Toute la presse ne parle que de ça : le maniaque tueur d'enfants, qui terrorise la ville depuis quelques temps, vient de faire une nouvelle victime. Chargé de l'enquête, le commissaire Lohmann multiplie les rafles dans les bas-fonds. Gênée par toute cette agitation la pègre décide de retrouver elle-même le criminel : elle charge les mendiants et les sans-abris de surveiller la ville.
TELERAMA
Peinture métaphorique de l’Allemagne se donnant au nazisme, réflexions sur la culpabilité, leçon de mise en scène : chef-d’œuvre.
On raconte qu’à la sortie du film, Joseph Goebbels nota dans son journal : « Fantastique. Pour la peine de mort. Fritz Lang sera notre réalisateur… » Contresens total. Poursuivi par la police comme par les criminels, le tueur sadique de petites filles a du souci à se faire, mais c’est la loi qui, paradoxalement, peut le sauver. Voir la dernière séquence, libératrice, à disserter en cours de philo.
De ce film stupéfiant, on retient la maîtrise immédiate qu’a Fritz Lang du parlant. Il réussit à inventer un mode d’illustration sonore qui lui est propre. Il dissocie fréquemment la bande-son de l’image ou prolonge un dialogue pour le transformer en commentaire off…
La première séquence — l’assassinat d’Elsie Beckmann — est une leçon de mise en scène, un montage alterné qui fait monter l’angoisse. Le tueur n’est d’abord qu’une ombre sur l’affiche, qui offre une prime pour sa capture, puis une voix d’une absolue douceur. Peter Lorre, génial, sifflote un refrain — le thème est tiré des suites de Peer Gynt, de Grieg, et il est sifflé par Lang lui-même. L’horreur se passera hors champ.
Le film distille aussi la curieuse prescience d’un noir fléau qui pourrait être assimilé au nazisme. Le cinéaste, convoqué par Goebbels, préféra, finalement, rejoindre Paris en train, et ne pas être « leur » réalisateur.