Paris, 1938. Dans un hôtel proche du canal Saint-Martin, on fête une communion. Les clients de l'hôtel et les patrons célèbrent l'événement autour d'un repas. Au cours du repas, un jeune couple d'amoureux vient louer une chambre dans le but de se suicider. Pendant la nuit, le coup de feu retentit, la jeune femme est blessée et le jeune homme disparaît. Les hôteliers embauchent la jeune femme comme serveuse.
TELERAMA
Un hôtel modeste au bord du canal Saint-Martin... Inutile de raconter l'histoire, ce qui compte, évidemment, c'est... l'atmosphère de ce quatrième film de Marcel Carné. Au départ, il est embauché par la société de production Sedi pour tourner un film avec la star du studio, la jeune et douce Annabella. On ne lui donne qu'une directive : faire un Quai des brumes, mais un Quai des brumes moral...
Privé de son ami Prévert, en voyage aux Etats-Unis, le réalisateur choisit alors Jean Aurenche et Henri Jeanson comme scénaristes. Très vite agacés par la fadeur du couple de jeunes premiers dramatiques (Annabella, donc, et Jean-Pierre Aumont), ils imaginent un autre couple (merci à eux) pour leur voler la vedette (pari gagné !) : monsieur Edmond, un voyou repenti (Jouvet, un seigneur dans son costard de mac), et Raymonde (Arletty, incarnation géniale de la gouaille du Paris populo), la prostituée au coeur tendre qui lance la réplique la plus célèbre du cinéma français.
Au bout du compte, Hôtel du Nord, véritable festival de dialogues, est plus un film de Jeanson que de Carné. Même les décors d'Alexandre Trauner sont plus importants que l'histoire : à eux seuls, ils feraient regretter à la Nouvelle Vague d'avoir déplacé les tournages en extérieurs naturels. Tendresse particulière pour le jeune Bernard Blier, dans le rôle de l'éclusier dingue de Raymonde (« Oui, ma petite reine », « Voilà, ma petite reine »)... Poussiéreux, l'Hôtel du Nord ? Ceux qui osent dire ça sont de « drôles de bled »... — Guillemette Odicino