétinements de l'âme
Au pourrissement des os.
Comment ignorer
La morosité de l'aube
Les pâleurs de la nuit
Les brisures de la flamme
Ou le chant appauvri
Comment redresser
La fourbe courbure
Comment se détourner
De l'avenir suspendu ?"
Sans me hâter
Je m’acclimate
À l’immanence
De la nuit.
Andrée Chedid, Rythmes, ed. Gallimard, page 44