Tout s'enfuit, les hommes, les saisons, les nuages; et il est inutile de s'agripper aux pierres, de se cramponner au sommet d'un quelconque rocher, les doigts fatigués se desserrent, les bras retombent inertes, on est toujours entraîné par ce fleuve qui semble lent, mais qui ne s'arrête jamais. » (chapitre 24).
Le roman traite de façon suggestive et poignante de la fuite vaine du temps, de l'attente et de l'échec, sur fond d'un vieux fort militaire isolé à la frontière du « Royaume » et de « l'État du Nord ». Les deux territoires sont séparés par un désert énigmatique. Le lieutenant Giovanni Drogo y attend la gloire dont la maladie le privera.
Le Désert des Tartares (titre original en italien Il deserto dei Tartari) est un roman de Dino Buzzati paru en italien en 1940. La traduction française ne sera publiée qu'en 1949.
Cette œuvre renvoie pour une part à l'influence de Kafka (influence que Buzzati a toujours réfutée) par l'esprit de dérision et l'expression de l'impuissance humaine face au labyrinthe d'un monde incompréhensible mais aussi au courant existentialiste des années 1940-1950 et de Jean-Paul Sartre avec La Nausée (1938) ou d'Albert Camus avec L'Étranger (1942), pour ne citer que des œuvres majeures contemporaines du Désert des Tartares. Mais Buzzati a surtout été influencé par Pascal, dans sa manière, par exemple, d'appréhender la mort. Par ailleurs ce roman, qui a œuvré à la notoriété de l'auteur et a connu un succès mondial, n'est pas dénué de rapport dans sa description d'un « présent perpétuel et interminable » avec deux autres grands classiques : Les Choses, de Georges Perec (1965) et La Montagne magique de Thomas Mann (1924). Julien Gracq reprend quant à lui en 1951 la question du « présent perpétuel » dans Le Rivage des Syrtes (Prix Goncourt) pour décrire la longue attente avant l'entrée du héros dans l'Histoire et le moment où celle-ci bascule.
Le Désert des Tartares est, avant tout, un procès au temps. Tout le roman est axé sur la fuite du temps. On peut tout rattacher à ce thème. Par exemple, le découpage du livre en trente chapitres courts et de même taille donne l'illusion d'une régularité dans l'avancée du roman.