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A LA JOIE, Jerome Bonnell, Amel Charif, Pablo Pauly (sante)@@@

(taille reelle)
Dans un Paris confiné, Véra fait la connaissance de Sam dont le charme ne la laisse pas insensible. Isolés, loin de leurs repères habituels, l'amour peut-il naître et se vivre sans le regard des autres ?

LE MONDE
Dans un pays ravagé par une peste qui obligeait chacun à rester cloîtré, une jeune femme ouvrit sa porte à un inconnu. Alors que la mort s’insinuait dans chaque interstice de la vie, ils s’aimèrent. A la joie, le beau film de Jérôme Bonnell, est un film d’époque – du printemps 2020 –, qui fait de cette tragédie dont on sort à peine un ailleurs dont l’étrangeté rend presque (et tout est dans le « presque ») certain ce qui hier encore était impossible.
La grâce des visages et des corps de ces amants de la pandémie de Covid-19, l’élégance de la mise en scène font d’A la joie un moment intense et doux, qui regarde en face aussi bien le désir que la douleur.
Véra (Amel Charif) commence à Montpellier sa carrière d’avocate (pour l’instant, elle plaide aux prud’hommes), quand le confinement la bloque à Paris. Même en ce prélude en apparence programmé, Jérôme Bonnell, également scénariste, injecte une dose de liberté. Si elle y avait mis un peu du sien, Véra aurait pu prendre le dernier train pour se confiner avec son fiancé ; elle préfère se couler dans le flottement universel du moment pour rester dans l’appartement d’une amie, où elle reçoit la visite d’un voisin. Sam (Pablo Pauly) est très loquace, plutôt drôle, un peu envahissant.
Les jeunes gens font en même temps l’apprentissage du confinement, dont les rituels sont reconstitués sous nos yeux, comme de très anciens souvenirs. La file d’attente devant le supermarché, l’initiation au port du masque, la quête de gel hydroalcoolique… l’acquisition de la maîtrise de ce nouveau quotidien, fait de contraintes inédites, sert en fait de clé des champs aux amants.
Ce paradoxe donne au film de Jérôme Bonnell une impulsion qui le propulse vers la réalisation de tous les souhaits, puisque, en réalité, il n’y en a qu’un qui compte vraiment : celui de rester ensemble, loin du monde. Cette célébration de la rencontre des corps – de la distance sanitaire à la fusion – est ordonnée avec une élégance qui lui permet d’éviter tous les pièges qui guettent lorsque l’on filme l’amour. Ce que Jérôme Bonnell, Amel Charif et Pablo Pauly montrent à l’écran est limpide : le règne du désir.
Et puis, un soir où ils applaudissent au balcon, sur le coup de 20 heures, Sam dit à Véra que la joie lui importe plus que le bonheur. Ce qui pourrait n’être que la version sophistiquée d’un proverbe pour gaufrette ou pour biscuit chinois se révèle être le premier présage des catastrophes à venir.

Sans se départir de son élégance, le cinéaste met en scène la descente, sur l’autre face du sommet. Impossible de la détailler ici sans gâcher les chocs successifs que la réalité porte à l’amour naissant entre Sam et Véra. Disons seulement que cette deuxième partie d’A la joie est aussi dure avec les amants que la pandémie le fut avec le pays, et que l’évocation presque nostalgique de l’année 2020 fait place à un regard atterré face à la magnitude du désastre.
Cinéaste fasciné par les distances qui séparent les êtres, par les moments qui en permettent le franchissement, Jérôme Bonnell trouve dans le confinement l’espace idéal pour exprimer la quintessence de sa manière. Il a trouvé en Pablo Pauly, charmant, fragile, et en Amel Charif, d’une élégance quasi impériale, les interprètes idéaux pour cette chronique d’un amour au temps de la pandémie.