Le jour où Ferdinand perd son travail, il retrouve une jeune étudiante qu'il a jadis aimée: Marianne. Las de son existence, il décide de refaire sa vie avec elle. Mais celle-ci se joue de lui, l'entraîne dans un engrenage de passion et de violence que, très vite, il ne peut maîtriser.
TELERAMA
Solitude, fatigue, ratage, trahison, chagrin, intermittence du coeur, suicide. Le fond est cafardeux. La forme, elle, est affamée. C'est une boulimie d'art : BD, romans américains, série noire, musique symphonique, twist, chansonnette, peinture espagnole, pop art, lettrisme, architecture, poésie, mode, pub : cinquante ans après Picabia et vingt ans avant le sampling, Godard pratique l'accumulation, le court-circuit, le collage, le recyclage.
Il est jeune, dingue amoureux des hanches d'Anna, il fonce vers l'absolu, emprunte, donne énormément. Du Technicolor, de la Côte d'Azur, de l'action, de l'amour, de la haine, en veux-tu, en voilà. Le cinéma ? De l'émotion. C'est l'ami Samuel Fuller qui le dit...
Pierrot le Fou est le plus romantique et le plus romanesque des films de Godard. Entre éloge et fracture, enthousiasme et dérision, l'auteur balance, mais c'est le lyrisme — mélancolique — qui l'emporte. Parce que l'art sert à passionner le désert de la vie, Ferdinand et Marianne s'imaginent en personnages — elle persiste à l'appeler Pierrot —, jouent à s'aimer, s'aiment vraiment, s'ennuient, se perdent de vue et se retrouvent, hélas trop tard. Le hurlement de désespoir de Belmondo — la poignée de secondes la plus viscéralement tragique de sa carrière ? — fait mal. Aussi mal que, dans la vraie vie, l'éloignement de Karina qui abandonne son pygmalion.