Dans un parc de Londres, un jeune photographe surprend ce qu'il croit être un couple d'amoureux. Il découvre sur la pellicule une main tenant un revolver et un corps allongé dans les buisssons...
TELERAMA
es couleurs vives et le noir d’encre (mention spéciale à Carlo Di Palma), l’architecture ancienne mais surtout nouvelle de Londres, l’approche résolument plastique, c’est ce qui saisit d’abord aujourd’hui, en revoyant cette Palme d’or de 1967. Second film en couleurs après Le Désert rouge du maître italien, Blow-Up est son premier hors d’Italie, objet de scandale en son temps (pour ses scènes de nu et ses joints fumés). On ne peut qu’être frappé par le don d’observation d’Antonioni de l’anglicité, au-delà même du Swinging London auquel on associe souvent son film.
Certes, il y a bien l’attitude surexcitée du photographe de mode (inspiré de David Bailey), le défilé des fringues et des mannequins (avec l’apparition de Jane Birkin), le concert chaotique dans un club des Yardbirds, avec Jeff Beck qui détruit sa guitare. Mais le film, plutôt excentré et silencieux, se réduit presque à deux lieux : le studio du photographe et ce parc désert où il traîne un jour par hasard, prend de loin un couple qui flirte et découvre après coup, à travers tirages et agrandissements successifs, qu’un crime a peut-être été commis.
Énigme avec multiplication d’indices, le film est une réflexion captivante sur la réalité et l’apparence, la vérité qui nous échappe toujours, le voyeurisme et la part vampirique de la création artistique. À ce titre, le photographe cynique en jean blanc et boots incarné par le formidable David Hemmings n’est guère sympathique — c’est un mufle égocentrique, comme le sont souvent les hommes chez Antonioni —, mais ses déboires tendent à le bonifier un peu. Blow-Up (qui signifie à la fois « agrandir », « révéler », « exploser ») reste un grand film conceptuel sur l’opacité du réel et le mystère de l’existence, dont l’image photographique, la peinture (aussi évoquée ici) et le cinéma ne font que refléter la surface.
| Film de Michelangelo Antonioni (Italie/GB, 1966) | Scénario : M. Antonioni, Tonino Guerra, d’après Julio Cortázar | 110 mn. VO | Avec David Hemmings (Thomas), Vanessa Redgrave (Jane), Sarah Miles (Patricia), Peter Bowles (Ron).