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canine (groupe) - twin shadow (twin) 2018

(taille reelle)
Sur un ep riche et soyeux, une voix sans âge et sans sexe illumine des chansons de soul détournée. Bienvenue chez Canine – “un chien dominant”, dit-elle.
La première fois que l’on entend Canine, on ne sait pas qui chante : une femme ? Un homme ? Une chorale gospel ? La créature de Roswell et sa sœur ? Et ce n’est pas le troublant et touffu Twin Shadow (ep), récemment sorti d’on ne sait quelle cérémonie de sorcières, qui va éclaircir les doutes et mystères de cette musique sans âge, sans sexe, sans famille. Quand on finit par rencontrer Canine, Magali dans le civil, elle détaille ce rapport maniaque au chant : “J’ai fini par atteindre une vérité dans la voix, elle rassemble tous les gens qui vivent, dialoguent et se chamaillent dans ma tête.” Ce plaisir du chant, de la note fugueuse, insoumise, Canine en connaît l’origine : un rêve. Elle qui travaillait, malaxait son chant depuis des années, plusieurs heures par jour, atteint un état de félicité, de sérenité. Cette nuit-là, dans son rêve, elle décroche une note “très ample et très agréable”. Et dans son sommeil, elle se visualise vomissant des vagues. “Je me suis réveillée et j’ai su que je savais chanter. Que j’étais libre.”


"Canine, ce n’est pas que moi, c’est un objet que je protège, en control freak"

Cette mystique évoque, grâce au chant, un équilibre physique, spirituel. Depuis ce rêve, la jeune femme tient enfin sa petite musique à elle, après avoir passivement suivi le Conservatoire, qu’elle détesta. Et la vie de groupe (dont les flashy Bitchee Bitchee Ya Ya Ya des années fluo), qu’elle ne goûta guère plus, peu taillée pour la démocratie. C’est la musique électronique et une BO de théâtre qui la réconcilie avec son clavier – ses claviers, car elle se passionne aussi, alors, pour la production par ordinateur et le son. Une obsession venue de l’écoute forcenée de Michael Jackson, puis Björk ou Portishead, mais aussi Chopin ou Coltrane. “Tous ces gens chez qui la technique, le fond est au strict service de la forme, de l’émotion.”

Après avoir vu Canine sur scène ou sur de très belles vidéos tournées par La Blogothèque, on s’était dit qu’on ne découvrirait jamais le vrai visage de ce personnage masqué, enrobé d’un mystère qui évoque autant les cérémonies païennes du film The Wicker Man que les sophistications de Phantom of the Paradise. “J’avais décidé de ne pas apparaître, de ne pas parler. Mais j’ai fini par mettre une distance entre la musique et moi, de n’être que la metteuse en scène de Canine. Le masque me donne l’autorisation de prendre la parole en public, de dépasser ma timidité. Canine, ce n’est pas que moi, c’est un objet que je protège, en control freak.”

Louve solitaire

Et ça tombe bien, tant la musique et l’univers de Canine semblent fragiles, en équilibre menacé. Car la musique de Canine n’existe pas, essuie constamment les plâtres, ambitieuse et pourtant réduite aux fonctions vitales. Dans l’esprit, Magali pourrait même être une chanteuse soul, égarée, hagarde. “La soul, c’est l’absence de chiqué”, dit-elle.

Canine offre, c’est rare, un monde clés en main, qui ne laisse personne sur son paillasson, sans pour autant faire dans les ronds de jambe : une musique exaltée sous ses airs austères, une musique qui a voyagé loin et longtemps. Surtout dans la tête de la jeune Niçoise exilée – et elle le vit ainsi – à Paris. “Je suis une solitaire… Je compare souvent les gens aux animaux et je serais plutôt un chien dominant. Je ne suis pas heureuse si je ne suis pas la tête pensante.”