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WEST SIDE STORY, Steven Spielberg 2021, Mike Faist, Rachel Zegler, Ansel Elgort, Maddie Ziegler (musical)@@

(taille reelle)
Le coup de foudre frappe le jeune Tony lorsqu'il aperçoit Maria lors d'un bal en 1957 à New York. Leur romance naissante contribue à alimenter la guerre entre les Jets et les Sharks, deux gangs rivaux se disputant le contrôle des rues.

TELERAMA
L’amour contre la violence et l’intolérance. Le sujet était fait pour Spielberg, et son adaptation de la comédie musicale culte est emballante.
Avertissement avant que le spectacle commence : amateurs de modernisation à tous crins, passez votre chemin, il n’y aura pas de rap à la place du mambo dans le quartier de la légendaire tragédie chantée et dansée. Si Steven Spielberg fait le pari fou de réadapter la comédie musicale créée à Broadway en 1957, il s’attaque à ce monument avec du respect pour le passé, et c’est délicatement qu’il actualise l’amour naissant entre Maria et Tony sur fond de rixes entre gangs rivaux new-yorkais, les Jets (descendants d’anciens émigrés européens) et les Sharks (Portoricains fraîchement arrivés).

La présence de vrais requins (« sharks ») s’impose dès l’ouverture, avec ses mouvements de caméras vertigineux au milieu des gravats : les promoteurs immobiliers et leur énorme boule de démolition commencent à pulvériser le quartier de Lincoln Square et de San Juan Hill, dans l’Upper West Side, ce territoire pour lequel se battent les deux gangs. Faire couler le sang pour un fief condamné à disparaître : voilà qui rend encore plus absurde et tragique cette romance déjà condamnée par le racisme et la pauvreté. Quand Tony, le jeune Roméo des Jets rejoint Maria, la petite sœur de Bernardo, chef des Sharks, pour lui chanter son amour, leurs visages restent séparés par des grillages. Jusqu’au moindre détail, cette version envoie de tristes présages pour les tourtereaux enfermés contre leur gré dans des identités ennemies…

Avec une direction artistique flamboyante, fidèle aux couleurs des années 1950, Spielberg ajoute une noirceur contemporaine et alerte sur l’exclusion et la haine qui rongent toujours l’Amérique. Dans une même volonté de réalisme, il déplace bon nombre de numéros musicaux en extérieur, dans les rues de New York. Ils sont enthousiasmants, ces numéros, comme celui qui confronte Tony et son pote Riff au sujet de la possession d’une arme qui se révélera fatale. Dans le film original, la scène se déroulait dans un parking. Spielberg et son très inspiré chorégraphe, Justin Peck, la réinventent, totalement, sur une jetée, selon une tension digne du Far West. Suivra la séquence folle, du Rumble cette bagarre qu’il débarrasse des rondeurs de la danse pour l’assécher en une chorégraphie sans merci. Quant à America, moment qui se devait d’être euphorisant, il se déploie, en plein jour, au carrefour de plusieurs rues d’où affluent tous les Portoricains.

Si tous les interprètes ont l’âge de leurs jeunes personnages, cette merveille d’énergie est menée par la révélation Ariana DeBose. Elle compose une Anita explosive et émouvante qui réussit la prouesse de faire oublier Rita Moreno, créatrice du personnage à l’écran… À laquelle Spielberg et son scénariste ont l’idée, magnifique, de donner un autre rôle : la veuve de l’épicier de quartier, preuve vivante et douce que les mariages mixtes peuvent exister. C’est elle, cheveux neigeux et voix triste, qui chante Somewhere, ode à l’espoir en un monde meilleur, envers et contre tout. Sans doute le moment le plus bouleversant du film, comme une passerelle entre hier et aujourd’hui, et comme une séquence testamentaire de Spielberg l’humaniste enchanteur.