Le lieutenant Fitzgerald a vingt et un ans et déjà beaucoup de talents. Il danse à merveille toutes les danses à la mode, m’apprend le turkey trot, le maxie et l’aeroplane ; il écrit des nouvelles que la presse publiera bientôt, il en est certain ; il est propre et élégant, il sait le français – c’est grâce à sa connaissance du français qu’il a été fait lieutenant d’infanterie après ses classes à Princeton, les francophones jouissant d’un privilège qui les propulse officiers – et surtout il est propre et soigné, sa mise d’une coquetterie presque dandy. » Celle qui s’exprime ainsi, c’est Zelda Sayre, la fille du juge Sayre, petite-fille d’un sénateur et d’un gouverneur, véritable diable à tête blonde de Montgomery, Alabama. La « Southern Belle » et l’officier deviennent après-guerre des célébrités adulées par le Tout-Manhattan, ils font la une des journaux, ont leurs portraits au frontispice des théâtres et des cinémas. Ils sont beaux et photogéniques : les années 20 leur appartiennent. De l’Alabama à l’aile psychiatrique du Highland Hospital de Ashville où elle est suivie pour troubles mentaux intermittents, Zelda se souvient de cette vie qui ressemblait à un « cloaque de chic », comment ils ont pu s’aimer au départ et comment ils se sont supportés toutes ces années. Alabama Song traduit avec brio la douceur et le tranchant, l’immobilité et le chaos d’un monde qui bascule. Avec inspiration et finesse, Gilles Leroy fait tomber un à un tous les masques et redessine en creux un portrait neuf de Zelda Fitzgerald.