arpoma.com - Rep. / Data
(65 sur 68)   (liste)

zelenka (jan dismas) - messe votive 1715@

(taille reelle)
La messe votive de Zelenka (ZWV 18), appelée en l'occurrence Messe de la Résurrection, est l'un des chefs-d'oeuvres de ce compositeur à vocation liturgique. Tout est festif, un véritable feu d'artifice…

La MISSA VOTIVA ZWV 18 en mi mineur date de 1739. Elle est impressionnante par ses dimensions. C'est un immense ex voto. Zélenka remercie Dieu avec ferveur de la guérison miraculeuse de la maladie douloureuse dont il était atteint. La première page du manuscrit porte en exergue « Je veux m'acquitter de mon voeu envers le Seigneur », et un peu plus loin sur la partition, on peut lire « Cette messe a été composée à la plus grande gloire de Dieu par Jean Dismas Zélenka pour acquitter son voeu, après qu'il ait recouvré la santé avec l'aide de Dieu ».

Dans cette messe tout va très vite. C'est un véritable déferlement sonore, un bouillonnement, une action de gratitude d'une rare fébrilité. Faisant alterner les parties solistes qui amènent un peu de calme, Zélenka va tout mettre en oeuvre pour exacerber son écriture: frottements harmoniques, cadences rompues, modulations incessantes, dynamique contrastée, cassures rythmiques, batteries névrotiques de cordes, traitement de l'orchestre et du choeur en extrême tension.

Le Kyrie s'ouvre par un grand mouvement choral plein de glissements harmoniques évoluant par un ingénieux système de quartes descendantes contrastant avec l'air pour soprano du Christe à la mélodie et à l'harmonie simple. La ligne vocale très élégante, délicatement ornée n'est pas sans faire songer à l'opéra italien.

Le Gloria et le Credo seront les deux grands pôles de cette messe. Le Gloria est une véritable course effrénée où solistes, choeur et orchestre font preuve d'une grande virtuosité dégageant une mélodie claire et rayonnante.

Les 7 sections de ce Gloria très développé (une cinquantaine de pages dans la partition) vont s'enchaîner d'une façon jubilatoire, avec ça et là des moments d'obscurcissement et de prière fervente comme ce Gratias agimus tibi répété à plusieurs reprises, témoignant de la gratitude du compositeur envers Dieu pour lui avoir accordé la guérison.

Le Cum sancto II est une énorme fugue enfiévrée, au tempo haletant, toutes les voix se déployant dans une formidable synergie.

Le Credo commence par une introduction orchestrale très percutante avec syncopes et traits de doubles croches énergiques. Le choeur attaque avec grande énergie, chaque voix scandant à tour de rôle le cantus firmus grégorien Credo in unum Deum, profession de foi du catholique.

Credo (1er mouvement)
C'est l'une des plus belles pages de toute la littérature baroque par sa spiritualité et sa musicalité. Magnifique et déchirant Et incarnatus est, à la voix d'alto avec un traitement des violons dans leur registre grave, traduisant un profond recueillement et la déférence de l’homme envers Dieu pour s'être incarné; douloureux Crucifixus évoquant la Passion du Christ.

Et incarnatus est
Une grande tension se dégage de cette fugue lente entonnée à l'unisson par les basses et l'orchestre. Voix d'hommes profondes s'élevant des ténèbres qui contrastent avec celles des femmes, aériennes, évoquant dans une ascension nimbée de lumière la Résurrection. A noter l'atmosphère lourde et sombre du Judicare vivos et mortuos contrastant avec l'impétueux Et resurrexit qui se conclue par une fugue énergique.

Et resurrexit

Le Sanctus est tout à fait dans le style de notre compositeur, abrupt, austère, sans fioritures, jouant sur les fragmentations avec ses rythmes pointés qui hachent l'espace offrant un saisissant contraste avec le Benedictus, limpide et apaisé.

L'Agnus Dei ne recèle aucune mièvrerie. La supplication se fait angoissée et particulièrement tourmentée. A noter la magnifique écriture chorale où les voix évoluent de façon indépendante, sur un ostinato rythmique brisé de silences, à l'orchestre.

Cette partition magnifique se termine par un Dona nobis pacem étonnant où Zélenka va utiliser les éléments thématiques du Kyrie I, créant ainsi une forme miroir qui donne à cette messe quelque chose d'infini et d'atemporel.

Alain MAUREL